Le royaume de Décébale

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Le royaume de Décébale
En dehors des avantages dus à cette situation géographique, la politique étrangère romaine devait également tenir compte de la cohésion du royaume de Dacie, de son organisation centralisée. La «citadelle royale» de Sarmizegethusa était entourée de toute une série de places fortes construites sur le versant ouest des monts de Kudzsir, ce qui permettait de défendre efficacement le siège royal lui-même contre une éventuelle attaque des tribus daces révoltées des régions périphériques. Etendues sur plusieurs hectares, entourées de remparts, de murs épais et souvent flanquées de tours, ces forteresses abritaient non seulement des guerriers, mais aussi des ateliers, magasins, 33trésors, voire des sanctuaires royaux. Les murs de pierres soutenus par des poutres, les cours et les routes dallées, les escaliers en pierre et les égoûts creusés dans d’énormes blocs de pierre témoignent de la capacité de concentration de main-d’œuvre et de l’éclat du pouvoir royal. L’effet de ce «faste monarchique» sur un peuple primitif ne doit pas être sous-estimé; la distance qui séparait, au sein de la société dace, «coiffés» et «chevelus» nécessitait probablement la magnificence du décor qui entourait la personne royale.

Carte r. La Transylvanie à l’époque du royaume de Dacie
1 – forteresse dace, 2 – camp militaire romain, 3 – ville romaine
La religion, dont les lieux de culte situés près des forteresses viennent d’être mis au jour par de récentes fouilles archéologiques roumaines, était également au service de la centralisation monarchique. Les sanctuaires tantôt ronds, bordés de pierres disposées dans un ordre régulier (servant sans doute aussi de calendrier), tantôt rectangulaires, appuyés sur quatre rangées de piliers, célébraient des cultes mêlés de croyances astrologiques. L’origine de ces cultes remonte, selon les écrivains de l’Antiquité, au Thrace Zalmoxis (ou, selon certains, Zamolxis), qui aurait été disciple de Pythagore. Les enseignements du fabuleux Zalmoxis, élevé dans la sphère des divinités, faisaient entre autres l’éloge de la vie ascétique. Cette mythologie d’origine thraco-géze avait vraisemblablement été introduite en Dacie par Decaineus, qui avait été invité à la cour de Burebista par le roi lui-même et était devenu le principal conseiller de celui-ci. Burebista reconnut les avantages d’ordre politique qu’il pouvait tirer de cette religion et en fit un instrument permettant la concentration de tous les 34pouvoirs. L’exercice de culte était un privilège. Aussi les prêtres étaient-ils les gardiens jaloux du secret de leurs dogmes. Le pontife lui-même était en quelque sorte un médiateur entre le roi et le monde supraterrestre. Il est possible que la médication ait elle aussi fait partie des attributions des prêtres: les livres de médecine grecs mentionnent un grand nombre d’herbes médicinales daces avec leurs noms daces, ce qui témoigne du développement des connaissances médicales et botaniques de ce peuple.
Les fouilles effectuées sur l’emplacement des forteresses daces ont permis de mettre au jour, outre les objets usuels de fabrication locale, un certain nombre de produits importés de Rome. Une partie de ceux-ci étaient des produits de luxe qu’on pouvait retrouver partout chez les notabilités barbares des régions situées au-delà des frontières de l’Empire romain. Mais ici, les marchandises importées de Rome comprenaient, en dehors des objets de luxe destinés à l’aristocratie tribale, des instruments et des outils de fer de bonne qualité pouvant contribuer aux progrès de l’artisanat dans les forteresses. Il est même probable que les Daces faisaient appel à des spécialistes romains pour diriger les travaux de fortification. On a retrouvé, notamment sur des pierres de sanctuaires, des signes accompagnés de caractères grecs, dont certains ont sans doute été tracés par les tailleurs de pierre afin de faciliter l’assemblage de ces «éléments préfabriqués», tandis que d’autres signes doivent être mis en rapport avec la fonction de calendrier de ces sanctuaires. Sur un pot gigantesque en forme de cône renversé (peut-être un instrument de culte), on a découvert deux cachets à lettres latines, en tous points identiques à ceux utilisés comme timbres sur les briques romaines; ils portent l’inscription DECEBALVS et PER SCORILO.
