Les tribulations des Hongrois

Teljes szövegű keresés

Les tribulations des Hongrois
Les chefs de file des Roumains de Transylvanie avaient tenté, dans la résolution de Gyulafehérvár proclamant l’union, de formuler en même temps une Charte des libertés pour les minorités nationales. Citons-en le texte: a Liberté nationale totale pour les peuples cohabitants. Chaque peuple a droit à l’éducation, à l’administration et à la juridiction en sa langue maternelle et par une administration propre, exercée par des personnes issues de son sein. Chaque peuple a droit à une représentation conforme à son importance numérique dans les assemblées législatives et le gouvernement du pays.»* Cette résolution reflétait, sur le plan des questions politiques et sociales, un esprit de démocratie bourgeoise qu’elle promettait de faire valoir notamment en faveur des minorités nationales.
IMRE MIKÓ, Huszonkét év, op. cit., 265.
630Tableau VI – Répartition de la population de la Transylvanie selon la langue maternelle et la nationalité, d’après les recensements hongrois de 1910 et roumain de 1930
 
 
Population
1910
1930
1910
1930
langue maternelle
langue maternelle
nationalité
langue maternelle
langue maternelle
nationalité
(en milliers)
(en milliers)
%
%
Roumains
2830
3233
3208
53,8
58,2
57,8
Hongrois
1664
1481
1353
31,6
26,7
24,4
Allemands
516
541
544
9,8
9,8
9,8
Juifs/Yiddish
49*
donnée calculée
111
179
0,9
2,0
3,2
Tziganes
60
40
109
1,2
0,8
2,0
Autres
144
138
155
2,7
2,5
2,8
Total
5263
5548
5548
100,0
100,0
100,0
Sources: Les données du recensement de 1910 (en hongrois) M. Star. Közlemények. Új Sorozat 42. kötet; JAKABFFY, E.: Statistiques de Transylvanie (en hongrois) Lugos 1923; Les données du recensement de 1930 (en roumain) Recensământul general al populaţiei din 29 Decembrie 1930. II. (Bucureşti 1938, 1-180).
631En 1919, la Roumanie s’engage, dans une convention internationale, à mettre dans la pratique l’exercice des droits des minorités. Cette convention sur les minorités garantit aux non-Roumains l’égalité générale de leurs droits, le libre usage de la langue, l’enseignement dans les langues respectives des minorités nationales, ainsi qu’une certaine autonomie culturelle accordée aux Sicules et aux Saxons. Elle autorise les représentants des minorités à s’adresser éventuellement à la Société des Nations pour réclamer l’exercice de leur droit. L’égalité en droit des citoyens appartenant aux minorités sera, en principe, réaffirmé par la Constitution de 1923, mais cette dernière déclarera le pays «Etat national roumain» et ne donnera pas force de loi aux importantes promesses de la résolution de Gyulafehérvár. Aussi la contradiction subsistera-t-elle entre les dispositions de la Constitution et la pratique politique, contradiction qui bloquera dans une mesure non négligeable les possibilités de coopération entre le peuple majoritaire et les minorités.
