La révolte des Sicules et la guerre paysanne de György Székely

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La révolte des Sicules et la guerre paysanne de György Székely
Sous le roi Mathias, la Transylvanie aurait pu enfin entrevoir un retour à la prospérité de l’époque des Anjou. Après la fronde de 1467, le roi fut plus circonspect dans le choix de ses voïvodes; à partir de 1470, les sources témoignent d’une augmentation sensible des actes officiels émanant des voïvodes et portant sur des affaires transylvaines, ce qui prouve que ceux-ci ne considéraient plus leur poste comme un titre honorifique bien rémunérateur, mais prirent l’habitude de s’occuper personnellement des affaires courantes. Cependant, sous le règne des rois Jagellon, Vladislav II et Louis II (1490-1526), les luttes de partis, consécutives à la naissance d’un Etat des Ordres, donnèrent lieu à de graves désordres sur l’ensemble du territoire du pays. L’intensification des attaques turques, les heurts entre les factions d’aristocrates rivaux, dans lesquels la noblesse commune servait tantôt de simple instrument, tantôt pouvait intervenir en tant que force autonome, puis la 232guerre paysanne de György Székely (Dózsa) – tout cela constituait autant de signes d’une réelle désorganisation. La Transylvanie eut à subir, en 1493, deux attaques turques, au cours desquelles ce furent surtout les régions saxonnes qui connurent de sérieux ravages; dans le même temps, elle se trouva déséquilibrée de l’intérieur par l’agitation des Sicules et des Saxons.
L’échec de la jacquerie de 1437 avait donné, pour bien longtemps, un coup de frein aux mouvements de la paysannerie de condition servile. En fait, les mécontentements se localisaient depuis quelque temps non pas dans les comitats, mais en Terre sicule. A cette époque, en effet, où était déjà apparue une économie fondée sur l’argent ainsi que, non sans rapport avec elle, une technique de guerre employant des mercenaires rémunérés, l’organisation traditionnelle des paysans sicules libres traversa une crise. Etant donné la faiblesse de l’urbanisation, les Sicules ne pouvaient, à l’instar des Saxons devenus paysans libres et produisant pour le marché, collectivement échapper à la dépendance féodale. Par ailleurs, la nécessité d’une armée moderne et permanente fit qu’on n’eut plus besoin du service armé de tous les Sicules. L’inégalité des moyens allait croissant, des masses de plus en plus importantes durent renoncer à leur obligation sicule, garant de leur liberté. Les terres possédées en commun se morcelèrent progressivement en petits lopins, si bien que la plupart des Sicules, peuple déjà fort prolifique à l’époque, devenaient propriétaires de terres minuscules, et pour assurer leur subsistance sur ce sol si peu fécond, ils s’engagèrent en très grand nombre au service de leurs congénères de haut rang.
L’élite sicule, qui possédait généralement deux sortes de biens fonciers, entendait également soumettre les paysans sicules à un régime féodal inconditionnel, tout comme elle le faisait sur ses terres des comitats. A cette fin, elle tenta de transformer en contrainte économique et juridique l’engagement volontaire des Sicules libres venus travailler sur ses terres. Des privations de droits de plus en plus fréquentes provoquèrent, vers le milieu du XVe siècle, des émeutes où le bas peuple s’attaqua à ses seigneurs et tenta de reconquérir sa liberté par la force des armes. Comme les Sicules réduits à l’état de servage cessaient d’être des soldats, le pouvoir central se vit contraint, dans l’intérêt de la défense nationale, d’intervenir: János Hunyadi dénonça à deux reprises, en 1446 et en 1453, d’abord en tant que voïvode de Transylvanie, puis comme gouverneur, l’oppression des gens de condition libre par les grands. Son fils, Mathias, poursuivit la même politique. En 1466 à Zabola, le voïvode de Transylvanie qui était donc en même temps comes des Sicules, convoqua, par mandat royal, les nobles transylvains et les seniores des sièges sicules afin de fixer par écrit, d’après leurs témoignages, les droits et libertés des Sicules. Aux termes de ces statuts, les grands n’étaient pas autorisés à réduire à l’état de servage les Sicules communs et, si ceux-ci travaillaient pour eux, c’était de leur propre gré en tant qu’hommes libres. Dans le même temps, les Sicules communs s’efforcèrent de s’imposer également sur le plan de l’administration et de la juridiction, en déclarant qu’il était équitable d’élire les deux tiers des assesseurs des tribunaux de siège parmi les gens communs. Néanmoins, l’élection du capitaine – désormais plutôt appelé «lieutenant» – et du juge du siège continuait à se faire selon la méthode ancestrale favorisant, bien sûr, les membres des familles fortunées. Pour représenter le pouvoir central, on institua une nouvelle dignité pourvue, pour le moment, du seul droit de contrôle: le juge du roi, nommé par le comes sicule.
