La principauté de François II Rákóczi

Teljes szövegű keresés

La principauté de François II Rákóczi
«Sine nobis, de nobis»: dans son Manifeste aux peuples du monde entier (publié au début de 1704, mais antidaté du 7 juin 1703, du jour du commencement de la guerre d’indépendance), François II Rákóczi rappelait par ces termes le fait que c’était en l’absence des diplomates hongrois que l’Empire des Habsbourg et la Porte avaient décidé du sort de la Hongrie.
Or, à côté du Royaume, la Principauté de Transylvanie avait, elle aussi, pris part à la reconquête du pays en tant qu’allié politique et militaire à part entière, qui plus d’une fois avait risqué de compromettre son avenir et consentit d’énormes sacrifices matériels et humains. En fait, les conséquences de la 360position impériale, lors de la conclusion de la paix de Karlowitz, étaient ressenties dans toutes les couches de la société, des deux côtés du mont Bihar. Au lieu d’être unis, le Royaume et la Principauté, privés de leurs institutions politiques, furent soumis directement au gouvernement de Vienne et séparément intégrés à l’Empire des Habsbourg. Au mépris des compromis de 1686 et 1687, on les avait privés des attributions étatiques fondamentales, comme l’armée nationale, l’autonomie intérieure, la liberté religieuse, l’usage officiel et la culture de la langue nationale, le maintien des relations traditionnelles avec l’étranger, on avait donc entravé la poursuite des efforts pour rattraper les pays occidentaux alors en plein essor. Vers la fin du XVIIe siècle, tous ceux qui se préoccupaient de l’avenir de la Hongrie, qu’ils vécussent dans le Royaume ou dans la Principauté et quelle que fût leur condition sociale – grands dignitaires, nobles, bourgeois ou d’autres – étaient unanimes à penser que cet état de choses risquait de conduire à l’assimilation complète de la Hongrie. La nation (au sens que les contemporains attribuaient à ce terme) et l’avenir étaient en danger. C’était là une opinion partagée par la plupart des Transylvains, y compris les grands seigneurs, les gentilshommes, les bourgeois, les dirigeants sicules jaloux d’appartenir à la nation hongroise, et même les chefs saxons. Il apparaît de toute une série de documents que les habitants de la Transylvanie, qu’ils fussent Hongrois, Saxons ou Roumains, voyaient les gages de leur avenir dans l’existence d’une principauté autonome.
Vu sa situation géographique, mais aussi en raison de sa diplomatie dynamique en Occident pendant tout le XVIIe siècle, la Transylvanie tendait à devenir un point névralgique sur l’échiquier politique européen et pouvait espérer profiter, au seuil du XVIIIe siècle, d’une modification favorable de la conjoncture.
Le refoulement des Turcs avait profondément bouleversé les rapports de forces sur le continent. Or, le souci de l’équilibre européen n’avait plus été, déjà depuis un moment, l’affaire des seules dynasties des Bourbon et des Habsbourg: tous les Etats veillaient scrupuleusement à son maintien. Quand, à la fin de 1700, s’éteignit enfin le roi d’Espagne, au terme d’une longue maladie, la question de savoir si c’était le Roi-Soleil ou l’Empereur Léopold qui devait obtenir le riche héritage espagnol apparaissait d’une importance vitale pour l’Angleterre et les Provinces Unies. Dans le même temps, la Suède, ambitionnant depuis très longtemps le contrôle du commerce de la mer du Nord, venait de trouver en la Russie une redoutable concurrente. Depuis la visite à Vienne du tsar Pierre Ier, il était évident que la Russie allait jouer un rôle non négligeable dans la politique européenne. Quant à la Transylvanie, des liens traditionnels l’unissaient aux pays belligérants de la guerre de Succession d’Espagne: tant à la France qu’à ses adversaires, l’Angleterre et les Provinces Unies, alliées des Habsbourg; des traités de longue date la rattachaient également à la Suède confrontée à la Russie dans la guerre du Nord. La Principauté faisait aussi partie de la communauté des pays protestants. Ainsi, elle était liée, par un réseau très complexe de solidarités religieuses, de fondations d’écoles, d’attributions de bourses et de liens personnels aux milieux protestants des pays des deux camps antagonistes, en premier lieu aux principautés allemandes.
