La période de transition

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La période de transition
Burebista avait, à l’apogée de son pouvoir, 200 000 guerriers sous ses ordres; un peu plus tard, les effectifs de l’armée dace seraient passés à un cinquième de ce chiffre. Son royaume se scinda d’abord en quatre, puis en cinq parties distinctes. Dans la région centrale, Decaineus réussit dans un premier temps à régner sur la propre tribu de Burebista, cependant que Comosicus (apparemment son successeur) parvint selon toute évidence à unir de manière définitive en sa personne les pouvoirs de roi et de pontife. La liste des rois qui se succédèrent de Burebista à Decebalus doit comprendre ceux qui furent les maîtres de cette région centrale (Transylvanie du Sud-Ouest); les autres rois daces et gètes cités à l’époque d’Auguste régnaient par contre sur les tribus sécessionistes des Gètes du Bas-Danube. Par ailleurs, la liste des monarques du royaume de Dacie n’est pas sans poser de problèmes. Comosicus y est mentionné comme le successeur de Burebista et de Decaineus, alors que le Dace Cotiso, dont le nom figure dans plusieurs sources comme maître du Danube à la hauteur des Portes de fer, est absent de cette liste. Or, comme celle-ci contient un certain nombre d’erreurs de plume, il apparaît comme vraisemblable que Comosicus ait été identifié à Cotiso, qui a régné, selon toute probabilité, sur la partie centrale de l’ancien royaume de Burebista.
De tous les royaumes issus de la dislocation de l’empire de Burebista, seul celui de Transylvanie (à l’intérieur des Carpates) peut être considéré comme royaume dace proprement dit: les autres rois ont tous régné sur diverses tribus gètes. Parmi ces derniers, les sources citent le nom de Dicomes qui, pendant la guerre civile qui suivit la mort de César, entra en relations avec Antoine et lui proposa même de prêter main forte à la bataille d’Actium. Cotiso lui, se rapprocha d’Octave et, à en croire les accusations d’Antoine, celui-ci alla jusqu’à envisager de nouer des liens familiaux avec lui. Les autres rois gètes 30ou daces changèrent plusieurs fois de camps entre les factions romaines, espérant pouvoir, le cas échéant, monnayer leurs services. Ces relations diplomatiques, singulièrement complexes pour les peuples «barbares» de cette époque, s’expliquent par le fait que chaque roi qui régnait sur une partie de l’ancien royaume dace se considérait comme le successeur légitime de Burebista; par conséquent il cherchait, afin de réaliser ses ambitions hégémoniques, des appuis extérieurs. Dans ces conditions, la menace d’une attaque dace ne pouvait non plus être ignorée de l’opinion romaine de l’après-César. Prétendant recueillir l’héritage de César, Octave se targuait d’exécuter le testament politique de son prédécesseur en déclarant la guerre aux Daces malgré l’inopportunité d’une telle action. Il commença même la guerre de 35-33 av. J.-C. contre les Iapodes par des harangues répandant l’idée de la campagne dace, alors que son objectif véritable était l’occupation de la côte adriatique pour faciliter les relations entre l’Italie et les Balkans. L’un des résultats de cette expédition fut la prise de la ville de Siscia (Sisak), dans la vallée de la Save, qui sera plus tard une base opérationnelle de premier ordre contre les Daces.
Bien entendu, la guerre dace n’eut pas lieu. D’une part, parce que les années suivantes furent celles de la phase décisive de la lutte pour le pouvoir; d’autre part, du fait que la menace dace n’était pas suffisamment grave pour prévaloir des visées directes de la politique étrangère romaine. Rome se contenta donc de refouler Cotiso des territoires situés au sud du Danube; cette opération se déroula en 29 av. J.-C. peu après la victoire d’Octave à Actium. Dans la première phase d’une guerre balkanique de plusieurs années, M. Licinius Crassus réussit à vaincre Cotiso, qui se maintint cependant sur la rive gauche du Danube, et conserva vraisemblablement pour une longue période encore la partie centrale du royaume de Burebista.
