La politique de Byzance et ses partisans

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La politique de Byzance et ses partisans
L’alliance que Byzance conclut, en 894, avec Árpád et Ku[r]san, princes des Magyars, s’avéra durable des deux côtés, bien que Byzance ne réussît pas à amener les «arkhôn» des «Turks» (c’est-à-dire les Hongrois) à intervenir, vers 897/898, contre les Pétchénègues. Comme l’écrit l’empereur Léon le Sage (avant 912), les «Turks ne sont maintenant nos voisins ni nos ennemis», ils cherchent à se comporter plutôt comme des amis (selon l’empereur, des «sujets»).* L’alliance entre Russes, Pétchénègues et Hongrois, dont il était question depuis 924/25, se dirigeait explicitement contre les Bulgares, ennemis héréditaires des Byzantins. Mais, lorsqu’elle se réalisa 10 ans plus tard, elle n’était plus la même. La défaite de 933 à Merseburg et la cessation du tribut allemand qui en fut la conséquence, contraignit les chefs hongrois avides de trésors à se fixer de nouveaux buts. Après avoir conclu une alliance avec les Pétchénègues, ils commencèrent à attaquer, en avril 934, les Bulgares, et lancèrent même, pour la première fois, comme le soulignent toutes les sources byzantines, une attaque inattendue contre l’Empire. Ils poussent jusqu’à Constantinople et ne renoncent à leur projet offensif que contre une grosse somme. L’événement apporte aussi un tournant dans l’histoire des Bulgares. En effet, les Pétchénègues liquidèrent, à ce moment-là ou un peu plus tard, le régime des Bulgares dans la Valachie actuelle et détruisirent les forteresses bulgares qui gardaient les sorties des Carpates du Sud. Vers 948, le pays des Pétchénègues «s’étend, à partir du cours inférieur du Danube, en face de Dristra (Silistra)», territoire où la province pétchénègue Jazikapan se trouvait seulement à une «demi-journée de marche» de la Bulgarie.* L’alliance hungaro-pétchénègue s’avéra durable, puisque le Xe siècle ne connut plus aucun affrontement entre les deux peuples.
LÉON LE SAGE, Tactique 18,76 = FBHH 23.
DAI 42, resp. DAI 37. = FBHH 41.
En avril 943, les Hongrois attaquent à nouveau Byzance. La campagne se termine par une paix conclue pour une durée de 5 ans et, de toute évidence, largement payée. Au moment où expire ce délai, en 948, on voit apparaître à Byzance le troisième «arkhon» en rang de «Turkia», le horka (kharkha) Bulcsu, fils du horka Kharkha, en compagnie de Tormás-Termatch(u), fils de Tevel(i), arrière petit-fils d’Árpád, avec la mission de renouveler le traité de paix. L’ayant signé, Constantin VII Porphyrogénète en personne devient le parrain de Bulcsu qui se fait baptiser, reçoit le rang de «patrikios» et retourne dans son pays «comblé d’argent». «Peu après, le Gyula (Gylas), un autre prince des Turks, arrive dans la ville impériale, accepte d’être baptisé et reçoit les mêmes bienfaits et honneurs.» La visite du gyula a sans doute lieu aprés 952 puisque Constantin Porphyrogénète ne la mentionne pas encore dans son œuvre achevée cette même année, mais certainement avant 955, puisque Ioannes Skylitzès, parle déjà de la mort de Bulcsu. Dans le passage de Skylitzès cité plus haut on peut également lire: «Il (c’est-à-dire le gyula) emmena avec lui un moine célèbre pour sa piété, nommé Hiérotheos, que 125Théophylacte (patriarche de Constantinople entre le 2 février 933 et le 27 février 956) avait sacré évêque de Turkia, et qui, arrivé sur les lieux, orienta bien des barbares errants vers le christianisme. Quant au Gyula, il resta dans la foi, ne fit jamais plus irruption sur le territoire des Romains et n’oublia pas non plus les chrétiens prisonniers, les racheta, eut soin d’eux et les affranchit.»* Cette information de la plus haute importance est reprise et complétée par un écrit polémique grec du XIIe siècle (conservé dans une traduction manuscrite russe du XVe siècle). Le complément dit pour l’essentiel ceci: «Et les prélats grecs … n’avaient pas encore réussi à prendre pied sur leur terre (celle des Peons ou Magers = Hongrois) et à leur enseigner les paroles de l’Ecriture, lorsque l’un des deux princes (deux knaza = le horka et le gyula) qui avait nom Stephan mourut en toute piété dans la foi chrétienne, après avoir fait nombre de bonnes actions qui plaisent à Dieu, et retourna en paix dans le royaume des cieux. «On apprend également qu’aucun livre n’ a été élaboré dans la langue des Pannons-Peons, ce dont profitèrent les «Latins impies … qui se mirent en route de Rome avec leurs livres et leurs écrits.»* Comme l’évangélisation latine ne débuta qu’en automne 972, tout cela eut lieu avant cette date.