Mais, en 1466, le problème sicule n’était que partiellement résolu car la liberté théoriquement accordée ne signifait pas pour les Sicules communs 233pauvres que leur service armé fût également assuré matériellement. Pour la plupart d’entre eux, il était impossible d’accomplir même un service de cavalerie légère; ainsi, le roi ordonna en 1473 une nouvelle réglementation qui paracheva l’établissement de la stratification sociale: ceux des Sicules qui pouvaient équiper au moins trois soldats à cheval – mercenaires ou clients – formaient la catégorie des principaux (primores); ceux qui accomplissaient le service à cheval se rangeaient dans la classe des «lófő» (primipili, montés) et enfin, ceux, majoritaires, qui partaient à la guerre à pied, tout en conservant leur liberté individuelle, étaient appelés «communs» (pixidarii). L’énonciation de ce dernier critère signifiait que ceux qui n’avaient même pas les moyens nécessaires pour le service à pied se trouvaient définitivement relégués dans l’état de servitude. Quant à la distinction des «lófő» des gens communs, il en résulta que les dignitaires et les assesseurs se recrutaient désormais exclusivement dans les deux premières classes, la couche inférieure étant entièrement exclue des affaires publiques.
La crise de la société sicule entra dans une nouvelle phase lorsque commencèrent les confrontations opposant les primores et les lófő aux communs portant les armes, phénomène qui trouve son origine dans l’évolution de la Hongrie. Au début du XVIe siècle, on vit se succéder une longue suite de diètes de Hongrie où la masse des nobles communs, venus participer en armes, intervenait, ou se donnait l’illusion d’intervenir, dans les affaires du pays. Les résonances de ce mouvement parvinrent jusqu’en Transylvanie et eurent pour effet de faire prendre aux Sicules communs en service armé une position plus résolue face à leurs principaux. Ils tinrent, en 1503 à Udvarhely, puis en 1506 à Agyagfalva, des assemblées de la «nation», sans que le roi l’eût décrété ou y eût envoyé son représentant, assemblées qui se déroulaient dans le même cliquetis d’armes et avec les mêmes scènes bruyantes que les diètes qui se réunissaient simultanément à Rákos. Des mesures draconiennes furent envisagées contre les a primores» qui avaient porté atteinte à la liberté sicule qu’on proclama de nouveau sur la base de l’égalité totale des droits – exclusivement pour ceux, bien évidemment, qui étaient en mesure de porter les armes.
La conscience «nationale» des Sicules se renforça d’une manière jamais vue auparavant. La tradition généralement répandue – dont les racines remontaient apparamment au XIIIe siècle –, disant que les Sicules étaient les descendants d’un peuple hunnique qui se serait retiré en Transylvanie après la chute de l’empire des Huns, revêtit alors une dimension politique. Pour les Sicules communs, cette conviction d’être issus du peuple hunnique signifiait non seulement une source de fierté – ils se considéraient comme ceux qui gardaient le plus purement les vertus guerrières «szittya» (c’est-à-dire scythiques) du peuple jumelé hungaro-hunnique –, mais servait également d’argument pour fonder leurs privilèges. En effet, l’opinion de la noblesse commune hongroise était, à cette époque, éprise d’un passé «scythique»; l’idée d’une origine hunnique des Hongrois fut alors propagée par les chroniques, qui avaient déjà connu plusieurs remaniements, et une version en circulait déjà, depuis 1476, sous forme de livre imprimé, le premier, en Hongrie. L’exaltation romantique des Huns, en tant qu’une des manifestations les plus caractéristiques de la conscience nobiliaire hongroise à la fin du Moyen Age, plaçait les Sicules au centre de l’intérêt public, et leur reconnaissait même la primauté du point de vue de l’ascendance «scythique».
Les griefs, ainsi que les assemblées dont ils avaient suscité la convocation, avaient déjà porté la susceptibilité sicule à son paroxysme lorsque, en 1506, à l’occasion de la naissance de son fils, le roi ordonna de lever l’impôt dit du 234«bceuf marqué», traditionnellement payé par les Sicules. Se considérant comme des nobles, car astreints au service militaire, les Sicules trouvèrent cette exigence injuste, puisqu’en Hongrie, les gens de condition noble ne payaient plus d’impôt depuis bien longtemps. Pour les Sicules communs en voie d’appauvrissement, payer cet impôt de bœuf constituait une charge démesurée; si bien que, finalement, la motivation matérielle allant de pair avec l’amour propre blessé, ils se révoltèrent. Le roi envoya, pour rétablir l’ordre, le capitaine de Fogaras, Pál Tomori, qui devait vingt ans plus tard conduire les armées hongroises à la fatidique bataille de Mohács. Ayant essuyé un échec, il dut se réfugier, blessé, dans son château: il fallut, pour écraser la révolte, faire venir des renforts royaux. L’année suivante, à la tête de l’attaque lancée par les Sicules contre les Saxons de Szeben (qui avaient pris part à l’écrasement de leur soulèvement), on trouve un certain György Dózsa, de Makkfalva, que d’aucuns croient pouvoir identifier avec ce György Székely qui devait perpétuer son nom comme le chef de la guerre paysanne de 1514.
