Les villes et l’autonomie saxonne

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228Les villes et l’autonomie saxonne
Dans cette étape particulière de la féodalité européenne fortement marquée par la présence des Ordres, le développement des villes constituait un facteur de première importance, puisqu’il permettait aux monarques de contrebalancer l’influence politique des magnats. La spécificité de l’évolution transylvaine consiste dans le fait que l’épanouissement des villes s’y accomplit dans les cadres organisationnels de la «nation» saxonne et eut pour objectif de renforcer ceux-ci. Les mesures économiques des Anjou, qui entraînèrent l’essor dynamique de l’extraction minière et du commerce des bestiaux, la frappe d’une monnaie d’or stable et des accords commerciaux avec les pays voisins, exercèrent, toutes, un effet stimulant sur l’évolution des villes transylvaines. Les bénéfices en allèrent surtout aux communautés saxonnes, qui se transformèrent peu à peu de villages en villes fondées sur l’artisanat et le commerce. Si les trois grandes villes saxonnes: Nagyszeben, Brassó et Beszterce écrasaient de leur poids non seulement les villes hongroises (Dés, Torda, Gyulafehérvár) et les bourgades des régions sicules (Marosvásárhely, Udvarhely, Sepsiszentgyörgy, etc.), et si elles éclipsèrent également les autres villes saxonnes (Szászsebes, Medgyes, Segesvár, Szászváros), ce fut parce qu’elles étaient situées dans les vallées qui menaient vers les voïvodies roumaines. Il est vrai qu’un certain nombre de bourgs sicules se trouvaient également près de la frontière, mais les obligations de guerre de leurs habitants les empêchaient de se consacrer au commerce, et lorsqu’ils commencèrent enfin à en faire, l’avance des Saxons était déjà trop grande pour être rattrapée. Seul Kolozsvár, de population mixte allemande et hongroise, put soutenir la concurrence avec les trois grandes villes. Située à la croisée des routes commerciales qui reliaient la Transylvanie aux parties centrales et occidentales du Royaume, la ville de Kolozsvár pouvait contrôler le trafic qui les empruntait, si bien que ses habitants allemands, qui menaient d’abord une existence de petits nobles campagnards mais s’urbanisaient par la suite, jouèrent un rôle décisif dans l’évolution bourgeoise de la Transylvanie. Les industries prirent, dès la seconde moitié du XIVe siècle, un tel essor derrière ses murs que les serfs hongrois des environs, attirés par cette prospérité, et aussi par la liberté citadine, y affluèrent en masse. Dans le même temps, on vit également arriver des artisans allemands, bien qu’en nombre plus modeste, de la Terre saxonne et d’Allemagne et former, à côté des anciens patriciens à la fois propriétaires et commerçants, une nouvelle élite de marchands enrichis par le commerce extérieur, qui se mit à la tête des corporations nouvellement constituées et réclama sa part dans la direction de la ville. Cette catégorie pleine d’ambitions renonça définitivement à la possession des terres, mais développa fortement sa conscience allemande qui avait fait défaut à l’ancienne aristocratie citadine aux visées nobiliaires et militaires. La nouvelle bourgeoisie réussit, grâce à une attitude favorable du roi, à prendre le dessus, en écartant du pouvoir les quelques familles de l’ancienne direction patricienne (1405), mais son particularisme allemand provoqua de nouveaux conflits, et la lutte pour la domination de la ville opposa désormais Saxons et Hongrois. Après une victoire provisoire des Saxons, les Hongrois, devenus entre-temps majoritaires, obtinrent, en 1458, grâce à l’intervention du pouvoir central, que les postes de maire et de conseillers municipaux fussent distribués de manière paritaire. Dès lors, bien que l’accord initial fût rigoureusement respecté par les deux parties pendant des siècles, la composition démographique évolua à l’avantage des Hongrois, 229si bien que Kolozsvár passait, pratiquement, au début des temps modernes, pour une ville hongroise.
Dés, Torda, Gyulafehérvár étaient, dès le XVe siècle, elles aussi devenues des villes hongroises: leur population allemande, probablement très faible dès l’origine, fut facilement absorbée par les masses hongroises qui affluèrent dans ces centres régionaux à la fin du XIVe siècle. Les villes minières (Szék, Kolozs, Abrudbánya, Zalatna, Offenbánya, Torockó), avec leur population d’origine plus ou moins allemande, connurent un sort analogue, alors que des villes saxonnes purent absorber leurs Hongrois (à Szászsebes, par exemple, une vieille rue nommée «Székely» conserve le souvenir des habitants hongrois). La progression de l’élément hongrois dans les villes était favorisée par le développement des industries domestiques dans les villages. Dans les registres du XVe siècle, on trouve bon nombre de serfs aux patronymes empruntés à des métiers artisanaux très divers. Des paysans qui s’installaient dans les villes possédaient donc déjà les éléments d’une culture industrielle. Ainsi, à la fin du Moyen Age, dans les rangs de la bourgeoisie citadine apparurent également, à côté des Allemands, des Hongrois en nombre considérable. Les Roumains, eux, ne jouèrent à cette époque aucun rôle dans l’épanouissement des villes transylvaines.