IOANNES SCYLITSES, Synopsis 5 = FBHH 85sq.
Publié en fac-similé d’après une vieille édition de Moscou: GÉZA FEHÉR, A nagyszentmiklósi kincs-rejtély megfejtésének útja (Le chemin qui a mené à la solution de l’énigme du trésor de Nagyszentmiklós), Arhaeológiai Értesítő, 1950, 45.
Pour comprendre ces textes, il faut d’une part savoir qu’à la tête de la confédération tribale, il y avait, à cette époque, trois chefs: le kende (chef sacral), le gyula (chef de guerre) et le horka (juge suprême?). Tandis que les noms de dignité kende et horka tombèrent dans l’oubli, le gyula devint, après le milieu du XIe siècle, un nom de personne et les chroniqueurs des époques suivantes l’utilisent comme tel dans les récits du passé. Les sources arabes, qui avaient décrit les Hongrois avant la conquête – de même que Constantin Porphyrogénète vivant après la conquête et ayant été informé de la seconde dignité de «Turkia» par ses hôtes hongrois – savaient pertinemment que dż.la ou jïla (gülas) n’était pas un nom mais une dignité.
D’autre part, pour ce qui est de la suite des événements, les attaques hongroises contre Byzance recommencèrent dès avril 959 et les Hongrois avancèrent à nouveau jusqu’à Constantinople sous la conduite d’un chef nommé Apor (Opour, son nom et son territoire de campement se sont conservés dans le nom d’un ancien village situé au bord de la Tisza, dans le finage de Mindszent). En 961, l’armée hongroise dévastait la Thrace et la Macédoine; en 968, les incursions qui les conduisirent jusqu’à Constantinople et Thessalonique leur permirent de faire un grand nombre de prisonniers qu’ils ramenèrent avec eux en Hongrie. Deux ans plus tard, en 970, les Hongrois-Russes-Bulgares alliés essuyèrent une défaite à Arcadioupolis, ce qui mit définitivement fin aux expéditions hongroises.