La guerre d’indépendance conduite par François II Rákóczi offrit à la Transylvanie la possibilité de modifier son statu quo. Quand éclatèrent la guerre de Succession d’Espagne et la guerre du Nord, on savait dans les pays de l’Europe orientale que les rapports de force ne s’étaient pas encore définitivement modifiés au profit de la monarchie danubienne que les Habsbourg 361s’efforçaient d’organiser en un Empire uni. En Haute-Hongrie, un groupe d’aristocrates, de capitaines de places fortes et de serfs mi-bourgeois, mi commerçants reconnurent, dès la première année du nouveau siècle, que dans les luttes pour la restructuration de l’équilibre européen, la Hongrie avait une chance de prendre position. Les chefs du soulèvement qui éclata au printemps de 1703 dans la Haute-Hongrie avec des objectifs patriotiques et sociaux, se proposèrent de rétablir l’indépendance du pays et de moderniser ses conditions sociales et ses institutions politiques.
François II Rákóczi, descendant des familles princières des Rákóczi et des Báthori, était, en 1703, à peine âgé de 27 ans. Sa vie avait été marquée par tous les avatars historiques qu’avaient subis le Royaume et la Principauté au cours du quart de siècle précédent. Son père, François Ier Rákóczi, Prince élu de Transylvanie avait, à l’époque de la conspiration de Wesselényi, épousé, avec des motivations politiques, Ilona Zrínyi, la fille de Péter Zrínyi, ban de Croatie. Après l’arrestation des conjurés, François Ier Rákóczi dut payer un tribut énorme pour sauver sa tête. Il mourait en 1676, quelques mois après la naissance de son fils. Dès sa plus tendre jeunesse, François II fut élevé pour régner. Conformément aux traditions de sa famille et d’Etienne Báthori en particulier, sa grand-mère, Zsófia Báthori, visait pour lui la couronne de Pologne, tandis qu’Ilona Zrínyi voyait en son fils l’héritier de la Principauté de Transylvanie. Sur ses immenses domaines s’étendant sur des régions entières et dans toute la Haute-Hongrie, nobles et paysans l’honoraient du titre de «Prince» ou de «jeune Prince»: sa personne entrait très tôt dans les comptes de Vienne. A neuf ans, il prit part, aux côtés de son père adoptif Imre Thököly, à la campagne de Haute-Hongrie. Pendant les opérations, il vivait dans le château de Munkács assiégé par les Impériaux, et son nom fut connu pour cela dans toute l’Europe. Durant les trois années de siège, Ilona Zrínyi fit des démarches diplomatiques pour permettre à son fils d’être élevé à la cour de Pologne ou en France sous des garanties internationales. Après la reddition du château, il fut séparé de sa famille: pupille de l’Empereur Léopold, il fut élevé parmi les fils des aristocrates autrichiens, au collège des Jésuites de Neuhaus, en Bohême, puis fit des études à l’Université de Prague, où il s’intéressait surtout à l’architecture et aux sciences. Ensuite, dans le palais viennois de son beau-frère, le comte d’Aspremont, représentant du groupe francophile de l’aristocratie militaire autrichienne, il fit la connaissance des rapports internationaux d’Europe. Descendant des Princes de Transylvanie, destiné à un rôle éminent en Hongrie, il obtint la main de la princesse Charlotte Amélie de Hessen-Rheinfels, puis, grâce à ce mariage et à l’appui des parents européens des Hessen-Rheinfels, le titre du prince du Saint Empire romain. Lecteur assidu des écrivains politiques contemporains, il étudiait plus particulièrement les méthodes de gouvernement modernes.
