Les Roumains en Transylvanie et en Coumanie jusqu’à l’invasion des Mongols

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187Les Roumains en Transylvanie et en Coumanie jusqu’à l’invasion des Mongols
Un demi-siècle après la campagne de 1166 de l’empereur byzantin Manuel Ier qui dévasta et pilla la Transylvanie – campagne à laquelle participèrent également des Roumains (Vlachoi) –, une série de diplômes nous parlent de Roumains vivant paisiblement sous administration hongroise, au début du XIIIe siècle, dans les Carpates du Sud. Ils devaient jouir de certains droits particuliers car le roi André II ayant cédé, en 1202, la bande de terre située entre les rivières Olt, Kerc, Árpás et les montagnes au monastère cistercien fondé par lui, en retira le droit d’usage aux Roumains (exemptant de Blaccis).* D’après la charte de 1223, la mise en possession fut effectuée par le voïvode de Transylvanie, Benedek, qui occupa ce poste entre 1202 et 1209. L’information suivante relative aux Roumains provient d’une charte de 1250 et se rapporte à l’année 1210, où le tomes de Szeben, Joachim, à la tête de soldats saxons, roumains, Sicules et pétchénègues (associatis sibi Saxonibus, Olacis, Siculis et Bissentis), porta secours au tzar bulgare Boril, en lutte avec ses sujets révoltés de Vidine. Partageant leurs droits avec les Pétchénègues, les Roumains avaient la jouissance d’une forêt dans le voisinage – probablement au sud – de la terre des Saxons, ce droit d’usage ayant été, en 1224, également étendu aux Saxons (silvam Blacorum et Bissenorum cum aquis usus clmmunes exercendo). Les historiens ont longtemps considéré comme l’information la plus ancienne relative aux Roumains de Transylvanie le diplôme d’André II daté de 1222, par lequel il accorde aux Chevaliers Teutoniques, établis dans le Barcaság, le privilège, entre autres, de traverser sans droit de péage la terre des Sicules et des Roumains (cum transierunt per terram Siculorum aut per terram Blacorum). Bien que le diplôme ait été identifié comme un faux fabriqué en 1231 à Rome à l’intention des Chevaliers chassés, afin de justifier leurs droits sur le Barcaság, nous n’avons aucune raison de mettre en doute l’information selon laquelle le Barcaság était à cette époque limitrophe, vers l’Est, de la terre des Sicules de Seps, groupe déjà établi ici, et, vers l’Ouest, de la terre valaque-roumaine située entre l’Olt et les Carpates du Sud.
Documenta historiam Valachorum in Hungaria illustrantia. Ed. A. FEKETE NAGY et L. MAKKAl, Budapest, 1941, 9. Les citations non notées par la suite proviennent de cet ouvrage et peuvent y être retrouvées selon l’année.
A l’époque, en effet, le terme «terra» ne signifiait pas «pays», ni même une quelconque entité politique ou administrative, comme le supposent certains historiens roumains. Tantôt on entendait par là une superficie de terre ou un certain territoire, comme c’était le cas dans des centaines de chartes, tantôt une région renfermant plusieurs unités adminsitratives, telles la Székelyföld (Terre sicule), ou la Szászföld (Terre saxonne), noms communément mais non officiellement employés pour ces territoires qui englobaient plusieurs «sièges». La «Terra Blacorum» ne pouvait être la soi-disant ancienne province de Gelu dux, née de l’imagination d’Anonymus, que celui-ci avait située près du Szamos, alors que la «Terra Blacorum» se trouvait près de l’Olt.
Définie, selon la donnée de 1231, comme attenante au Barcaság, la «Terra Blacorum», citée par les diplômes du début du XIIIe siècle, peut être située entre l’Olt et les prolongements des Carpates du Sud, ou bien encore plus loin vers le Sud. Si la forêt possédée en commun par les Roumains et les Pétchénègues est à situer au sud de Szeben, comme beaucoup le pensent, cela veut dire 189que la «terre des Roumains» englobait également les environs du château de Talmács, placé en faction à l’entrée du col de Vöröstorony, sur la rive droite de l’Olt et, comme Talmács est le nom d’une tribu pétchénègue, c’est sûrement là qu’il faut chercher la forêt en question.