Nous disposons d’excellentes preuves matérielles pour déterminer le point de départ et la fin des campagnes contre Byzance. Par rapport aux précédentes décennies qui ne nous ont laissé que 15 pièces frappées au Xe siècle et un seul solidus d’or, la quantité de monnaies byzantines qui affluait en Hongrie, augmenta d’une manière spectaculaire, à l’époque de Romanos Ie et de ses fils. Cette croissance subite commence en 934 (22 frappes dont 5 en or). Le phénomène culmine pendant la brève période du règne de Constantin VII et de Romanos II (948-959), ce qui correspond parfaitement à la chronologie des 126événements (28 monnaies, dont 24 en or!). Dans la période entre 963 et 970, les trouvailles sont en légère baisse (16 monnaies dont 8 solidi d’or); mais cela n’est toutefois qu’une apparence, car Ibrahim ben Yakoub note avec étonnement qu’à la foire de Prague, en 965, les marchands «turcs» de Hongrie payaient avec des monnaies d’or. A partir de 970, on ne trouve plus de monnaie d’aucune sorte. Or, ces monnaies byzantines de 834/969/70, en premier lieu les monnaies d’or ont été trouvées, sauf un seul solidus de Syrmie, sur les territoires longeant la Tisza entre Tokaj et Orsova. Et les tombes authentiques à monnaie d’or (10 + 2 découvertes funéraires) se situent, de plus près, sur le territoire allant des rivières Berettyó–Körös au Bas-Danube, à Temes. L’aire de diffusion des monnaies byzantines correspond à celle où furent mises au jour les tombes des Hongrois de la conquête, contenant des boucles d’apparat byzantines ornées de lions (sur les 7 découvertes 6 proviennent d’ici), des boucles d’oreille en or et en argent, une épée byzantine – cette dernière, à Kunágota, en compagnie de monnaies d’argent byzantines. Dans le bassin des Carpates, sur la rive droite du Danube – excepté la Syrmie –, les monnaies en or et en argent, ainsi que les bijoux byzantins font totalement défaut. Leur absence est encore plus frappante en Transylvanie où on n’a commencé à collecter des monnaies antiques qu’au XVI siècle et où l’on continue à les chercher, avec l’appui de l’Etat, en tant que «preuves» de la présence ininterrompue de Byzance mêlée à la population «roumaine autochtone».
Les campagnes contre Byzance furent donc enterprises par des guerriers hongrois vivant dispersés dans la région transtibiscine, ce qui ne signifie bien entendu pas que le «tribut de paix» et les cadeaux destinés au horka et au grand-prince ne soient pas également parvenus dans d’autres régions. Leurs traces ne sont toutefois restées conservées que dans les tombes des guerriers de la région tibiscine. Les guerries y rapportèrent le butin et ils y ramenèrent probablement aussi les prisonniers que le gyula racheta entre 959 et 969.
Tout cela nous autorise à avancer l’hypothèse que la partie du pays soumise au «patrikios et gyula» Stephanos se situait dans la région transtibiscine, entre le Körös et le Maros, le nom de son campement central ayant probablement été conservé dans celui de l’actuelle ville de Gyula (première mention: Julamonostora = monastère de Jula). Comme l’évêque Hiérotheos évangélisait dans le pays du gyula, pour peu qu’il y eût une résidence, celle-ci devait se trouver à la cour du gyula, dans la Grande plaine.*
Il est peu probable que son siège se trouvât dans la Syrmie, région contiguë à la Bulgarie (Szávaszentdemeter/Sremska Mitrovica), alors même qu’un évêque bulgare-serbe exerçait déjà sur l’autre rive de la Save, à Sermon (Mačvanska Mitrovica), ce dont témoignait, depuis le milieu du Xe siècle, la cathédrale élevée sur les ruines d’une basilique des chrétiens primitifs (D. MINIĆ, Le site d’habitation médiéval Mačvanska Mitrovica. Sirmium XI, Beograd, 1980, cf. aussi sur les cimetières médiévaux: Sirmium XII, Beograd, 1980). C’est, par ailleurs, ce Sirmion/Sermon-là qui fut occupé en 1018 par les Byzantins, et non la Syrmie/Szerémség hongroise, comme certains spécialistes le supposent. Un siège épiscopal serait difficile à supposer à Gyulafehérvár situé à grande distance, et qui, de toute façon, ne pouvait encore être la ville des gyula.