L’année 1694 vit son retour en Hongrie où il participa à la vie politique en tant que comes perpétuel du comitat de Sáros. En 1697, un soulèvement éclata en Hegyalja, fameuse région viticole et centre du commerce du vin. Organisés et armés par des anciens lieutenants de Thököly, les viniculteurs, serfs et habitants de bourgades insurgés demandèrent à Rákóczi de se mettre à leur tête dans la lutte qu’ils lançaient pour l’indépendance du pays et contre le régime Habsbourg s’octroyant le monopole du commerce et recourant à la coercition militaire. Mais cette fois-ci, Rákóczi déclina leur offre. Il estimait que cette entreprise, isolée tant géographiquement que socialement et basée essentiellement sur l’aide espérée des Turcs, n’avait guère de chance de réussir. Toutefois, il deviendra, dès 1698, chef d’un mouvement qui, organisé 362par le comes du comitat d’Ung, Miklós Bercsényi, ainsi que par d’autres magnats et la petite noblesse de la Haute-Hongrie, couvrait l’ensemble du pays, y compris la Transylvanie. Les conjurés entrèrent également en contact avec Louis XIV. Cependant, la conspiration fut découverte par Vienne au printemps 1701. Arrêté et emprisonné, Rákóczi sauva sa vie, grâce à un complot international, en s’évadant de la cellule où son grand-père, Péter Zrínyi avait été incarcéré avant son exécution. Réfugié en Pologne, Rákóczi prépara, avec Bercsényi, les conditions diplomatiques, matérielles et militaires d’une guerre d’indépendance.
En 1700 et 1701, quand Rákóczi était déjà, avec Bercsényi et un groupe de nobles de la Haute-Hongrie, en train d’organiser son mouvement dans le pays, il envoyait ses agents aussi en Transylvanie pour traiter avec le gouverneur et Miklós Bethlen. Les premiers projets des conspirateurs relatifs à la Transylvanie ne nous sont connus que par leurs lettres envoyées aux souverains de France et de Pologne. D’après celles-ci, après avoir réuni ses troupes dispersées sur le territoire turc, Thököly devait rentrer en Transylvanie pour occuper le trône princier. Il fallut cependant, au printemps 1703, se rendre à l’évidence: pour ne pas violer le traité conclu avec les Habsbourg, la Porte refusait de libérer Thököly. Dans le même temps, ses anciens lieutenants s’avéraient incapables d’organiser les insurgés en unités de combat.
Dès 1701-1702, la pression fiscale de Vienne fit naître dans les villes et les régions minières transylvaines des mouvements de protestation; les habitants de la Terre sicule, des villages contrôlés par les châteaux ainsi que les mineurs inquiétaient, par leur révoltes sporadiques, la cour de Vienne. En dehors des 8 000 soldats impériaux stationnés dans la Principauté, les garnisons allemandes de la Transylvanie de l’Ouest et les troupes auxiliaires serbes installées autour de Várad pour surveiller le Partium étaient prêtes à intervenir à tout moment. Bussy de Rabutin fit décapiter le principal «juge du roi» Johann Harteneck qui réclamait des droits pour les Saxons, puis fit emprisonner Gábor Nagyszegi, chef du mouvement anti-uniate roumain (1702). Il fit mettre aux fers bourgeois, artisans et Sicules; il convoqua, à Szeben, des aristocrates, gentilshommes et officiers et les fit garder derrière les murailles de la ville. Seul le capitaine de Kővár, le jeune Mihály Teleki, échappa à Bussy de Rabutin en s’enfermant dans son château.