188Carte 10. Les noms de lieu connus en Transylvanie dès avant 1400
Tout comme les colons germano-wallons avant eux, les Roumains arrivés dans la région de l’Olt prirent possession d’un territoire déjà partiellement habité. Nous possédons les noms de 19 localités des XIIIe et XIVe siècles situées le long de l’Olt. D’ouest en est, sur la rive nord: Talmács (1265), Szakadár (1306), Földvár (1322), Fogaras (1291), Galt (à l’emplacement de l’actuel Ugra, 1211), Miklósvár (1211), Hidvég (1332); sur la rive sud: Kolun (1332), Árpás (en 1223 nom de rivière, en 1390 village), Szombathely (1291), Betlen, Sárkány, Debren (à l’emplacement de l’actuel Piran), Venice, Kormospatak (auj. Komána), Hévíz, Doboka (1235). Le nom de Talmács est, nous l’avons dit, pétchénègue; Galt est wallon (de «noiale gals» = noiseraie). Venice vient de l’italien Venezia; Kolun vient de l’allemand Köln (Cologne = Colonia). Ce sont là autant de noms donnés par les colons étrangers. Les autres localités ont toutes un nom hongrois, et, de plus, ceux qu’on connaît de 1235 proviennent des registres des dîmes papales et, par conséquent, désignent des villages catholiques. On ne trouve, parmi ces noms, aucun qui soit d’origine roumaine ou qui indique la présence d’une population orthodoxe; leurs versions roumaines actuelles remontent toutes aux formes précitées. La première charte qui fasse allusion à une population roumaine fixée date de 1332 (elle parle de Kerch Olachorum, soit Kerc des Valaques, auj. Kiskerc = Cîrţisoara). La première mention de ce village remonte à 1252, mais, à cette date, on ne parlait encore que de terres des Roumains vivant autour de Kerc (terra Olacorum de Kyrch). Des noms de village d’origine incontestablement roumaine se situent, dans cette région, sur la rive sud de l’Olt: Kucsuláta (Căciulata) et Mundra (Mîndra) mentionnés respectivement en 1372 et en 1401. Au XVe siècle, enfin, les diplômes révèlent soudainement l’existence d’une douzaine de villages aux noms roumains sur les côteaux plus lointains, au sud de l’Olt. Ces nouveaux villages furent probablement fondés par les voïvodes roumains de Valachie, auxquels le roi donna comme fief, à plusieurs reprises, à partir de 1366, cette contrée proche de l’Olt, qui avait désormais Fogaras pour centre. En 1272, le voïvode Vlaicu appelait la région de Fogaras «nova plantatio», c’est-à-dire nouvelle colonie, et il en avait cédé certaines parties à ses boyards valaques qui, à leur tour, devaient y conduire des colons paysans roumains – et même des esclaves tziganes, alors pour la première fois apparus en Transylvanie. Ce n’est donc qu’après un certain temps que les Roumains, vraisemblablement déjà présents dans cette région depuis le début de XIIIe siècle, se fixèrent dans des agglomérations permanentes. On ne saurait dire, en l’état actuel des recherches, à quelle époque et dans quelles conditions ce changement de population a eu lieu sur les bords de l’Olt.
L’appellation «Terra Blacorum» fait clairement allusion à l’origine des Roumains qui arrivèrent en tant que bergers dans la région de Fogaras, le nom roumain de la Valachie étant en effet «Ţara Românescä». Sur le territoire de celle-ci, l’élément roumain avait, dès le XIIe siècle, déjà assimilé l’élément slave auparavant prépondérant, si bien que l’aire linguistique roumanisée confinait désormais aux steppes de la rive nord du Danube habitées par des Coumans (et arrosés par plusieurs douzaines de rivières aux noms coumans). Les bergers roumains vivant sur les pentes méridionales des Carpates avaient, dès avant cette époque, eu des contacts avec ceux-ci lors de leurs séjours au 190bord du Danube, en pâturages d’hiver. Il n’est pas impossible que les Roumains, qui participèrent en 1166 à la campagne de l’empereur Manuel, aient été recrutés sur ce territoire par l’armée byzantine. C’est également à cette conclusion qu’amènent les 2 700 pièces de monnaies byzantines de bronze frappées entre 1081 et 1185 et retrouvées en 45 endroits, dans 12 trésors cachées et 33 sites isolés. Les monnaies byzantines postérieures à 1185 ont été ici découvertes en bien plus petit nombre (322 en tout), ce qui s’explique, de toute évidence, par le soulèvement bulgare contre Byzance, conduit par les deux Roumains cités plus haut.
L’Etat bulgaro-valaque des Asenides reprit la lutte des Byzantins contre les Hongrois pour la possession de Belgrade, sur le Danube, et de Barancs (Braničevo). Bien que les adversaires fissent de temps en temps la paix, voire même s’alliassent (par exemple lors de l’intervention hongroise à Vidine, en 1210), la confrontation au sujet de la Coumanie, qu’ils se disputaient âprement, était inévitable. Depuis l’attaque de Byzance, en 1166, la Transylvanie semblait particulièrement vulnérable. Ce fut probablement dans les dernières décennies du XIIe siècle, que le royaume de Hongrie s’adressa aux Roumains, qui fréquentaient, en tant que bergers, les alpages des Carpates du Sud et étaient établis sur le cours supérieur de l’Arges, pour leur confier des tâches de garde des frontières, en contre-partie desquelles il leur accorda l’usage du territoire entre l’Olt et les montagnes. Il n’y a qu’une seule explication permettant d’éclairer le fait que les agglomérations roumaines permanentes apparurent si tard dans cette région. Comme l’historien roumain P. P. Panaitescu l’a noté avec justesse: «… située au nord et à l’ouest des montagnes, la Transylvanie ne possède pas de bons pâturages. Aucun berger du Sud ne songerait à mener ses troupeaux dans un pays si pauvre en pâtures».* Les Roumains transhumants devaient avoir leurs habitations permanentes, au XIIe siècle, près de l’Arges et ce n’est que plus tard, en cherchant le sécurité au sein du royaume, qu’ils s’établirent sur le territoire situé autour de Fogaras.
P. P. PANAITESCU, Introducere la istoria culturii româneşti, (Introduction à l’histoire de la culture roumaine), Bucureşti, 1969, 146.
La question de l’appartenance politique de la Coumanie fut définitivement tranchée lorsque, en 1226, après l’expulsion des Chevaliers Teutoniques, le dauphin Béla prit en main le gouvernement de la Transylvanie. Menacés par l’invasion des Mongols, qui leur avaient infligé une lourde défaite en 1223 près de la rivière Kalka, les princes des tribus coumanes occidentales en campement près du Bas-Danube ne se contentèrent pas de recevoir le baptême en 1227 de dominicains hongrois en mission auprès d’eux, mais reconnurent également la suzeraineté du roi de Hongrie sur leur pays et leur peuple. Un évêché couman fut créé et placé sous l’autorité de l’archevêque d’Esztergom avec, comme centre, Milkó (Milcov), dans le Sud de l’actuelle Moldavie. La christianisation ne concernait pas la population roumaine de Coumanie, déjà chrétienne, mais de rite oriental (sous l’autorité directe du patriarche de Constantinople) et qui avait adopté la liturgie bulgaro-slave. Les Roumains durent se pourvoir de leur propre organisation ecclésiastique qui dépendait de l’épiscopat grec de Vicina, créé au XIIIe siècle. S’étant emparés de Constantinople en 1204, les Croisés contraignirent le patriarche à reconnaître l’autorité de Rome, à la suite de quoi le pape tenta de se rattacher les Eglises chrétiennes qui dépendaient de Constantinople. C’était dans ce but qu’il envoya une couronne royale au souverain bulgare-valaque Kaloïan en lui accordant le titre de «rex Bulgarorum et Blachorum»; aussi concéda-t-il au métropolite de 191Trnovo le titre d’archevêque. Mais ces liens furent, à la suite des hostilités qui opposèrent Kaloïan aux Croisés, rompus. En 1234, le prince Béla reçut l’ordonnance du pape l’invitant à imposer un évêque d’obédience romaine aux Roumains vivant en Coumanie, passée sous son sceptre (populi sui Valaci vocantur) car, disait-il, ceux-ci recevaient les sacrements de la main de faux évêques de rite grec (a quibusdam pseudoepiscopis Grecorum ritum tenentibus), et contraignaient même les Hongrois ou Saxons qui vivaient parmi eux à faire de même. Ce fut là la première tentative pour imposer aux Roumains l’union confessionnelle, mais elle n’eut pratiquement aucune suite concrète. Néanmoins, cette information nous apprend que la population de la Coumanie était, à cette époque, en grande partie, sinon majoritairement, roumaine.

