L’installation progressive des Sicules et des Saxons

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L’installation progressive des Sicules et des Saxons
Une tradition des chroniqueurs qui remonte au début du XIIIe siècle, veut que les Sicules, qui vivent actuellement concentrés dans la partie sud-est de la Transylvanie, aient fait partie des Huns, et se soient retirés dans cette région après la mort d’Attila. Légende qu’il serait impossible d’étayer par les faits, tout comme la thèse qui n’est pas sans s’appuyer sur certains arguments archéologiques, mais ne se justifie pas du point de vue linguistique, et qui les identifie à un peuple turc s’étant installé, à l’en croire, dans le bassin des Carpates vers 670. Le plus probable est que les Sicules, ou du moins le groupe étant à l’origine de leur dénomination, sont les descendants de la tribu kabar, mentionnée par Constantin, empereur de Byzance, une tribu qui s’était insurgée contre les Khazar et se rallia aux Hongrois avant leur conquête du bassin carpatique. Cette tribu était, vers 950, encore bilingue: elle parlait sa langue turque tout en lui substituant peu à peu la lange finno-ougrienne des Hongrois. Selon une hypothèse, par beaucoup contestée, le nom du peuple «székely» remonterait à celui de la tribu bulgaro-turque «eskil» (voir p. 155).
En tous cas, l’origine turque semble très vraisemblable. De provenance centre-asiatique, et servant à l’origine à l’écriture de textes turcs, l’alphabet à caractères runiques que les Sicules utilisaient encore au Moyen Age, en comprenait, parmi ses 37 lettres, 21 qui remontaient à l’ancien turc, 3 empruntées au grec ancien et 3 glagolithiques. Ces dernières permettent de noter 4 phonèmes qui n’ont pas leur équivalent dans le turc, mais se retrouvent, par contre, dans le hongrois finno-ougrien. Aussi loin que remontent nos données linguistiques les plus reculées, les Sicules parlaient hongrois, et leurs toponymes aussi bien que leur dialecte ne comptent pas davantage d’emprunts turcs que le hongrois moyen. Donc, même s’ils parlaient, à l’origine, une langue turque, ils l’ont très tôt et entièrement remplacée par le hongrois. Or, il n’est guère probable que cela se soit accompli sur les territoires où ils habitent aujourd’hui, à l’extrémité sud-est de l’aire linguistique hongroise.
Jusque dans le Moyen Age tardif, les Sicules gardèrent les éléments de leur structure tribale d’origine turque: ils étaient regroupés en six clans, qui se divisaient chacun en quatre branches; c’étaient les membres des familles les plus éminentes qui remplissaient les dignités de juge (iudices) et de commandant militaire (capitanei) des clans, à tour de rôle, pour un an. Cette organisation pouvait remonter au temps de la conquête du pays, ou bien avait été établie pour des raisons militaires, lors de la création des zones de garde-frontière; 178en tout cas, elle devait exister à l’époque où les Sicules s’installèrent sur leur lieu actuel d’implantation car, dans chacun des groupes sicules qui devaient par la suite essaimer, on retrouve les six mêmes noms de clan. Où qu’ils résidassent, ils considéraient l’ensemble des terres comme la propriété de l’ensemble du peuple sicule. Les quatre branches furent également partout reconstituées, et on assurait même, le cas échéant, le remplacement de celle qui s’était éteinte par la création d’une branche dite «neuve». Quoique la part des terres communautaires qui revenaient aux dignitaires fût plus grande et qu’ils eussent droit à d’autres bénéfices, ce qui entraîna la différenciation des fortunes, les rapports de vassalité ne purent s’instituer entre Sicules, car ils étaient tous, indistinctement, de condition libre et se voyaient attribuer une part déterminée des terres communes. Ils avaient, en contrepartie, l’obligation personnelle de porter les armes. Outre leur organisation tribale et militaire, les Sicules furent ceux qui pratiquèrent le plus longtemps l’ancienne technique d’élevage en alternance des pâturages des Hongrois nomadisants. L’impôt qu’ils devaient payer au roi fut celui du cheval puis, quand ils se furent progressivement convertis à l’agriculture, celui du bœuf. Mais ils restèrent, pour l’essentiel, des éleveurs. Dans l’armée royale, ils constituaient une cavalerie légère qu’on envoyait en reconnaissance.
