Les ambitions politiques roumaines

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455Les ambitions politiques roumaines
La publication, en 1841, du projet de loi de la Diète sur l’usage de la langue hongroise, exaspérait les intellectuels roumains qui y voyaient une menace mortelle à l’égard de l’existence nationale de leur peuple. Pourtant l’extension de l’usage du hongrois dans certains domaines de la vie publique qui avaient jusque-là utilisé le latin, ne préjudiciait guère à l’intelligentsia roumaine, puisque la langue de la Diète et des comitats était déjà le hongrois. Le roumain était, même auparavant, utilisé, en fonction des nécessités quotidiennes, au bas de l’échelle de l’administration de la justice et de l’administration tout court: les fonctionnaires communiquaient en roumain avec le peuple. Les aspirations linguistiques hongroises heurtaient essentiellement les espoirs roumains sur le futur développement national. Les chefs de file et les maîtres à penser des libéraux hongrois se démarquent en vain de toute magyarisation forcée, les Roumains réagissent avec une sensibilité exacerbée au projet de loi n’entend-il pas magyariser même la matricule ecclésiastique et introduire le hongrois jusque dans les écoles de Balázsfalva? Certes, la langue de l’enseignement primaire n’est pas encore décidée, mais n’y a-t-il pas lieu de craindre qu’elle ne devienne tôt ou tard hongroise?
A Balázsfalva, c’est le tollé général. Le philosophe Simion Bărnuţiu prend la tête de la résistance. S’appuyant sur des thèses du philosophe kantien Krug concernant le droit naturel et le libéralisme, ainsi que sur l’idéologie de Herder, il érige en axiome que l’individu a son droit légitime de se réaliser. Il transpose cette thèse à la communauté nationale en l’amalgamant au nationalisme linguistique de l’époque, qui dit que la langue est étalon et instrument de la culture, «en elle sont ancrés le caractère et la nationalité d’un peuple», de sorte qu’elle est «indissociable de notre âme, de la religion et de tout ce qu’il y a pour nous de plus sacré et de plus précieux sur terre».* A la conception d’Etat national hongrois uni, il oppose le modèle d’un Etat multinational et confère aux aspirations nationales une couleur culturelle propre: «culture et bonheur sont les principaux enjeux de chaque peuple transylvain; les Hongrois entendent y parvenir par la voie hongroise, les Saxons par la voie saxonne et les Roumains par la voie roumaine, chacun par sa voie naturelle. Ces chemins sont tous légitimes, depuis des siècles nous les pratiquons dans la paix, tous rejoignent l’artère principale du bonheur humain et de la culture dans son universalité».* Bàrnuţiu condamne les prétentions hongroises à partir de considérations morales tout en appréciant la philosophie hongroise et les tentatives de réformes sociales de la Diète. Ainsi son argumentation n’est pas encore pénétrée de l’idéologie majeure de l’époque à venir. Il est vrai qu’en donnant aux Roumains la qualité de colons de Trajan qui ne dorment point mais se préparent à de grands exploits, il anticipe déjà le rêve d’hégémonie basée sur le droit historique, qui prendra le dessus sur l’objectif humaniste d’Etat plurinational.
SIMION BĂRNUŢIU, O tocmeală de ruşine şi o lege nedreaptà (Un arrangement honteux et une loi injuste). Publ. par GHEORGHE BOGDAN-DUICĂ, Viaţa şi ideile lui Simion Bărnuţiu (Vie et idées de S. B.), Bucureşti, 1924, 201, 204.
Ibid. 211.
La société roumaine de Transylvanie est presque unanime à protester contre le projet de loi sur la langue. Mais, dès que la partie hongroise en écarte les passages directement préjudiciables aux Roumains, les prétentions politiques 456roumaines se scindent en plusieurs tendances. Les possibilités d’action politique ne sont assurées qu’aux évêques, en premier lieu à celui de l’Eglise uniate qui, en qualité de «régaliste», a le droit de participer à la Diète. Or, l’évêque de Balázsfalva Ioan Leményi opte pour la collaboration avec les milieux gouvernants hongrois. En 1835 il avait encore, de concert avec Ioan Moga, saisi Vienne d’une requête demandant la garantie des droits nationaux roumains conformément à la ligne du Supplex Libellus Valachorum. Prenant conscience de l’insuccès de sa démarche, ils donnent désormais, lui et l’évêque orthodoxe, la priorité à la réparation des doléances roumaines dans le Königsboden saxon. Dans une nouvelle requête, ils récriminent contre le fait que les Roumains de Königsboden paient la dîme au pasteur luthérien tout en faisant l’objet de discriminations tant dans la fonction publique qu’en matière de droit de pacage. (La partie saxonne se réfère aux privilèges en vertu desquels tout habitant du village qui laboure une terre saxonne doit la dîme au pasteur luthérien. Elle allègue de même, à juste titre, que les agriculteurs saxons payent un impôt bien supérieur à celui des Roumains qui vivent de l’élevage des moutons. Il est, d’autre part, indubitable que les Roumains de Königsboden jouissent à cette époque d’un bien-être et d’une liberté plus grands que les serfs des comitats.)