Pourtant, la grande activité commerciale avec les deux pays roumains constitua un stimulant décisif dans le développement des villes. Quoique l’influence hongroise allât diminuant sur les territoires transcarpatiques, le roi avait toujours la possibilité d’y faire valoir ses conceptions économiques. Bénéficiant de sa protection, les commerçants transylvains maintenaient des contacts permanents avec les deux voïvodies riches en matières premières. Les habitants de ces territoires, qui avaient à peine commencé à s’organiser (la première église roumaine de Valachie, par exemple, fut construite au début du XIVe siècle) ne pouvaient se passer d’intermédiaires susceptibles d’assurer l’échange de leurs produits contre ceux de l’industrie occidentale. Cherchant à rétablir dans son pays les voies du commerce avec l’est, qui ne passaient plus par la Hongrie depuis des siècles, le roi Louis Ier poursuivit avec persévérance ses desseins économiques et notamment le développement du commerce des Saxons. En 1369, il accorda à Brassó le droit d’étape, c’est-à-dire qu’il contraignit les commerçants polonais et allemands qui se rendaient en Valachie à vendre leur principale production, le drap, aux commerçants de Brassó qui pouvaient les revendre; dans le même temps, il ordonna que les produits agricoles et les bestiaux provenant de Valachie fussent vendus sur le marché de Brassó. Szeben obtint, en 1378, le même privilège pour la route qui la traversait, et Beszterce possédait déjà, depuis 1368, le droit de contrôler la voie polonaise qui traversait la Moldavie.
Mais les articles qui, grâce à cette intense activité commerciale, parvenaient à l’est, étaient avant tout les produits des manufactures occidentales et non ceux de l’industrie saxonne qui, au XIVe siècle, était encore pratiquement inexistante sur le marché. Les marchands saxons ne se souciaient guère de production: ils bénéficiaient seulement de leur droit d’étape pour revendre, sur leurs marchés, des articles de provenances diverses. Rien de particulier dans tout cela-en effet, les commerçants de Vienne, dotés eux aussi du même privilège d’étape, agirent de même pendant presque tout le Moyen Age. Si les commerçants saxons entreprenaient des voyages vers l’est, c’était essentiellement pour se rendre dans les voïvodies roumaines, afin de traiter des négoces plus importants ou particulièrement difficiles, et ils ne s’aventuraient plus à l’est qu’exceptionnellement. Ils fréquentaient plutôt les grandes cités occidentales, 230surtout allemandes, et ce notamment à partir du moment où Louis Ier suspendit à leur égard le droit d’étape dans la ville de Buda. Ils transportaient des produits bruts de Moldavie et de Valachie qu’ils échangeaient contre des tissus et des épices. Leurs deux itinéraires habituels menaient l’un par Kassa, la Bohême et la Pologne jusqu’ à Dantzig; l’autre, via Buda, soit vers Vienne et Ratisbonne, soit vers Zara et Venise.
L’industrie saxonne rejoignit assez tard ce grand essor commercial. Les premières corporations apparurent, à travers toute la Transylvanie, vers le milieu du XIVe siècle. Le roi Louis les dissolus pour un temps puis, sollicité par les Saxons, il les rétablit en 1376, tout en refondant leurs statuts. Le grand nombre de corporations mentionnées à cette occasion (19 corporations représentant 25 branches d’industrie) ne doit pas nous tromper, puisque les dispositions du document gardent le silence sur la limitation quantitative, alors que celle-ci était rigoureusement fixée dans les chartes dès que les corporations commençent à produire pour le marché. Ce changement se produisit en effet au XVe siècle, époque à partir de laquelle les produits de l’industrie manufacturière transylvaine purent être écoulés à l’est. L’artisanat se propageait avec une si grande rapidité qu’on pouvait trouver, même dans les villages, des corporations comprenant parfois une centaine de membres. L’exportation vers les voïvodies roumaines englobait une gamme d’articles de plus en plus variés: dans les réglementations douanières du XVe siècle, on voit figurer des vêtements finis, de la vaisselle, des couteaux, toutes sortes d’armes, des semiproduits métalliques, des épices, de l’orfèvrerie, du parchemin, du papier, des charrettes, voire même des fruits secs et des pains d’épices. Les articles courants importés des voïvodies restaient invariablement des produits bruts provenant moins de l’agriculture que de l’élevage (bestiaux, peaux non traitées, cire, miel et, plus rarement, des céréales).