Le recensement de 1930 fait état, en Transylvanie – suivant la langue maternelle déclarée –, de 1 480 712 Hongrois. Après 1918, selon les estimations, 200 000 Hongrois (selon d’autres données, 300 000), entre autres des intellectuels et des fonctionnaires, avaient quitté la Transylvanie pour s’établir en Hongrie. Au moment du recensement, plus du tiers de la population hongroise vit en Terre sicule, à peu près le quart dans les villes de Transylvanie et un autre quart aux abords de la frontière occidentale.
La stratification socio-professionnelle de la société hongroise de Transylvanie était, traditionne’lement, plus complexe que celle des Roumains. Par rapport à la population totale, elle avait un caractère moins agricole, 58% seulement des Hongrois vivant des produits de la terre et de l’élevage. Près de 20% d’entre eux tiraient leur subsistance de l’industrie, minière ou autre, alors que 7,8% relevaient du secteur tertiaire (commerce, banques, transports). Le taux des travailleurs temporaires (surtout journaliers) était relativement élevé (2,5%.
Dans la Roumanie de régime mi-capitaliste mi-féodal, la situation des Hongrois ne cesse de se dégrader, en raison d’une part de certains processus socio-économiques défavorables, mais aussi à cause de la politique de discrimination nationale. Les régions habitées par les Hongrois, en particulier la Terre sicule souffrent du sous-développement industriel. La crise du capitalisme affecte tout particulièrement les ouvriers, les artisans et les petits détaillants, et notamment des Hongrois qui sont plus nombreux dans ces secteurs que les autres ethnies. Même si la réforme agraire de 1921 a, à certains endroits, profité aussi aux paysans hongrois, elle ne satisfaisait pas les besoins de terres du prolétariat agricole de cette ethnie. Cette réforme, où perce une discrimination nationale certaine, frappe en premier lieu les grands et moyens propriétaires fonciers hongrois et affecte gravement les Eglises et les communautés. Alors que les terres des Eglises roumaines tendent à augmenter en superficie, celles des Eglises hongroises se voient diminuées de plus de 314000 acres et ce bien qu’elles en eussent, traditionnellement, utilisé le revenu à des fins éducatives et culturelles.
Une manifestation de la discrimination économique est l’établissement d’impôts plus élevés dans les départements sicules que dans les régions à prédominance roumaine. Les artisans et les petits détaillants hongrois se trouvent défavorisés non seulement par le système fiscal, mais aussi par le refus ou la cessation du crédit. Les banques hongroises ne jouissent pas des mêmes faveurs que les autres auprès de la Banque nationale de Roumanie, d’où le caractère limité du crédit qu’elles sont à même d’offrir. Et encore, 633gardiennes des intérêts capitalistes, elles n’aident en aucune manière, pas même dans la mesure de leurs possibilités, la paysannerie hongroise aux abois.
632Tableau VII – Répartition de la population de la Transylvanie selon les catégories professionnelles et la nationalité en 1930 (actifs + personnes à charge)
 