En poursuivant les armées russo-pétchénègues, Ioannes Tzimiskès, empereur de Byzance, parvint, en 970, pour la première fois depuis 300 ans, jusqu’au Bas-Danube où, en 971, il organise un thème byzantin avec comme centre Dorostolon (Silistra). Cet événement explique peut-être le déplacement inattendu du gyula Stephanos – allié hongrois potentiel de l’empereur – vers l’est, en Transylvanie. Comme au Xe siècle les Pétchénègues de la Valachie actuelle, complètement anéantis, disparurent provisoirement de la 127scène de l’histoire, le gyula devint, en Translyvanie du Sud, voisin des Byzantins du Bas-Danube. La Geste primitive hongroise entoure cet événement d’un halo légendaire. Le «grand et puissant duc Gyula» (Gula dux magnus et potens) aurait trouvé, au cours d’une chasse «in Erdeel», le château fort d’Alba (Civitatem Albam) construit jadis par les Romains. Le seul élément authentique de la légende de chasse est que ce n’était effectivement pas depuis l’époque de la conquête que les gyulas habitaient la ville romaine, mais qu’ils y établirent leur résidence plus tard, après avoir quitté la Hongrie. Comme à cette époque Hiérotheos n’était probablement plus en vie, on peut supposer que dans la suite du gyula se trouva son successeur, le «gouverneur épiscopal de Turkia», si tant est que son épiscopat eût un successeur – hypothèse étayée par la polémique grecque du XIIe siècle. Quoi qu’il en soit, la résidence translyvaine n’eut pas pour longtemps les Byzantins pour voisins. Les Bulgares qui, refoulés en Macédoine, se trouvaient, en 971, dans une situation fort précaire, envoyèrent, en 973, des ambassadeurs à Quedlinburg afin de demander l’aide de l’empereur Othon Ier, et ceux-ci parurent en même temps que les envoyés hongrois du grand-prince Géza. Ayant repris leurs forces vraisemblablement grâce à l’appui de Géza, les Bulgares chassèrent, en 976, les Byzantins de la région du Bas-Danube. Le pieux Stephanos ne vivait probablement plus à cette époque. Dans les années 970 au plus tard, au vieux gyula qui était contemporain des grands-princes Fajsz et Taksony, succéda le «second» gyula, contemporain, celui-ci, de Géza. Sa fille, Sarolt, devint l’épouse du grand-prince et ainsi la mère du futur roi Saint-Etienne.
Ce mariage, conclu sans aucun doute sur la base de considérations politiques, était surtout utile au gyula qui voulait se concilier les bonnes grâces du grand-prince. Sarolt était née dans la seconde moitié des années 950 dans la région transtibiscine, et bien que sûrement baptisée, selon la volonté de son pieux grand-père, par Hiérotheos, elle n’en reçut pas moins un nom turc du type khazar/kabar: Sar-aldy = hermine blanche ou Sarylty = blancheur. Le nom eut plus tard une traduction slave: Bele-knegini, qui signifie également Dame blanche. (Sa prétendue sœur aînée «Caroldu» est une invention d’Anonymus, plus exactement une de ses erreurs de lecture. Tout comme il forma, sur le nom hongrois Kalan, le nom d’un chef bulgare CalanChalanSalan, il imagina la variante CaroldCharoldzSarolt(d)*. Mais comme Sarolt avait, selon les autres sources, un nom commençant par un S, «Caroldu» est devenue – faute de mieux – sa soeur.)
Cf. KATALIN FEHÉRTÓI, Árpádkori kis személynévtár = Petit index des noms propres d’époque árpádienne, Budapest, 1983.
Le mariage eut lieu dans les années 970, et on suppose que Vajk-Etienne est né en 977, en tout cas, selon de récentes recherches, après 975, à un moment où la position du gyula s’était affaiblie, puisque, précisément en 976, les Bulgares coupèrent tout rapport direct avec Byzance. C’était de Transylvanie que Sarolt était venue à Esztergom, ce dont témoigne son domaine antérieur, le village Sarold, au bord du Nagy-Küküllő, près de Segesvár. Parmi les villages transylvains portant le nom de Décse, Marosdécse, situé dans la région du sel du Szamos, devait appartenir à Géza, père d’Etienne, mais le port du sel de Torda, Magyardécse, appartenait probablement au roi Géza Ier, Géza étant originellement Gyécse/Décse. On ne sait rien de plus sur le règne du gyula, père de Sarolt, sauf qu’il s’efforça d’organiser sa cour à Fehérvár à la manière d’un prince. C’est sans doute à son époque que fut construite la 128chapelle de cour, une rotonde, et qu’on repoussa la frontière, dite «gyepű», plus à l’est, au-delà de Segesvár, dans la vallée du Küküllő.