La nouvelle couche dirigeante des Saxons, qui devait sa promotion sociale au commerce, c’est-à-dire l’ordre des patriciens urbains, ne comprenait plus que quelques familles, tout comme autrefois les gerébs, et n’en tenait pas moins jalousement à ses privilèges. Sa position financière s’étant renforcée, la moyenne bourgeoisie citadine essaya, vers la fin du XVe siècle, d’ébranler leur régime, mais sans grand succès. L’unique résultat du mouvement fut l’introduction, en 1495, d’une institution dite «de cent hommes» (Hundertmannschaft) qui existait depuis longtemps dans les villes de Hongrie et à Kolozsvár. Bien que représentants des corporations, les membres de celle-ci étaient nommés par le conseil municipal, exclusivement composé de patriciens; ils en restaient donc toujours fortement dépendants. Se sentant opprimées, les couches populaires saxonnes se soulevèrent contre leurs dirigeants, en 1511 à Segesvár, en 1520 à Szeben, puis, en 1513, les paysans saxons, mécontents, assassinèrent le bourgmestre de Segesvár. Cependant, ni la petite bourgeoisie urbaine, ni les paysans de villages ne purent mettre fin au règne de cette nouvelle aristocratie, d’autant que les couches supérieures surent, après un essor passager de la petite noblesse, prendre le dessus partout dans le pays, et réussirent même à s’assurer le soutien du roi. De même que la situation des serfs hongrois et des Sicules inférieurs se dégradait progressivement, la dépendance politique et économique des couches inférieures saxonnes par rapport à leur grande bourgeoisie devint définitive.
Chez les Saxons, le nouvel ordre social était fondé sur la prédominance des villes. La paysannerie saxonne devait supporter non seulement la domination des patriciens, mais aussi l’oppression économique que la ville exerçait sur les villages et, dans cette évolution, même la petite bourgeoisie prit une nette 231avance sur elle. Les chefs-lieux des «sièges» contrecarraient constamment le développement des autres localités qui relevaient de leur autorité, en veillant surtout jalousement à leur droit exclusif de tenir marché. C’est ainsi que furent mis en échec par Brassó (en 1378), Nagysink (en 1379) et Segesvár (en 1428) les tentatives respectives de Földvár, Szentágota et Henndorf de tenir leurs propres marchés hebdomadaires. Un peu plus tard, du fait même que les chefs des corporations urbaines furent eux aussi investis du droit de contrôler celles des villages, les corporations des villes réussirent à étendre leur influence sur l’ensemble de l’industrie rurale.
L’égalité de droits des Saxons ne fut donc pas mise en pratique. Il n’en reste pas moins vrai que les paysans saxons bénéficiaient d’une situation nettement supérieure par rapport à celle des serfs des comitats ou des Sicules pauvres d’état inférieur, et ce notamment parce que la société saxonne s’était, après le départ des gerébs, profondément démilitarisée et écartait ainsi définitivement le danger d’une dichotomie sociale seigneur / serf.
La substitution du mode de vie des paysans embourgeoisés à celui des nobles ruraux s’accompagna du développement d’une conscience nationale saxonne. L’ensemble de la bourgeoisie saxonne manifesta en effet bientôt un parti pris ethnique exclusif et passionné qui ne peut être comparé qu’à celui de la moyenne noblesse hongroise à la fin du Moyen Age; cette nouvelle attitude se traduisit dans les faits par l’effort pour éliminer de la société citadine aussi bien que des corporations, les éléments ethniques non allemands. La première disposition de ce genre qui nous soit connue, fut prise par le conseil municipal de Szeben, en 1474, et stipulait que le monastère dominicain construit hors des enceintes de la ville ne pouvait s’installer à l’intérieur que si les moines étaient en majorité allemands. Cette conscience accrue de la bourgeoisie, et de l’ethnie saxonne dans son ensemble, se trouva confirmée et quasiment légitimée par le fait que les sièges saxons obtinrent progressivement, à partir du début du XVe siècle, le droit d’élire librement leurs fonctionnaires suprêmes dits «juges du roi». Parachevant ce processus, le roi Mathias reconnut uniformément, en 1469, ce droit à tous les sièges puis, en 1486, il les réunit tous, ainsi que les régions de Beszterce et de Brassó, dans l’«université saxonne» (Universitas Saxonum) dont il confia la direction au bourgmestre de Szeben, qui porta désormais le titre de «comes des Saxons».

 

 

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