L’organisation et le mode de vie des Sicules ne rentraient pas et n’avaient guère de chance de survivre dans le système d’administration royale fondé sur les châteaux et les comitats, où le bas peuple était astreint à des besognes ordinaires et où peu de ses membres pouvaient servir comme soldats. Néanmoins, on trouve des localités qui possèdent l’élément «székely» dans leur nom, sur l’ensemble du territoire de la Hongrie historique, en Transdanubie et même près des frontières nord-ouest. On en déduira que l’installation des soldats sicules – ou bien kabars? – dans divers points du pays a pu commencer à la charnière des Xe et XIe siècles. L’archidiaconé dite «de Telegd» fondée par les Sicules, et que nos sources citent comme étant située en Transylvanie, fut baptisée d’après le village nommé Telegd, qui n’existait que dans le comitat de Bihar, et nulle part ailleurs en Hongrie. La rivière Hortobágy (all. Harbach, roum.: Hîrtibaciu), qui se trouve en Terre saxonne en Transylvanie, n’a qu’un seul homonyme, et c’est précisément en Bihar; tout comme pour la rivière Homoród, nom qui se rencontre même deux fois dans l’archidiaconé transylvain «de Telegd», mais possède également un homonyme en Bihar. Or, le comitat de Bihar était, dès le Xe siècle, entouré de tous côtés de populations hongroises. C’est là l’explication du fait qu’au XIe siècle, les Sicules avaient déjà subi l’assimilation et, parlant déjà hongrois et ne conservant de leur passé turcophone que l’écriture runique auraient pu se transplanter en Transylvanie.
Outre les fouilles archéologiques, les analyses toponymiques nous renseignent elles aussi sur leurs premiers sites, ainsi que sur les motifs et le moment de leur départ vers leurs implantations actuelles. Aux environs de 1190, se constitua la prévôté des premiers colons allemands (Flandrenses ou Theutonici) établis par le roi Géza II (1141-1162) dans la vallée du Hortobágy, affluent de l’Olt. Cette prévôté, soustraite à l’autorité de l’évêque de Transylvanie et placée sous celle de l’archevêque d’Esztergom, était nommée Altland et se composait des «sièges» de Szeben, de Újegyháza et de Nagysink. (Siège = hong.: szék, lat.; sedes dans les diplômes médiévaux – unité administrative et juridique des territoires autonomes sicules, saxons et coumans.) Ce territoire fut désigné dans les diplômes comme «desertum», mais avec le sens de «abandonné», notamment par les Sicules «de Telegd», qui avaient été transférés 179sur le territoire d’un ancien domaine royal (Udvarhely = Lieu de Cour). Il est en effet incontestable que non seulement la vallée du Hortobágy, mais aussi celle du Sebes (all.: Schäwis) et du Szád (all.: Zoodt) vers l’Ouest, et celle du Sáros (all.: Scharosch) vers l’Est étaient peuplées de Sicules avant l’arrivée des Allemands auxquels ils laissèrent une partie de leurs toponymes. Après le départ de «ceux de Telegd», ce furent les Sicules de Sebes (auj. région de Szászsebes) qui s’en allèrent, dès le XIIe siècle, pour s’établir à l’est du coude de l’Olt, dans le «siège de Seps», qui doit son nom à son site antérieur; par la suite, les Sicules de Orba (all.: Urwegen, dans la région de Szerdahely) les suivirent eux aussi aux confins sud-est de la Transylvanie.
Ces transferts ont vraisemblablement eu lieu avant 1224, étant donné qu’à cette dernière date, André II rattacha également aux trois sièges d’Altland, les sièges saxons de Szászváros, Szászsebes, Szerdahely et de Kőhalom afin que, comme il le disait, le peuple soit uni (unus sit populus)* depuis la Ville (Szászváros) jusqu’à la colonie sicule de Barót, située au-delà du coude de l’Olt, les districts séparés étant réunis sous l’autorité exclusive du «ispán» (comes) de Szeben nommé par le roi et ne dépendant pas du vdivode de Transylvanie. (Le premier «ispán» ou «comes» de Szeben cité nommément par les sources conduisit, en 1210, des Saxons, Sicules, Pétchénègues et Roumains dans une campagne menée en Bulgarie.) Un comes sicule à part fut également nommé, plus tard, probablement vers 1230, date à laquelle le transfert des habitants des «sièges» de Seps et d’Orba, cédés aux Allemands, devait déjà être terminé. Une partie des Sicules restèrent sur place, soit sur la rive méridionale du Nagyküküllő, c’est-à-dire au nord des colonies allemandes, et ne partirent qu’ultérieurement. Toutefois les débuts de l’autonomie des colons allemands remontent à 1224. Les six sièges qui furent rattachés au siège de Szeben (nommé d’abord province) reçurent en même temps la liberté szebenienne, c’est-à-dire l’autonomie dans l’élection des juges et des prêtres de leurs villages et de leurs sièges, ainsi que l’indépendance, pour l’ensemble de leur population, de toute autorité seigneuriale. Leur chef administratif et militaire, le comes de Szeben, était nommé par le roi. A cette époque, cette dignité revenait obligatoirement à un aristocrate hongrois. Les Saxons devaient fournir au roi un impôt considérable en espèces et 500 soldats cuirassiers.