Ainsi, l’avance d’Auguste sur le Danube ne menaçait-elle pas directement les Daces, auxquels Rome ne devait se heurter – ou se lier – que plus tard, dans la campagne militaire et diplomatique de grande envergure qui visait à régler la situation politique des territoires situés au nord du Danube. Cette opération avait bien entendu été précédée de l’invasion du Norique et de la Pannonie, ainsi que de la mise sur pied de l’armée de la Mésie, qui relevait de la Macédoine, puis comme dernière phase de ce grandiose déploiement des forces, les Romains firent les premiers pas vers l’extension de leur domination sur la rive gauche du Danube. Pendant la guerre qui conduisait à l’occupation de la Pannonie (10 av. J.-C.), les Daces franchirent le fleuve; leur attaque une fois refoulée, Auguste décida une expédition de vengeance, qui «contraignit les Daces à supporter la domination du peuple romaine»*. Il est fort probable que cette campagne fût menée par M. Vinicius, qui avait vaincu, on le sait, lors d’une précédente campagne, l’armée des Bastarnes, avant de contraindre des peuplades daces et celtiques à accepter «l’alliance»* romaine. Une autre campagne, menée par Lentulus, se déroula à peu près au même moment: celui-ci obligea «le peuple peu abordable» des Daces des montagnes à s’enfuir au nord du Danube et il installa des postes de guet sur la rive sud. Cette opération, selon une de nos sources, aurait eu pour résultat «de refouler la Dacie, sinon de la vaincre»*. Des campagnes romaines ultérieures, seuls quelques détails 31nous sont connus: ainsi, par exemple, nous savons qu’une armée romaine se rapprocha des Daces en remontant la Tisza et le Maros en bateau et que la remarque du poète, selon laquelle le Pont était accessible par une voie courte pour la tribu des «Appuli» de Dacie (il s’agit vraisemblablement des habitants des environs d’Apulum [Gyulafehérvár]), devait elle aussi faire écho à un événement contemporain. Or, cette remarque additionnelle est la seule allusion au fait que les Daces auraient, après la mort de Burebista, cherché des contacts dans la région du Bas-Danube. La route la plus courte entre Apulum et le Pont passe par la vallée de l’Olt; ce ne fut certainement pas un hasard si Auguste – qui, du reste, n’accordait pas une très grande importance à l’occupation militaire de la frontière du Danube qu’il venait d’atteindre – établit un des premiers camps des légions danubiennes (Oescus = Gigen) tout près de l’embouchure de l’Olt. Un autre camp datant vraisemblablement de l’époque d’Auguste (Carnuntum = Deutschaltenburg) fut installé à proximité du royaume germanique de Maroboduus, autre adversaire dangereux des Romains sur le Danube. Cela indique également que, même après sa dislocation et ses énormes pertes territoriales, le royaume de Dacie relevait toujours des formations politiques les plus structurées et difficilement accessibles.
Res gestae divi Augusti (Monumentum Ancyranum) 30 = Á. DOBÓ, Inscriptiones… n° 769.
Á. DOBÓ, Inscriptiones… n° 769a.
FLORUS, Epitome II, 28 (= IV, 12).
Dans ces conditions, le lent progrès de deux tribus de cavaliers sarmates, qui continuaient à se déplacer vers l’Ouest le long du Bas-Danube, fut certainement très avantageux pour les Romains ayant à peine consolidé leurs positions danubiennes. Ainsi, les Iazyges, suivis de près par les Roxolans, venaient-ils s’interposer entre les Gétes et les Daces et devaient jouer le rôle d’une sorte d’ethnie tampon entre l’Empire romain et ses adversaires. L’incessante migration des Sarmates – qui bénéficiaient parfois de l’appui de Rome – dut être l’une des causes des incursions plus ou moins importantes des Daces qui ralliaient parfois à leurs attaques aussi les Sarmates. Pour diminuer les tensions entre les diverses peuplades installées au nord du Danube, les Romains avaient, dès le règne d’Auguste, procédé à des transferts de population. Ils avaient contraint un grand nombre de Daces à aller s’établir en Mésie en cédant leur place aux Sarmates. Les troubles ainsi suscités ne devaient s’apaiser que très lentement. La Mésie est ravagée par les Daces et Sarmates jusque dans les dernières années du règne de Tibère. Ces bouleversements furent suivis d’une longue période de paix, qui correspond, selon la liste de rois mentionnée plus haut, aux quarante ans de règne du roi dace Coryllus.