Catégorie professionnelle
Roumains
Hongrois
Allemands
Juifs
Autres
Total
(en milliers)
%
(en milliers)
%
(en milliers)
%
(en milliers)
%
(en milliers)
%
(en milliers)
%
Agriculture
2498
81,0
786
58,0
294
54,1
16
9,2
171
64,5
3865
69,7
Mines, industrie
209
6,5
270
1919
130
24,0
48
26,7
42
15,9
699
12,6
Commerce, banques, transports
112
3,5
106
7,8
40
7,2
72
40,4
8
3,0
338
6,1
Administration
48
5
25
8
8
1,5
3
l’9
2
0,6
86
1,5
Service ecclésiastique
16
0,5
8
0,6
2
0,5
6
3,6
1
0,2
33
0,6
Education
26
0,8
12
0,9
6
1,1
2
1,0
1
0,3
47
0,8
Armée et police
63
2,0
5
0,4
3
0,6
2
1,2
7
2,7
80
1,5
Santé
10
0,3
16
2
10
1,8
3
1,7
2
0,8
41
0,7
Travailleurs temporaires
37
2
34
2,5
7
1,4
5
2,7
13
4,9
96
1,7
Divers et inconnus
89
2,7
91
6,9
44
7,8
22
11,6
17
7,1
263
4,8
Total
3208
100,0
1353
100,0
544
100,0
179
100,0
264
100,0
5548
100,0
Sources: Recensământul general al populaţiei din 29 Decembrie 1930. VII (Bucureşti, s. d.)
Les conditions naturelles des départements de la Terre sicule ne favorisent pas l’agriculture et, comme l’industrie y est presque inexistante, une part importante de la jeunesse se voit contrainte à l’émigration vers le Regat (où, selon les estimations, une centaine de milliers de Hongrois vont, à cette époque, chercher fortune) ou à chercher du travail dans les villes de Transylvanie. Par ailleurs, la crise économique pousse à l’émigration vers l’Amérique (on estime à quelque 50 000 le nombre des émigrés entre 1920 et 1940 vers l’Occident et surtout vers les Etats Unis).
Une partie de l’aristocratie hongroise avait quitté la Transylvanie, mais ceux qui sont restés peuvent, malgré le déclin de leur fortune et grâce à leurs relations avec les milieux dirigeants roumains ou à leurs rapports avec la Hongrie, jouer un rôle dans la vie politique et publique. Une part non négligeable des propriétaires fonciers moyens s’étaient appauvris; leurs enfants tentent de refaire leur vie dans les villes ou préfèrent s’expatrier. En 1919, nombreux étaient les fonctionnaires qui n’avaient pas prêté serment de fidélité au nouveau pouvoir, ce qui constitua pour ce dernier un excellent motif de licenciement. Plus tard, les licenciements frapperont ceux qui ne parlent pas roumain, qu’ils soient postiers ou cheminots. Dans les rangs de la bourgeoisie et des intellectuels, beaucoup vivent dans l’incertitude du fait que le nouveau pouvoir refuse de leur reconnaître la citoyenneté roumaine. Dès les années 30, le «numerus valachicus» est observé jusque dans les entreprises privées: cela signifie l’obligation d’employer un personnel à majorité roumaine et d’effectuer la gestion en roumain.
L’hégémonie de la langue roumaine est imposée par tous les moyens. Les noms des localités et des rues ne sont plus affichés en hongrois, interdiction qui est valable même pour les agglomérations à majorité hongroise et parfois jusque dans les publications de langue hongroise. Les enseignes bilingues sont d’abord assujetties à une taxe, puis enlevées. A partir de 1921, les tribunaux conduisent les procès, délibèrent et rendent leur verdict en roumain et les usagers de la justice ne parlant pas roumain doivent faire appel à un interprète. Tout document adressé aux autorités doit être rédigé en la langue d’Etat. Dans les lieux publics apparaît l’inscription: «Parlez uniquement en roumain! (Vorbiţi numai românęste!)» Des colons roumains sont établis en masse, en particulier le long de la frontière occidentale et sur la Terre sicule, sans susciter, du reste, de changement majeur dans les conditions ethniques. Une campagne est tout spécialement lancée en vue de roumanisar les Sicules; des milieux nationalistes tentent par tous les moyens de prouver que les Sicules ne sont en fait que des Roumains magyarisés qu’il faut simplement ramener à leur culture d’origine. A partir de 1924, la roumanisation de la population presque entièrement hungarophone de la Terre sicule et de la zone frontalière mixte (mais à majorité hongroise) est activée par la création (dans dix départements de ces régions) d’une zone dite «culturelle» afin d’y intensifier, selon le discours officiel, l’enseignement du roumain. Des enseignants venus du Regat y sont embauchés dans les écoles laïques avec une rémunération majorée de So%, et l’octroi d’une ferme de 10 hectares. L’école apparaît donc désormais comme le principal instrument de l’assimilation.