ELEK JAKAB, Oklevéltár Kolozsvár története első kötetéhez (Recueil de chartes au premier volume de l’histoire de Kolozsvár), Buda, 1870, 9.
Ce système fondé sur la liberté paysanne, qui différait fondamentalement de celui des comitats organisés autour des châteaux de la couronne et n’imposait à la population aucune charge en dehors de l’impôt et du service militaire, pas même l’obligation de fournir des prestations à ses fonctionnaires élus, les Allemands ne l’ont pas apporté avec eux de leur pays d’origine, aux environs du Luxembourg, pays qu’ils avaient quitté, outre le surpeuplement, justement en raison des charges féodales. Ils l’ont instauré seulement en Transylvanie.
Parallèlement à ceux installés dans la région de Szeben, d’autres immigrants arrivèrent dans les districts «royaux» ainsi que dans quelques villages de la vallée du Maros; ils obtinrent également et l’autonomie collective et la liberté personnelle. Ce fut à cause de ces droits relevant de la coutume saxonne que la Chancellerie royale et la population hongroise dénommèrent Saxons (Saxones) ces Allemands qui n’étaient d’ailleurs pas venus de Saxe. Mais la «liberté saxonne» n’était accordée qu’à ceux des Allemands qui furent installés sur les domaines de la couronne; ceux qui s’établirent sur des domaines 180féodaux, ecclésiastiques ou laïcs, passèrent sous l’autorité féodale. Et, même pour les «colons du roi a, la liberté était menacée aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Quoique le roi André II promît, en 1224, de ne point céder de fiefs à des seigneurs dans les sept sièges dotés du droit saxon, les actes de donation étaient déjà un fait, et de manière irréversible. Ainsi, le Wallon Gosselin, arrivé avec les Allemands et devenu chapelain du roi, possédait un fief à Kisdisznód (Michelsberg), sur le territoire du siège de Szeben. En 1223, un an avant l’interdiction des aliénations libres, il le céda avec son église à l’abbaye de Kerc, probablement parce qu’il voulait vivre à la Cour. Le village ne retourna sous l’autorité du siège de Szeben que cent ans plus tard et seulement après le rattachement de l’abbaye de Kerc au territoire du siège.
Les colons allemands arrivèrent conduits par des agents dits Gräve (hong. geréb) qui donnaient souvent leur nom aux villages fondés par eux. C’est ainsi que le chef-lieu des Saxons, Szeben, fut appelé Villa Hermanni, et devint, après son développement en ville, Hermannstadt. Les gerébs s’attribuaient certains privilèges à titre héréditaire (un lot plus important de terre, un moulin banal, un débit de vin, etc.), ce qui leur conférait un pouvoir presque seigneurial. Pour mettre fin à cette pratique, la communauté réussit à arracher la charte de 1224, dans laquelle le roi stipulait que «le peuple élit ses magistrats parmi ceux qui lui conviennent».* Les gerébs, eux, s’efforcèrent de raffermir leur position en tentant d’extorquer au roi des donations de terres exemptes de la liberté szebenienne, où ils pourraient exercer des droits féodaux réels sur une population partiellement composée de colons allemands. Parfois, laissant leurs villages à la communauté, ils quittèrent même définitivement le territoire des sièges.
Ibid.