Le frère de Sarolt (vraisemblablement son frère cadet puisque ses fils Boja et Bonyha moururent à l’âge de combattant, lors du deuxième complot contre le roi Pierre en 1046) dut obtenir la dignité de «troisième» gyula de Transylvanie vers la fin des années 980, puisque l’auteur de la Geste primitive se souvenait encore très bien de cet événement. Son contemporain, Basileos Il, empereur de Byzance aux énergies inépuisables, le futur Bulgarocton = Tueur de Bulgares, entreprit peu avant, en 985, la lutte pour rétablir l’ancienne grandeur de l’Empire byzantin, lutte qui allait durer 40 ans et être couronnée de succès. Ses campagnes européennes commencèrent par une attaque contre les Bulgares.
Le «troisième» gyula pouvait donc à nouveau compter – et non sans raison – sur un appui direct de Byzance et, dans un premier temps, il n’avait pas à craindre les représailles des Árpádiens. A la place du prince Géza, trop âgé, c’était Sarolt, la sœur du gyula, qui détenait, dans les années 990, le pouvoir, «totum regnum manu tenuit» (Bruno de Querfurt,)*. La mort de Géza, l’avènement de son fils Etienne et la défaite de Koppány, prétendant au trône en 997, sonna cependant le glas pour le régime de Prokoui (= fils de Prok = restant? successeur? descendant? – comme l’appelaient les Slaves, on ne sait pourquoi). Un quart du corps écartelé de Koppány vaincu fut envoyé en Transylvanie, sans doute à Fehérvár, la ville du gyula, ce qui ne peut vraiment pas être interprété comme un geste amical.
GOMBOS, Catalogus…III. 2203-2204
La raison de la chute rapide et inattendue du gyula est à chercher dans la nouvelle attaque que Basileos II lança contre la Bulgarie. A la fin de 1002, il occupa Vidine et rétablit au sud du Bas-Danube le théma de la Thrace byzantine. Il fallait donc empêcher que l’empereur n’offrît son secours au gyula qui, également influencé par ses prêtres byzantins, avait des visées sur le pouvoir.
Les annales de Hildesheim et d’Altaich retiennent brièvement, pour l’an 1003: «Le roi hongrois Etienne marche à la tête de son armée contre son oncle maternel; le roi le fait prisonnier ainsi que sa femme et ses deux fils et soumet son royaume (regnum) au christianisme par la force.»* Il n’est question ni de résistance, ni de rencontres armées, ni – à fortiori – de «guerre entre Roumains et Hongrois». Quant aux conséquences, elles ne nous autorisent pas davantage à de telles conclusions.
«Super avunculum suum, regem Iulum», GOMBOS, Catalogus… I. 141, 339 et I. 92, 205.
«L’histoire séparée» instable de la Transylvanie avait duré un bon quart de siècle et pris fin de la sorte. En refusant de jeter en prison le gyula qui ne voulait rien moins qu’être roi, Etienne commit une faute: le gyula ne tarda pas à s’évader d’Esztergom pour aller offrir ses services à l’ennemi d’Etienne, Boleslaw Ier le Courageux (Boleslaw Chrobry, 992-1025), roi de Pologne. Le trop généreux Etienne permit à son épouse de le rejoindre sans avoir demandé une rançon. Mais le seigneur Prokoui n’hésita pas à prendre les armes contre Etienne et son pays, dans le dessein de reconquérir son royaume. Etienne était contraint de le chasser du château fort frontalier que Boleslaw lui avait confié.
Tout cela se passa avant 1018, année où mourut l’évêque Thietmar de Merseburg dont émanent les dernières informations sur la vie de Prokoui. Il 129finit ses jours quelque part en Pologne; ses fils Boja et Bonyha restèrent fidèles à Etienne et à leur peuple.
C’est après l’organisation de l’administration en Transylvanie et celle des livraisons de sel par le Maros et la Tisza que survint un événement auquel l’historiographie tant hongroise que roumaine ont coutume de donner une importance exagérée. La date où fut écrasée la sédition d’Ajtony est restée discutée jusqu’à ce jour (on la situe entre 1003 et 1028, intervalle bien vaste qui montre l’incertitude des spécialistes).