Après 1919 un bon millier d’écoles élémentaires laïques de langue hongroise sont supprimées et l’enseignement en langue hongroise ne subsiste que dans les écoles confessionnelles. Au cours de l’année scolaire 1930-31, les Eglises font fonctionner – sans la moindre subvention d’Etat – 483 écoles primaires 634réformées, 297 catholiques, 36 unitariennes et 6 évangéliques. Le nombre des élèves y atteint 76 255, soit 57,6%, des enfants hongrois soumis à l’école obligatoire. Les autres devaient, en principe, être accueillis par les écoles publiques de langue hongroise ou les sections hongroises des écoles roumaines, mais leur nombre va décroissant: en 1934-35, on n’en compte plus que 112 avec 11 484 élèves inscrits. Le fait que, dans certains départements, tels que Csík et Szatmár, aucune école publique à section hongroise ne fonctionne, est tout à fait révélateur. Il s’ensuit qu’une part notable des enfants hongrois se voient contraints de fréquenter l’école de langue roumaine. Ils le sont surtout quand on fait valoir l’analyse anthroponymique destinée à élucider les origines des habitants de la Terre sicule. Ajoutons que, selon les rapports officiels, toutes les écoles maternelles d’Etat sont de langue roumaine, alors que le nombre des maternelles confessionnelles hongroises ne dépasse pas, à cette époque, le chiffre de 18.
La situation est pire encore au niveau du secondaire. Dans l’année scolaire 1930-31, on compte 23 écoles dites bourgeoises de langue hongroise à tutelle confessionnelle, mais privées des biens que leur avaient procurés diverses fondations; 17 lycées, 7 écoles normales, 4 écoles de commerce et 4 «écoles économiques d’hiver», soit une diminution de 50% par rapport à la situation de 1918 où l’on comptait pour le seul secteur confessionnel 116 écoles secondaires de langue hongroise. Une partie des écoles secondaires confessionnelles sont privées du droit de délivrer des diplômes reconnus, sans la supervision des autorités scolaires roumaines. En 1930-1935 2 609 jeunes fréquentent les établissements d’enseignement qualifiés d’écoles privées et 3 645 autres vont à l’école secondaire de langue roumaine.
Promulguée en 1925, la loi sur l’enseignement privé prescrit que, non seulement la langue roumaine est obligatoire, mais aussi l’histoire, la géographie et le droit constitutionnel doivent être enseignés en roumain. Les lycéens sont désormais tenus de passer le baccalauréat en roumain, devant des jurys dont les membres sont choisis parmi les professeurs roumains d’autres écoles, situation qui est, de très loin, la principale source d’échecs.
Une conséquence, grave parmi d’autres, des déficiences du réseau scolaire est le blocage de la formation d’artisans et de commerçants. En effet, l’enseignement secondaire de langue hongroise ne compte que quelques rares établissements; dans le même temps, peu de jeunes Hongrois peuvent s’inscrire dans les écoles roumaines de ce type, alors que, pour les Hongrois, les carrières économiques ont une importance accrue dans les conditions nouvelles. La formation d’ouvriers qualifiés se fait plutôt sur le tas, dans les usines et les petits ateliers et, à partir de 1927, il est obligatoire de former même les apprentis en roumain.
Pour le petit nombre de Hongrois ayant réussi au baccalauréat, la poursuite des études dans l’enseignement supérieur se heurte à maintes difficultés. Une tentative visant à créer une Université interconfessionnelle se heurte à l’interdiction des autorités. Le nombre des étudiants hongrois dans les universités de Roumanie ira diminuant: de 1443 en 1933-34 il est ramené à 878 en 1937-38. L’Université roumaine de Kolozsvár admet chaque année quelque 2 500 étudiants dont à peu près 300 Hongrois, mais ils sont rares à pouvoir terminer leurs études. Durant les dix premières années, 304 Hongrois au total y obtiennent un diplôme, soit de 6 à 7% des diplômes. C’est dire que les réserves de l’intelligentsia hongroise se tarissent, puisque les quelques centaines de jeunes qui font leurs études universitaires ou supérieures en Hongrie sont loin de rentrer tous en Transylvanie. Pour ce qui est de l’embauche des 635diplômés, ce sont les enseignants qui se heurtent au plus grand nombre de difficultés: ils ne peuvent enseigner que dans des écoles confessionnelles, leur rémunération est fort modeste et leur titularisation liée à divers examens.