S’ils réussirent à éloigner de leurs territoires les efforts de domination des gerébs qui menaçaient leur autonomie, les Saxons échouèrent dans leur tentative pour rattacher l’ensemble des sièges, à l’instar d’Altland, à la prévôté de Szeben, qui dépendait directement de l’archevêché d’Esztergom, ce qui aurait signifié pour eux d’importantes facilités et en particulier une réduction de la dîme. Les membres de la prévôté, en effet, avaient la possibilité de garder les deux tiers de la dîme, alors qu’ailleurs, c’était seulement un quart. Organisé en chapitres et en doyennés, le clergé saxon tenta, plus d’une fois, d’obtenir les allégements accordés aux prêtres de Szeben et retint à cette fin la dîme perçue, ce qui provoqua de lourds conflits avec l’évêque de Transylvanie, jaloux de ses prérogatives. Dans cette lutte, les gerébs saxons soutenaient leurs prêtres; quand l’évêque de Transylvanie fit exécuter, en 1277, le geréb de Vizakna, Alárd, son fils Gyán se mit à la tête de Saxons armés et marcha sur Gyulafehérvár, où ils pillèrent les maisons et incendièrent l’église avec, dedans, les membres du chapitre et, dit-on, deux mille habitants hongrois de la ville, qui s’y étaient réfugiés. Finalement, au début de XIVe siècle, Vizakna passa sous l’autorité de la prévôté de Szeben, qui pouvait tirer d’importants bénéfices des mines de sel de ses environs. Mais les discussions autour de la dîme ne s’en arrêtèrent pas pour autant et l’évêque de Transylvanie excommunia à plusieurs reprises les prêtres désobéissants.
Un bref intermède, lourd de conséquences dans l’histoire des colonies allemandes de Transylvanie, fut l’établissement, dans le Barcaság, de l’ordre des Chevaliers Teutoniques chassé de la Terre Sainte. C’était en 1211, donc avant la charte de 1224. Le territoire prétendument désert à cette époque venait d’être abandonné par les Pétchénègues qui s’y étaient probablement 181installés au XIIe siècle (et y avaient laissé des noms d’eaux d’origine apparemment turque, comme: Barca, Brassó, Tömös, Zajzon, Tatrang). Evacués par ordre royal, les Pétchénègues se voient attribuer un nouveau territoire près du château de Talmács (qui portait le nom d’une de leurs tribus), où ils sont mentionnés en 1224 comme utilisant une forêt en commun avec les Saxons et les Roumains. Quant aux Chevaliers, ils furent soustraits à l’autorité du voïvode, dotés d’une autonomie administrative et autorisés à construire des châteaux en bois, à recruter des colons en leur offrant l’exemption de la dîme et le droit de tenir des marchés. Mais ils ne se contentèrent pas de si peu: ils se mirent à construire des châteaux en pierre et s’efforcèrent d’étendre leur domination au-delà des montagnes. Enfin, ils manifestèrent leur volonté de se placer sous l’autorité directe du pape, ce que le roi ne pouvait pas tolérer. André II les expulsa en 1225. Mais leurs colons allemands restèrent et s’organisèrent en un district saxon indépendant, avec Brassó (Kronstadt) pour centre, sous l’autorité de leur propre comes.
Les réseaux d’agglomérations tant sicules que saxons révêtirent leur aspect définitif dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Les Sicules des environs de Medgyes étaient partis pour fonder le siège de Maros qui touchait à l’est le siège de Udvarhely et relevait de l’archidiaconé de Telegd. Ceux de Szászkézd constituèrent, en 1288, le siège d’Aranyos, près de Torda, puis se fixèrent au nord des sièges de Seps et d’Orba, dans le siège de Kézd, qui devait plus tard constituer, avec les deux précédents, Háromszék (Trois-sièges) dont l’archidiaconé ne réunissait que les sièges d’Orba et de Kézd, alors que Seps resta, seul, parmi les sièges sicules, sous l’autorité de l’archidiacre de Gyulafehérvár. Enfin, ce fut du siège d’Udvarhely qu’essaimèrent les habitants des sièges de Csik et de Gyergyó tout en restant rattachés à l’archidiaconé de Telegd. Les deux sièges saxons qui devaient remplacer ceux des Sicules à Medgyes et à Kézd relevaient, jusqu’en 1402, de l’autorité du comes des Sicules. Cependant, du point de vue ecclésiastique, ils appartenaient à l’archidiaconé de Gyulafehérvár, tout comme le huitième siège saxon qui se constitua au début du XIVe siècle autour de Segesvár. Au nord-est, Beszterce (avec Radna et le district «royal») n’obtint la liberté szebenienne qu’en 1366. Un peu plus au sud, les villages saxons relevant des doyennés de Teke, Régen et Kerlés, devinrent les fiefs de seigneurs hongrois et saxons. Ainsi la population sicule et saxonne occupa-t-elle définitivement ses positions géographiques en Transylvanie.

 

 

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