Comme aucune autre source ne mentionne Coryllus, il est à présumer qu’il s’agit là d’une faute du copiste qui s’est trompé en écrivant le nom dace relativement fréquent de Scorilo. Or nous connaissons une anecdote à propos d’un roi dace nommé Scorilo: voulant convaincre son peuple de la vanité de toute ingérence dans la lutte des factions romaines, il aurait lâché deux chiens l’un sur l’autre puis aurait fait conduire un loup devant les deux bêtes acharnées à s’entre-déchirer; les deux chiens se seraient immédiatement rués sur le loup.* Cette prudence devait caractériser l’ensemble du règne de Coryllus-Scorilo: en effet, lors de la première crise grave de l’Empire romain (68-69 de notre ère), l’exemple des chiens se montra d’une actualité toute particulière lorsque les légions parties pour la guerre civile abandonnèrent la défense du limes danubien. Les Sarmates profitèrent à maintes reprises de cette situation pour infliger de lourdes défaites à des armées romaines, capturant même des proconsuls. Or, l’exemple de Scorilo peut être de manière tout à fait évidente 32mis en rapport avec un événement précis. Durant la crise de 68-69, les Daces traversèrent eux aussi le Danube en Mésie et occupèrent quelques camps romains près du limes. Nous ignorons si l’expédition avait été décidée par Scorilo lui-même ou par le chef d’une tribu dace indépendante de lui. Si l’exemple des chiens vient effectivement du roi dace nommé par erreur Coryllus, il est probable que l’attaque ait été lancée par des Daces indépendants de Valachie et Coryllus (c’est-à-dire Scorilo) devait suggérer cette leçon pour calmer son peuple.
FRONTINUS, Strategemata I, 10, 4.
Tacite note, à propos de l’incursion en question, qu’ «on ne peut jamais faire confiance»* au peuple dace. Bien que cette opinion se base aussi sur les expériences ultérieures des guerres daco-romaines, les Daces faisaient, depuis l’époque de Burebista, l’objet d’une attention soutenue de la part de Rome. L’établissement du rapport appelé «alliance», partout ailleurs réussi (il s’agit en réalité d’un rapport d’étroite dépendance) s’avérait plus difficile avec le royaume de Dacie. Lorsqu’on affirmait pendant un moment vers la fin du règne d’Auguste, que les Daces n’étaient plus aussi dangereux qu’auparavant, voire qu’ils étaient même prêts à reconnaître la suprématie romaine, cette impression dut s’inspirer de l’attitude pacifique de Scorilo. Il semble cependant que l’alliance (foedus) daco-romaine se fondait sur des bases peu solides. L’Etat dace différait sur plusieurs points des Etats satellites germaniques et sarmates établis près de la frontière danubienne de l’Empire romain. Le royaume de Dacie jouissait d’une situation géographique singulièrement favorable: du côté du Danube, son centre était protégé par des montagnes inaccessibles; une éventuelle offensive romaine – qu’elle vînt de l’ouest par la vallée du Temes ou du Maros, ou de l’est par la vallée du Zsil ou de l’Olt – aurait obligé l’armée à faire un grand détour et à franchir des défilés et des cols bien défendus. De toute manière, du point de vue tactique, les Daces bénéficiaient d’avantages, en particulier sur la section la plus importante de la frontière danubienne de l’Empire romain, où le fleuve traverse, dans une vallée étroite et escarpée, les franges sud des Carpates, et où il fallait tailler un chemin dans le rocher afin de permettre le halage de bateaux. Cette grande réalisation technique de l’Antiquité fut achevée vers la fin du règne de Tibère. Peut-être ne fut-ce pas un hasard non plus si les rapports daco-romains connurent alors une période de paix. Rome était sans doute prête à consentir aux Daces d’importants sacrifices matériels pour obtenir en contrepartie la sécurité de la navigation danubienne.
TACITE, Historiae III, 46, 2.

 

 

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