Les années 30 voient reculer l’enseignement en langue maternelle; cela, dans une période où la situation économique, dégradée à la suite de la crise mondiale, met bien des familles hongroises dans l’impossibilité de payer les droits de scolarité élevés des écoles confessionnelles, c’est-à-dire privées. Sous la contrainte des conditions et la pression de la roumanisation forcée, beaucoup de parents inscrivent leur enfant dans une école publique roumaine. La pratique discriminatoire est tellement marquée qu’au moment où, en 1938, la dictature royale élaborera le statut des minorités nationales, même celui-ci proposera davantage de concessions aux minorités dans le domaine de l’éducation, sans qu’elles soient pour autant mises en application.
La tutelle essentiellement confessionnelle des institutions éducatives – et culturelles – de langue hongroise conférait, dans la vie des minorités nationales, un rôle accru aux communautés religieuses. En dépit des brimades des autorités, les prêtres et les pasteurs, en particulier les jeunes, se montrèrent très actifs, notamment dans les associations religieuses pour le développement de la culture.
La marge d’action des divers organes et institutions de l’information et de la culture va se rétrécissant. Vers le milieu des années 20, la presse hongroise commence à recouvrer ses possibilités perdues dans les premières années, et à suppléer au manque d’informations dû à la longue interdiction d’importation des journaux budapestois. Certes, les tirages ne sont guère élevés, à l’exception de celui de Brassói Népújság (Journal du peuple de Brassó) qui tire à 50 000. Les procès en délit de presse, ainsi que l’état d’exception prolongé à maintes reprises limitent la liberté de la presse des minorités nationales. Cette presse a le mérite d’exprimer, malgré sa tendance en général conservatrice, également des idées libérales. La production de périodiques étonne par sa richesse. En 1921, est lancée la revue littéraire Pásztortűz (Feu de pâtre), puis, en 1928, Erdélyi Helikon qui soutient l’activité de la Guilde transylvaine des Arts (Erdélyi Szépmíves Céh) fondée en 1924. En 1926, paraît la revue sociale et littéraire Korunk (Notre époque), d’esprit marxiste et d’horizons délibérément européens.
Parmi les institutions artistiques, il convient de réserver une place à part au théâtre hongrois de Kolozsvár qui, à force de monter des œuvres d’auteurs hongrois de Transylvanie, s’acquiert une forte réputation. Le monde du théâtre et de la musique voit en outre émerger un grand nombre de groupes amateurs.
Károly Kós, Aladár Kuncz, Sándor Reményik, János Kemény, Miklós Bánffy s’érigent en organisateurs de la vie littéraire hongroise. Cette littérature voit apparaître, dans les années trente, d’éminents auteurs tels que les prosateurs Áron Tamási, István Asztalos et Sándor Kacsó ainsi que les poètes Lajos Áprily et Jenő Dsida. La littérature se propose de procéder à une autopsie nationale, à assurer le renforcement de la conscience hongroise, la sauvegarde de la langue, la préservation et le développement du patrimoine transylvain.
Beaucoup d’intellectuels adhèrent au «transylvanisme» qui, prenant appui sur les expériences historiques, voue la Transylvanie et les Hongrois transylvains à un rôle particulier, cherchant avant tout l’issue dans la réconciliation et le rapprochement affectif des peuples cohabitants. La sensibilité aux problèmes sociaux se développe: écrivains et sociologues décrivent les tensions sociales au sein de la communauté sicule et dans les villes hongroises de 636Transylvanie. Certains écrivains, cependant, offrent une image idyllique du monde paysan, considéré comme immuable, et créent une atmosphère mystique de conte populaire.