Ces combats d’arrière-garde de la liberté sicule ne devaient pas durer longtemps. Sous la pression de l’opinion nobiliaire, le roi, en 1511, nomma voïvode de Transylvanie le candidat au trône et l’idole de la noblesse commune János Szapolyai, alors âgé de 24 ans. Ce magnat, protecteur déclaré des intérêts politiques des petits nobles (qui cherchait en réalité à les tourner à son profit) s’avéra, dans sa nouvelle dignité, tout aussi despotique que ses prédécesseurs. Les Sicules devaient bientôt se rendre compte de la distance qui séparait les discours politiques de la réalité. Szapolyai alla lui-même disperser les Sicules qui avaient pris les armes contre une mesure abusive de leur vice-comes et, pour les châtier, il confisqua leurs biens au profit du Trésor, alors que, selon la loi ancestrale, «la succession des Sicules» ne devait pas passer au roi, même en cas d’infidélité, mais aux consanguins. Ce procédé de Szapolyai marqua une nouvelle étape dans l’histoire des Sicules. En effet, à partir de ce moment-là, on assista aux efforts conscients du pouvoir central pour réduire les libertés Sicules, ce qui provoqua, pendant des siècles, la révolte des Sicules communs qui assumaient le service militaire.
C’était pour leurs droits nobiliaires que les Sicules communs menaient leurs luttes et non contre leurs oppresseurs de seigneurs, comme les paysans. En effet, György Székely (Dózsa), venu de la région danubienne des places fortes frontalières pour prendre la tête, en 1514, de la croisade qui se transforma en soulèvement antiféodal, constituait une exception: son jeune frère excepté, on ne connaît aucun soldat sicule qui ait rallié les paysans. La jacquerie, qui avait pour base opérationnelle la Plaine hongroise, eut des prolongements jusqu’en Transylvanie, sur le territoire des comitats habités par des serfs, mais non en Terre sicule. Un des lieux les plus marqués par la lutte, était le foyer de résistance d’il y a quatre-vingts ans: la région de Beszterce, où des manoirs nobiliaires furent à nouveau incendiés. Deux bourgades de la région des mines de sel: Dés et Torda, rejoignirent les insurgés. Des troupes paysannes arrivées de la Plaine réussirent, elles aussi, à soulever une région minière: celle d’Abrudbánya, Zalatna, Torockó. Mais le voïvode Szapolyai veillait bien aux intérêts féodaux. Ses hommes réussirent partout à étouffer le mouvement; lui-même, apprenant que Dózsa voulait se rendre, avec le gros de ses troupes, en Transylvanie, se tourna avec son armée vers le Sud. Chemin faisant, il convoqua l’assemblée des trois «nations» pour le 18 juin à Déva où il apprit que Dózsa se dirigeait vers Temesvár; il se retourna alors lui aussi dans cette direction.
Entre-temps, le prêtre Lőrinc, lieutenant de Dózsa, qui avait occupé Várad, 235fit une diversion en direction de Kolozsvár pour y attirer les forces nobiliaires transylvaines. Les notables de la ville ne désiraient pas s’engager dans une entreprise aussi périlleuse, comme ils l’avaient fait à l’époque d’Antal Budai Nagy, mais n’osaient pas non plus résister ouvertement. Le bourgmestre János Kalmár trouva comme solution intermédiaire de ne laisser entrer dans la ville que les officiers de l’armée paysanne, alors que celle-ci devait mettre son camp en plein champ découvert. Ce fut là qu’ils subirent l’attaque du vice-voïvode Lénárt Barlabássy qui essuya cependant une défaite. Dans le même temps, le bourgmestre fit massacrer par ses hallebardiers les capitaines des paysans. Ayant perdu son arrière-garde, le prêtre Lőrinc qui était resté hors des murs, se vit contraint de quitter la Transylvanie. Dans les régions centrales du pays, la jacquerie touchait déjà à sa fin tragique, mais cela n’eut plus qu’une influence indirecte sur le sort de la Transylvanie, tout comme la défaite de Mohács en 1526.

 

 

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