L’archéologie roumaine traduit ces deux inscriptions comme «Décébale, fils de Scorilo». Or les deux noms se trouvent sur deux cachets différents apposés sur un même pot, comme si l’un était celui du propriétaire (celui dont émane la commande), l’autre, celui de l’artisan. La référence au roi Décébale serait presque évidente si le mot rex n’était pas absent du texte. De plus, si l’on accepte l’interprétation des archéologues roumains, on doit voir en Décébale le fils de Scorilo; or, un troisième roi régna entre le «père» et le «fils»: Diurpaneus, qui donna une nouvelle orientation à la politique dace, orientation qui devait être suivie tout au long du règne glorieux de Décébale jusqu’à l’effondrement du royaume de Dacie.
Comme nous l’avons vu, le rapport d’«alliance» que l’Empire romain entretenait en tout lieu avec les peuples vivant près de ses frontières était tout à fait acceptable pour Scorilo, sans doute parce que Tibère s’engagea à lui verser, après la construction de la route qui longeait la gorge du Danube, un subside (stipendium) annuel très élevé. Iordanes écrira à un moment bien ultérieur que le roi Diurpaneus fit irruption dans l’Empire quand «sous le règne de Domitien, les Daces, craignant la rapacité de celui-ci, eurent dénoncé, après un long répit, le traité qu’ils avaient conclu avec d’autres Empereurs».* Il est possible que Domitien se soit effectivement proposé de diminuer le subside annuel, extrêmement élevé, mais il apparaît comme peu vraisemblable qu’il ait voulu prendre cette mesure à un moment où l’attaque des Germains du Danube était imminente. Il est beaucoup plus probable que les Daces entreprirent leur offensive, provoquant de lourdes pertes romaines, en tenant compte de la menace germanique simultanée.
JORDANES, Getica, 76.
35Les Daces lancèrent leur offensive dans le courant de l’hiver 85-86 au plus tard, peut-être en franchissant, comme ils l’avaient si souvent fait à des époques précédentes, le fleuve gelé. L’attaque surprise prit les Romains au dépourvu: le proconsul de la Mésie, Oppius Sabinus, y trouva la mort. La gravité de la situation ressort du fait que Domitien accourut immédiatement en Mésie et y passa plusieurs mois à préparer la revanche. Il confia la direction de la contre-offensive à Cornelius Fuscus, commandant de la garde prétorienne, qui traversa le Danube et pénétra assez profondément sur le territoire dace. Ce fut à ce moment critique que Diurpaneus transmit le pouvoir royal à Décébale, qui marque le début de son règne par une retentissante victoire sur les Romains. Fuscus lui-même trouva la mort sur le champ de bataille. Les pertes humaines de Rome furent si lourdes que toute une légion dut être portée disparue. Ce ne fut que le troisième chef de guerre romain, Tettius Iulianus, qui réussit, en 88, à arracher une victoire décisive à Tapae, dans un défilé qui ouvrait la route vers le siège dace de la royauté.
Nos sources très fragmentaires rendent malaisé de reconstruire l’évolution des rapports daco-romains après la paix et l’ «alliance» qui furent bientôt conclues. L’historiographie romaine, hostile à Domitien, voyait dans le traité de paix la victoire de Décébale, puisque celui-ci reçut non seulement un subside très élevé, mais aussi des spécialistes romains dont le savoir-faire pouvait servir des objectifs tant pacifiques que militaires. Cependant, après la victoire de Tettius Iulianus mais avant la conclusion de la paix, une armée romaine put être conduite impunément à travers la Grande Plaine, c’est-à-dire le «royaume de Décébale»*, sur le front germanique: de plus, Décébale avait fait plusieurs tentatives de paix avant la défaite de Tapae, tout en sachant que Domitien poursuivit la guerre dans des conditions extrêmement difficiles (il était, dans le même temps, aux prises avec les Germains).