Connaître et faire connaître la littérature roumaine, voilà un enjeu particulier de la vie intellectuelle hongroise. Une coopération s’établit avec plusieurs écrivains roumains, notamment avec Octavian Goga, Emil Isac et Victor Eftimiu pour ne citer que les plus célèbres. Nombre d’écrivains hongrois de Transylvanie se posent en médiateurs entre les lettres roumaines et hongroises. D’autre part, certains écrivains populistes de Hongrie, dont László Németh, s’intéressent vivement à «la condition minoritaire» et cherchent à établir des contacts avec les écrivains hongrois de Transylvanie et, par leur intermédiaire, avec les Roumains. Des tentatives de ce genre sont également faites pour un rapprochement entre les écrivains hongrois et saxons, et notamment ceux, parmi ces derniers, qui appartiennent au cercle du Klingsor. Mais les poignées de main ne génèrent pas de véritables tournants: le climat de nationalisme effréné coupe court à toute tentative de coopération durable.
La vie scientifique hongroise est extrêmement limitée: si elle a quelques cerveaux solitaires, elle n’a plus guère d’institutions. Les grandes écoles modernes font défaut et l’activité de Erdélyi Múzeum Egylet se trouve également bloquée. Cette dernière s’occupe en particulier de la vulgarisation scientifique et encourage les recherches sur des thèmes historiques dans le passé commun des Roumains et des Hongrois. Jusqu’au milieu des années 30, l’intelligentsia a délibérément abandonné le terrain des luttes politiques aux éléments aristocratiques et bourgeois qui y étaient prédestinés par leurs traditions et leurs conditions matérielles. Puisque, par la signature du Traité de paix de Trianon, l’appartenance de la Transylvanie à la Roumanie devient un fait, les responsables politiques conservateurs de la minorité hongroise se prononcent pour l’insertion loyale et la mise en place d’une politique de défense de leurs droits, sans songer dans un premier temps à fonder un parti. En juin 1921, la tentative de Károly Kós, architecte d’esprit démocrate de créer «un parti du peuple» à Bánffyhunyad, se solde par un échec. Après différentes tentatives des démocrates et des aristocrates pour fonder un parti, voit enfin le jour une organisation viable, le Parti Hongrois National, à la fin de 1922. Ce dernier est dirigé, dans un esprit conservateur, par les représentants de l’aristocratie et de la bourgeoisie qui ont cependant la certitude que les doléances nationales sont les mêmes pour toutes les classes sociales. En 1923, le parti parvient à un accord avec le poète Goga, émissaire du Parti populaire du général Averescu. Ce pacte promet, à la condition de faire bloc et de vaincre aux élections, une certaine autonomie aux Eglises hongroises, le statut publique aux écoles confessionnelles, des facilités pour le fonctionnement d’autres institutions culturelles de langue hongroise et l’emploi plus large de cette langue dans les localités comprenant au moins 25% de Hongrois, ainsi que dans l’administration de la justice.
En 1926, le Parti hongrois dénonce ce pacte et entre en coalition, dans des conditions semblables, avec le Parti libéral lui paraissant plus fort, pour renouer peu après avec le Parti populaire, tenter l’alliance avec la minorité allemande, puis retourner de nouveau vers les libéraux. Malgré un système électoral défavorable aux petits partis, les pactes de ce genre peuvent contribuer à l’élection de quelques députés hongrois au parlement, mais, une fois en place, les gouvernements n’honorent plus leurs promesses et, dans la pratique, la politique des pactes n’améliorait pas le sort des Hongrois. Les quelques changements qui interviennent sont plutôt la conséquence d’une modeste 637évolution vers la démocratisation du pays, tels que la levée provisoire de l’état de siège ou des élections plus honnêtes organisées en 1928 par le gouvernement Maniu; ces élections mettent le Parti hongrois en troisième position. Or, les avantages de cette évolution sont neutralisés par le chaos politique général ainsi que le glissement à droite favorisée par la crise économique.