Carte 11. Agglomérations hongroises en Transylvanie au milieu du XIIIes, d’après les noms de lieu
192Pour le prince Béla, l’intégration du territoire nouvellement acquis dans le royaume de Hongrie était un objectif essentiellement politique, dont l’aspect religieux n’était qu’accessoire. La Coumanie ayant antérieurement fait partie de la Bulgarie, l’Etat successeur bulgaro-valaque la revendiquait lui aussi. Pour se munir contre une éventuelle attaque bulgare, le prince Béla organisa, sur la partie occidentale de la Coumanie en-deçà de l’Olt, une région frontalière nommée banat de Szörény, sur le modèle des provinces de Croatie et de Slavonie. Il nomma à sa tête un administrateur royal avec le titre de ban, en la personne de Pósa, du clan Csák, alors voïvode de Transylvanie; en 1233, Pósa céda sa dignité à Lukács, antérieurement grand échanson du roi, et reprit ses fonctions de voïvode de Transylvanie. En 1228, le prince Béla tenta d’arracher le château de Vidine, en tête de pont sur la rive sud du Danube, aux Bulgares, mais il fut repoussé. Le banat de Szörény devait survivre encore longtemps et nombre de toponymes – localités, fleuves (Amaradia = Homoród) et même comitgls (Mehedinţi = Miháld) – rappellent ses habitants hongrois d’autrefois. Le geréb wallon Corlard Talmácsi fut récompensé pour ses services par l’attribution de la zone de chasse de Lovista, dans la vallée du Lator. Devenu roi, Béla IV (1235-1270) demanda au pape, en 1238, de nommer un évêque pour ses habitants hongrois et saxons. Seule la partie orientale, à l’est de l’Olt, resta sous le contrôle des chefs Coumans, et ceux-ci exerçaient leur pouvoir par mandat royal, car Béla, encore prince, s’était attribué, dès 1233, le titre de roi de Coumanie (rex Cumaniae).

 

 

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