Dès l’automne 1703, après avoir occupé la Haute-Hongrie, Rákóczi s’adressa aux Ordres de Transylvanie par des manifestes séparés destinés aux comitats, aux Sicules et aux Saxons. De plus, il fut le premier homme politique hongrois à lancer un manifeste à la «nation roumaine». Mais il dut attendre le printemps de 1704 pour disposer d’une force armée capable d’occuper la Transylvanie. Cependant, le rêve de Louis XIV d’encercler Vienne par des troupes françaises et hongroises venait de s’évanouir et la victoire remportée par les alliés sous la conduite du duc de Marlborough (par l’armée anglaise et l’armée impériale commandée par le prince Eugène) à Höchstädt
Blenheim (le 13 août 1704) donnait l’avantage décisif aux Impériaux. La guerre s’annonçant longue, la diplomatie était devenue un élément central de la politique: Rákóczi ne put pas se passer des relations avec les pays de l’Europe. En fait, l’importance de la Principauté de Transylvanie avait été attestée à maintes reprises au cours du siècle précédent par des traités internationaux qui incluaient dans leurs stipulations les intérêts spéciaux de la Transylvanie, et de ce fait, reconnaissaient sa souveraineté. En tant que Prince de Transylvanie, Rákóczi incarnait donc cette souveraineté et son pouvoir légitime, ce qui permettait à ses ambassadeurs d’apparaître dans les cours 363des pays protestants: la Suède, l’Angleterre, la Hollande, les principautés allemandes.
D’autre part, Rákóczi fut sollicité d’entrer en Transylvanie tant par les magnats s’étant échappés de Szeben sous prétexte d’une opération militaire impériale à accomplir ou simplement en s’enfuyant, que par les délégués que lui avaient envoyés les sièges Sicules, les insurgés rassemblés près de Brassó, sur le champ du Barcaság, et les bourgeois des villes. Sur le plan de son organisation militaire et économique, le mouvement d’indépendance transylvain prit un certain retard par rapport à celui du Royaume, et ce retard lui coûta cher. Le Roumain Pintes Grigore, chef des insurgés de Máramaros et de la région de Kővár tomba; les troupes du capitaine des Sicules, Mihály Henter et celles de István Guthi et de Pál Kaszás, anciens capitaines de Thököly, subirent de lourdes défaites. L’armée impériale se livra à des représailles: le 13 mars 1704, elle incendia la ville de Nagyenyed et son fameux collège calviniste, et passa au fil de l’épée ceux qui s’y étaient réfugiés. Femmes et enfants, professeurs et élèves trouvèrent la mort ou furent blessés sous les ruines noircis de ses murs.
Dans un libelle intitulé Columba Noe imprimé sous le pseudonyme de Fridericus Gotefridus Veronensis à Amsterdam, le chancelier Miklós Bethlen qui restait à Szeben, s’adressa à l’Europe afin de faire revenir la paix dans son pays. Il proposa que l’indépendance de la Transylvanie fût rétablie avec des garanties internationales, sous l’autorité d’un prince protestant, car selon lui – Rákóczi et son entourage partageaient cet avis – la Principauté était un facteur non négligeable du point de vue de l’équilibre européen. Entre-temps, en fin de printemps 1704, Rákóczi envoya des renforts en Transylvanie, ce qui permit aux insurgés de s’emparer de la majeure partie du pays. Le nouveau commandant suprême, le comte Simon Forgách refoulait les troupes de Bussy de Rabutin dans les villes de Szeben et de Brassó. János Radvánszky, conseiller de l’organe gouvernemental du nouvel Etat dans le Royaume, dit Consilium Aulicum, se mit à réorganiser l’administration et l’économie dans la Transylvanie passée sous l’autorité de Rákóczi.
Le 8 juillet 1704, les Ordres de Transylvanie, réunis en diète à Gyulafehérvár, élirent Rákóczi Prince.