Le Parti hongrois et les groupes ou institutions qu’il soutient tentent parfois de s’adresser, en vertu du Traité de 1919 sur la protection des minorités nationales, à la Société des Nations afin de la saisir essentiellement des doléances concernant les biens confisqués et l’éducation. Cependant, devant ce forum, les différents gouvernements roumains traitent bien entendu ces doléances en termes politiques et mettent tout en œuvre pour démontrer le caractère peu fondé des plaintes. Ils allèguent notamment que la minorité allemande (qui a opté pour une tactique différente) est «satisfaite de son sort» et ne demande pas d’aide extérieure. A l’exception de certains compromis profitant surtout aux propriétaires fonciers qui ont choisi de s’établir en Hongrie, la Société des Nations ne parvient pas à défendre les droits des minorités. D’autres tentatives de solliciter l’aide du Vatican pour donner suite aux plaintes de l’Eglise catholique, échouent elles aussi. Tout cela montre bien l’incapacité du système de protection des minorités de faire appel au contrôle international.
Dans les milieux hongrois, les communistes s’érigent en principaux porteparole des revendications progressistes, tant sociales que nationales. Ils militent activement dans les rangs du Parti des communistes de Roumanie et dans les organisations en relation avec celui-ci. La spoliation croissante et le nationalisme seront battus en brèche par l’Union des travailleurs hongrois (selon son sigle hongrois MADOSZ) qui fut créée en 1934 par une fraction oppositionnelle du Parti hongrois sous l’influence des communistes pour organiser la lutte contre l’exploitation croissante des masses et ce, à partir d’un programme économique et social progressiste fondé sur les principes de la démocratie et de l’autodétermination, aussi dans la solution des problèmes des minorités nationales. Le MADOSZ obtiendra la solidarité non seulement des communistes roumains, mais aussi du Front aratoire (Frontul Plugarilor), né en 1933 dans le département de Hunyad, et devenu, sous la direction de Petru Groza, un mouvement national radical des petits paysans, ainsi que de certains représentants de la social-démocratie.
A l’initiative des communistes et d’autres jeunes intellectuels démocrates a lieu, en 1937, la Rencontre de Marosvásárhely inaugurée par l’écrivain Áron Tamási et se voulant le point de départ d’une ère nouvelle. Ce nouveau mouvement de front populaire se prononce en faveur de la lutte anti-fasciste et de la coopération avec les forces démocratiques roumaines et il proclame que pour les peuples roumain et hongrois liés historiquement l’un à l’autre, la solution consiste à «s’unir fraternellement et librement e. Cette rencontre suscite un large écho au sein de l’intelligentsia progressiste roumaine de même que dans les milieux intellectuels de Hongrie.
En 1938, après la dissolution des partis et la mise en place officielle du régime corporatif, se constitue, sous la direction du comte Miklós Bánffy, la Communauté hongroise qui se donne pour but de représenter les intérêts culturels, économiques et sociaux des Hongrois. Au même moment, des pourparlers sont engagés sur un nouveau Statut des minorités qui promet une amélioration surtout dans le domaine de l’éducation, des établissements culturels et des Eglises. Mais, étant donné l’oppression nationale durable et le chaos qui tend à gagner l’ensemble de la vie politique intérieure, la majorité des 638Hongrois de Transylvanie accueillent désormais toute tentative de ce genre avec scepticisme, et misent davantage sur des facteurs extérieurs qui seraient susceptibles d’entraîner un revirement heureux de leur sort. De moins en moins de Hongrois – et de Roumains – continuent à chercher l’avenir des deux peuples dans la lutte commune contre le fascisme.

 

 

Arcanum Újságok
Arcanum Újságok

Kíváncsi, mit írtak az újságok erről a temáról az elmúlt 250 évben?

Megnézem

Arcanum logo

Az Arcanum Adatbázis Kiadó Magyarország vezető tartalomszolgáltatója, 1989. január elsején kezdte meg működését. A cég kulturális tartalmak nagy tömegű digitalizálásával, adatbázisokba rendezésével és publikálásával foglalkozik.

Rólunk Kapcsolat Sajtószoba

Languages







Arcanum Újságok

Arcanum Újságok
Kíváncsi, mit írtak az újságok erről a temáról az elmúlt 250 évben?

Megnézem