Á. DOBÓ, Inscriptiones… 502 = n° 774a.
Décébale omit, dans les années suivantes, de profiter des difficultés de Rome, lorsque Domitien dut mener, en Pannonie, une guerre longue et épuisante, pleine de revers, contre les Germains et les Sarmates. Il semblait s’être contenté d’avoir obtenu un stipendium fort élevé et des spécialistes romains. Au lieu de se rendre personnellement à la cérémonie de paix, Décébale se fit représenter par un ambassadeur nommé Diegis (peut-être son frère), dont Domitien orna la tête du diadème symbolisant la dignité des princes «alliés».
Jusqu’à présent, les recherches n’ont pas encore pu déterminer avec précision les différentes périodes de construction des châteaux daces. Or il est fort possible que l’édification des murs de pierre et des tours ait été, au moins en partie, due à l’effort de Décébale qui, pour de tels travaux, employait des spécialistes romains. Le cachet portant le nom de Décébale est peut-être l’œuvre d’un militaire romain, d’autant qu’il est parfaitement identique à ceux utilisés dans les briqueteries militaires romaines. Les tuiles qui couvraient les édifices des forteresses devaient être elles aussi fabriquées par des artisans romains.
Durant les dix ans de l’alliance romaine consécutive au traité de paix, Décébale poussa très loin les frontières de son royaume. Les Romains toléraient les annexions territoriales tant que celles-ci ne sortaient pas du cadre du système d’alliances, c’est-à-dire qu’elles n’allaient pas à l’encontre de traités conclus avec d’autres princes, et qu’elles ne menaçaient pas de bouleverser le 36réseau soigneusement construit des alliances. La description géographique de Ptolémée nous permet de reconstituer avec précision l’expansion du royaume de Décébale, puisque son manuel de géographie, écrit bien des années après la conquête de la Dacie, ne fait pas coïncider les frontières daces avec celles de la province romaine et ignore complètement les légions romaines stationnées en Dacie, alors qu’il les signale dans toutes les autres provinces romaines. De plus, il parle de Sarmizegethusa comme du «siège royal». Or, il devait s’agir là non de la colonie romaine fondée à l’emplacement de Várhely, mais du château royal situé près d’Újvárhely. La Dacie de Décébale était limitée à l’ouest par la Tisza, au nord par les Carpates, à l’est par le Dniestr. Ce vaste territoire, également habité par bon nombre de Celtes, Sarmates et autres peuples différents des Daces, dut être progressivement assujetti par le roi non sans quelques guerres. Ptolémée énumère l’ensemble des peuples assujettis par Décébale, mais omet malheureusement d’indiquer leurs établissements exacts. Ceux du Nord, grâce à d’autres sources, nous sont connus, tels les tribus celtes des Anartes et des Teurisques, quelques tribus du groupe des Boïes établies au Nord de la Transylvanie, ainsi que les Coïstoboces de langue thrace, installés au-delà des Carpates. Les noms des autres peuples ne sont cités nulle part ailleurs. Leurs noms d’ethnie sont très souvent des dérivés de toponymes (Predavenses, Ratakenses, Kaukoenses, Buridavenses, etc.). Comme il s’agit là de peuples occupant des positions centrales sur la carte de Ptolémée, on peut avancer l’hypothèse que Décébale répartit les Daces entre des régions ayant chacune son centre, et mit ainsi un terme brutal à l’organisation tribale traditionnelle. Il est caractéristique que le seul nom de tribu dace connu de longue date, celui des «Appuli», ne figure pas, même sous sa forme Apulenses, dérivée du toponyme Apulum, sur la liste des peuples dressée par Ptolémée.

 

 

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