Ce fut à la Diète hongroise de Szécsény (1705) que Rákóczi et ses collaborateurs définirent les rapports du Royaume et de la Principauté – acte impossible à différer car l’on apprit pendant cette Diète que le Prince Eméric Thököly était décédé en Asie Mineure. L’assemblée décida alors que les «deux patries», le Royaume et la Principauté de Transylvanie, seraient désormais liées dans les cadres d’une confédération. Dès l’automne, Rákóczi voulut se rendre en Transylvanie, mais son armée subit une défaite le 11 novembre 1705 dans le défilé de Zsibó. Ainsi ce ne fut qu’au printemps de 1706, à la Diète de Husit que les Ordres de Transylvanie purent confirmer la confédération des deux pays. Les Sicules y furent représentés par Benedek Henter, les comitats par Zsigmond Balogh, les villes par Péter Gálffi, le Partium par György Dolhay, les Saxons par Andreas Soppel, les Roumains par Gábor Nagyszegi. Au nom du parti aristocratique, Simon Kemény, Mihály Teleki, Mihály Mikes, Ábrahám Barcsai, János Sándor et d’autres votèrent la confédération.
A la mort de l’Empereur Léopold Ier, au printemps 1705, le trône fut occupé par son fils Joseph Ier, en vertu du droit de succession. La Principauté transylvaine de François II Rákóczi lésait les intérêts tant politiques que dynastiques des Habsbourg. Aussi le gouvernement de Vienne ne cessait-il d’engager des effectifs importants pour la défense de la Transylvanie et de 364mettre en jeu tout son poids diplomatique pour se défaire de Rákóczi en tant que Prince. Mais la population protestante de l’Angleterre et de la Hollande exprima de plus en plus sa sympathie pour ses coreligionnaires de Transylvanie; dans le royaume insulaire on fit des collectes afin de faire reconstruire le collège de Nagyenyed incendié. Quant à leurs gouvernements qui, voulant accéder aux produits des mines de cuivre et de mercure de la Haute-Hongrie et de la Transylvanie, comme garantie des prêts consentis, ils proposèrent d’agir en médiateurs entre Rákóczi et le roi Joseph. L’ambassadeur d’Angleterre, George Stepney et son homologue hollandais, Jacob-Jan Hamel-Bruynincx reconnurent à la Principauté de Transylvanie le droit d’avoir sa souveraineté, son économie indépendante et sa liberté de confession. Mais la Cour impériale repoussa obstinément le projet de conclure une paix dans ce sens avec des garanties internationales.
La situation militaire était telle que Rákóczi ne put entrer en Translyvanie qu’au printemps 1707. «Rien ne manque à la Transylvanie qu’un bon prince, père de son peuple», dit François II Rákóczi lorsqu’il fut investi de la dignité princière, à la Diète de Marosvásárhely, après avoir fait le tour du pays de ses ancêtres. Cette Diète vota toute une série de réformes visant la création d’une armée permanente, l’immunité des soldats serfs par rapport au régime seigneurial, le renforcement de l’économie d’Etat, le développement de la production minière, la confirmation des libertés religieuses et la réglementation des charges relatives à l’entretien de l’armée. Tous les efforts du commissariat chargé du ravitaillement de l’armée, du Consilium (organe central du gouvernement) et de Jakab Grabarics, excellent spécialiste, trésorier des mines des Monts métalliques, s’avérèrent néanmoins peu efficaces en raison du peu de temps dont ils disposaient. Les chefs militaires – le comte Lőrinc Pekry, puis le baron Sándor Károlyi – durent s’incliner devant la supériorité numérique des Impériaux qui finirent par occuper la Principauté. Conduite par Mihály Mikes, l’armée transylvaine se replia sur la Moldavie et bon nombre de soldats et de familles de Transylvanie se réfugièrent dans les comitats voisins de la Haute-Hongrie.