Si ces revendications roumaines sont soutenues par la noblesse hongroise, c’est à la fois par tactique destinée à ligoter la politique saxonne et par conviction puisque ces idées correspondent à la philosophie juridique de la noblesse hongroise ainsi qu’à son idéologie libérale. Aussi la position roumaine lui en sait-elle gré lorsque l’évêque Leményi déclare, à la Diète, au nom de toute la nation roumaine que, du côté hongrois, «depuis 1791, nulle classe ni nulle personne valaques n’ont été opprimées ni évincées de la fonction publique en raison de leur appartenance ethnique».*
Protocole de la diète du 15 novembre 1841, Kolozsvár, 1841, 715.
La politique des évêques roumains est cautionnée, outre les Roumains de Terre saxonne, par les nobles roumains qui espèrent que le système libéral de représentation constitutionnelle permettra graduellement de faire aboutir leurs revendications nationales. Alexandra Bohătel fait observer, dans la presse hongroise de Kolozsvár, «au nom de plusieurs de ses compatriotes», que la loi sur la langue hongroise ne porte pas préjudice à l’usage de la langue roumaine dans les communes et que, «comme la Transylvanie est une patrie hongroise», il convient que «les fils de ma nation cultivent leur langue en tant que Valaques et apprennent le hongrois en tant que citoyens».*
(Sándor Boheczel), Komoly szó a Gazera de Transilvániához (Appel sérieux à la G. de T.), Erdélyi Híradó, 3 mars 1843, n° 18.
Or, la grande question est de savoir qui est en droit de parler au nom de la nation. La majeure partie des professeurs de Balázsfalva désapprouvent la politique des évêques. Ils réclament, surtout Bărnuţiu, qui entend faire de l’Eglise une organisation représentative politico-culturelle, la convocation du synode. Professeurs et élèves s’opposent à la discipline de l’Eglise. Avant Pâques 1843, l’étincelle qui met le feu aux poudres est l’exclusion d’un étudiant, par l’évêque, de la cérémonie traditionnelle du lavage des pieds le soir du jeudi saint. La réponse est que les autres sont eux aussi absents, ce qui déclenche une guerre intestine dans le lycée. Le gouvernement finit par rétablir l’ordre en expulsant manu militari plusieurs professeurs insoumis, dont le meneur de la révolte, Bărnuţiu, ainsi qu’une dizaine d’étudiants, 457martyrs de la cause nationale que promèneront leurs griefs à travers la Transylvanie.
Devant les développements de la vie politique, le presse roumaine de Brassó opte pour la neutralité. Bariţ réprouve la campagne menée contre Leményi et entend surtout éviter que les Roumains ne se laissent prendre, vu leur manque d’expérience, dans les pièges de la vie politique. Sans proposer de programme précis, il cherche à explorer les rapports de force et à inciter au dialogue entre les nations. Ainsi, il invite les libéraux hongrois à faire preuve de modération et à satisfaire les revendications roumaines en Transylvanie. Il prône la reconnaissance de la «quarte nation» roumaine, cet objectif étant, comme il dit, nullement féodal, mais juste et équitable. Il y voit une revendication nationale qui reconnaît la légitimité des aspirations des autres mouvements nationaux et fait barrage aux velléités d’hégémonie de n’importe lequel d’entre eux. De même, il refuse toute tactique roumaine antisaxonne qui se réclame de l’égalité des libertés nobiliaires. Il s’adresse ainsi aux parties qui sont en conflit dans plusieurs domaines: «à qui la faute si Hongrois, Sicules, Saxons, Roumains, Arméniens, etc. voient le jour sous le même climat, dans la même vallée, sur la même montagne, près de la même rivière? … Pourquoi invoquer les esprits de nos aïeux de leur tombe en voulant se faire peur les uns aux autres?»*
Gazeta de Transilvania, 15/27 décembre 1847, n° 100.

 

 

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