A l’époque du grand-prince Géza et au début du règne d’Etienne, la région des rivières Maros et Temes correspondait encore de tous points de vue aux conditions qui étaient celles de la Hongrie: cimetières de guerriers hongrois de la conquête, puis sépultures contenant les épées de la militia de Géza, enfin, dans la seconde moitié du règne d’Etienne, déjà de Hodony jusqu’à Mehadia: sépultures où étaient déposées des monnaies du roi.
L’événement lui-même n’est pas consigné dans les sources historiques de l’époque. Sur les quelque dix écrits, seules la Légende majeure de Saint Gérard (Legenda maior S. Gerardi) et la Gesta d’Anonymus l’ont conservé, mais en deux versions sensiblement différentes. Selon la Légende, le chef principal (princeps) Achtum/Ohtum (le nom remonte au terme turc altun = or, qui a donné Ajtony en hongrois, comme Falis a donné Fajsz) se fit baptiser à Vidine selon le rite grec, puis fonda, à Marosvár, par délégation de pouvoir des Grecs (= Byzantins), un monastère dédié à Saint Jean Baptiste, dans lequel il fit venir des moines et un supérieur grecs. La chose ne put survenir qu’après 1002, année à la fin de laquelle l’empereur Basileos II reprit Vidine aux Bulgares et étendit son empire sur l’ensemble du territoire environnant jusqu’au Bas-Danube, qui marquait la frontière des terres d’Ajtony. Ajtony, qui recherchait l’amitié de Byzance, refusait cependant d’abandonner ses mœurs païennes: il avait «sept épouses». Même si c’est un élément fictif de la légende, il faut admettre qu’il vivait en polygamie. Après sa défaite, l’une d’elles passa en la possession du comes Csanád, une autre au comes Becs (les deux informations se recoupent mutuellement et sont, cette fois-ci, sans aucun doute authentiques). Sur les terres d’Ajtony, on voyait paître d’immenses troupeaux de chevaux et de bœufs «en plus de ceux qui étaient gardés dans les étables».* Quant à cette dernière information, on l’aurait, il n’y a pas si longtemps, reléguée, tout comme les termes de métairies et de manoirs, parmi les éléments tardifs de la légende. Il se trouve cependant que les fouilles archéologiques ont permis de dégager, chez les Hongrois des Xe et XIe siècles, un nombre croissant d’indices de la pratique de l’élevage en étable.
Vita S. Gerardi. SRH II.489.
Ajtony disposait d’un nombre élevé d’hommes armés – à l’origine sans doute les milites de Géza – et il en tirait un orgueil démesuré: Cet homme sanguin, immensément riche et vantard était probablement à l’origine le comes du château royal de Marosvár (urbs Morisena), construit peu de temps auparavant. Ayant mal jugé des rapports de force, il passa du côté du puissant voisin du sud. Il réussit à étendre son pouvoir sur les Hongrois païens des environs de Békésvár jusqu’à la rivière Körös et il mit la main sur la région du Temes. Ce faisant, il commença à représenter un danger pour les voies de communication entre le centre royal et les parties de la Transylvanie qui venaient d’être annexées au pays. Ses ravages – il alla jusqu’à piller les bateaux du roi qui transportaient du sel –, ses mœurs païennes et surtout ses sympathies byzantines lui attirèrent la colère du roi Etienne.
130Si l’on en croit la «Légende de Csanád», une adjonction au ton de conte populaire, historiquement peu crédible, de la Légende de Saint-Gérard, Etienne envoya Csanád (Chanad, Sunad), fils de Doboka, pour défaire Ajtony et le fit accompagner du gyula qui séjournait à la cour. Ce qui, en revanche, relève de la tradition authentique, c’est que Csanád livra bataille à l’armée d’Ajtony sur un site qui fut plus tard nommé Oroszlános, qui veut dire en hongrois: à lions. Dans le monastère du martyr Saint Georges surnommé Wruzlanmunustura (Oroszlánmonostora-monastère du lion, 1247) en raison des statues de lion qui en gardaient la porte, et élevés par Csanád en souvenir de la bataille, l’évêque Gérard établit plus tard les moines grecs de Marosvár. Tout le reste est obscur, y compris la fin d’Ajtony. Ses descendants, qui portaient le même nom, possèdent, jusqu’au XVe siècle, des terres dans les comitats de Csanád, Krassó et Kolozs. Etienne ignorait l’esprit de vengeance tout comme dans le cas de Koppány, il refusa d’exterminer la famille d’Ajtony. (Cf. les dispositions y ayant trait de la loi II/2 d’Etienne.)
L’expédition contre Ajtony – ce fut, en réalité, plutôt une action policière – ne peut être datée par la fondation de l’évêché de Maros qui eut lieu (avec celle de l’évêché de Bihar) dans le cadre de l’organisation de l’Eglise en 1030. L’autorité de l’évêque de Kalocsa s’étendait, dès avant cette période, sur la région du Temes. La campagne dut avoir lieu bien des années avant 1015 ou 1018 car, dans l’une de ces années, mais probablement en 1015, Etienne Ier contribua, en tant qu’allié de Basileos II, à la défaite définitive de la Bulgarie et à la première ou deuxième prise de la Cesaria («Ville Impériale»-Ohrid).
Alors que la Légende primitive de Gérard, rédigée à Csanádvár, ne dit rien de l’origine d’Ajtony, Anonymus croit savoir – et il le répète trois fois, tel un epitheton ornans – que celui-ci descendait du chef «couman» Glad, qui avait vécu à l’époque de la conquête. De même que la Légende de Gérard met Ajtony en rapport avec Vidine, Anonymus rattache lui aussi son Glad à Vidine (Bundyn) et va jusqu’ à affirmer qu’il en était originaire. Glad/Galad, dont le nom est probablement turc, est un personnage réel qui vécut au Xe ou au XIe siècle; son existence est attestée par les villages nommés Gilád-Galád dans la région du Temes, existant depuis l’époque árpádienne (c’est peut-être à partir de ces noms de village que, suivant sa méthode habituelle, Anonymus créa les noms des adversaires des conquérants hongrois). Il mérite d’être signalé que vers 1500, Osvald de Lasko, aux dires d’une source inconnue, affirme qu’Ajtony était originaire de la région de Nyír. En dehors du conte d’Anonymus, nous n’avons donc aucune preuve de ce qu’un certain Glad ait été l’ancêtre d’Ajtony. Et quant à l’ethnie de l’hypothétique Glad, il ne pouvait être ni chef de tribu khabar ou hongrois, ni le maître d’un «voïvodat roumain» indépendant: Anonymus le tient expressément pour un Couman (cuman) et ne parle que des Coumans, Bulgares et Vlaques qui aidèrent Glad de l’extérieur. Il va de soi que ces derniers étaient les contemporains d’Anonymus, c’est-à-dire les peuples de l’empire bulgaro-roumain fondé par Asen et Pierre, avec l’aide des Coumans en 1186 (le titre latin d’Asen était à l’époque: rex Bulgarorum et Blachorum).
Ces dernières années, il est devenu «de mode» d’établir un rapport entre le trésor de Nagyszentmiklós et les Hongrois de Gyula ou d’Ajtony (ou les Roumains de Glad), ce qui – entre autres – s’explique probablement par la proximité de Csanád et de Nagyszentmiklós. Il se trouve toutefois que les vaisselles princières avares fabriquées aux VIIe et VIIIe siècles ne peuvent être rattachées à des personnes ou à des événements de plusieurs siècles ultérieurs. De plus, depuis qu’on a retrouvé, à Szarvas, sur un porte-aiguille avar en os 131du VIIIe siècle, le même alphabet des inscriptions runiques gravées ultérieurement sur les vases, il est clair que la date de leur recèlement ne peut être situé après la chute de l’Empire avar.

 

 

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