A la charnière de 1708 et 1709 il était devenu clair que les pays européens belligérants s’épuisaient et se préparaient à la paix. Considérant que seule une paix qui fût basée sur une conciliation des intérêts pourrait garantir le calme et l’équilibre des forces dans une Europe future, l’on poursuivait des négociations pendant des années. Rákóczi et ses diplomates, qui étaient parfaitement conscients de l’importance de ces négociations pour l’avenir, firent tout leur possible pour obtenir la réalisation des promesses que la France avait faites afin d’encourager et de déclencher la guerre d’indépendance. Quant aux délégués de l’Angleterre et des Provinces Unies, ils reconnurent en 1706 comme une revendication légitime que le rapport entre la Maison de Habsbourg et le Royaume de Hongrie soit réglé avec une médiation internationale et que la Principauté de Transylvanie soit inclue dans le traité de «paix universelle» mettant un terme aux guerres d’Europe. Rákóczi envoya ses ambassadeurs aux conférences préliminaires de La Haye (1709) et de Geertruidenberg (1710), mais ils ne pouvaient mener que des pourparlers semiofficiels avec les représentants des deux puissances maritimes, l’Angleterre et les Provinces Unies; ils réussirent cependant à faire parvenir leurs revendications devant le parlement britannique; leur mission ne fut donc pas sans porter des fruits. Rákóczi se déclara prêt à renoncer à son titre de Prince de Transylvanie, mais tenait fermement à l’indépendance du pays et à la garantie de sa souveraineté. Le duc de Marlborough et Anton Heinsius, chef du 365gouvernement hollandais, jugèrent l’attitude de Rákóczi fort honorable. En Angleterre, un album vit le jour à cette époque, dans lequel les nations de la Transylvanie étaient présentées à travers cent-cinquante peintures sur fin papier de Norfolk et avec des légendes en anglais. L’attention du peintre – son nom est encore inconnu – de ces aquarelles d’un haut niveau artistique fut retenue non seulement par la Transylvanie protestante: il offrait un tableau détaillé aussi de la composition ethnique et confessionnelle de toute la population. L’intérêt sans précédent porté à la Transylvanie par l’opinion anglaise s’explique sans doute par la conception politique fondamentale que l’Angleterre avait adoptée à cette époque. Formulée notamment par Defoe, la devise politique disant que «le bon équilibre des puissances fait vivre la paix» (A just Balance of Power is the Life of Peace) s’accordait parfaitement avec la conviction constamment proclamée de l’Etat de Rákóczi: une Transylvanie indépendante pourrait contribuer à l’équilibre des forces et servir de bastion de la paix en Europe. La même idée fut exprimée dans la brochure que l’abbé Dominique Brenner, diplomate de Rákóczi, publia en latin et en français pour informer l’Europe, et qui se réclamait des idées de Grotius et du droit naturel. Cet écrit, qui rendit aussi compte des accords conclus antérieurement entre le gouvernement des Habsbourg et la principauté de Translyvanie et énuméra les documents de l’indépendance de cette dernière, parut en août 1710, au moment même où Rákóczi annonça dans un manifeste qu’avec la médiation de plusieurs pays, on entamait les négociations de paix. Dans une lettre séparée, Rákóczi sollicita l’aide de la reine Anne afin qu’un accord éventuel entre la Maison de Habsbourg et la Hongrie soit entouré de garanties internationales. Aussi la reine délégua-t-elle, auprès de son ambassadeur à Vienne, un envoyé spécial, Charles Mordaunt, Earl of Peterborough, qui avait pour tâche principale de servir d’intermédiaire entre Rákóczi et l’Empereur Joseph Ier dans les négociations en vue de terminer la guerre de Succession d’Espagne par un traité de paix. Cependant, le prince Eugène de Savoie, soucieux des intérêts de l’Empire et de la dynastie, se servit de tous les moyens pour terminer la guerre en Hongrie non pas par un traité entre Etats, mais par un accord entre le souverain et ses sujets. Il tenait en particulier à la Transylvanie et s’efforça de détacher la Principauté du camp de Rákóczi grâce à la double arme de la violence et des actes de clémence fort étendus. A ceux qui avaient pris la fuite on confisqua leurs propriétés, biens et maisons, on détruisit leur foyer, on tracassa et rançonna durement leurs familles qui restaient sur place, et même leurs parents lointains. D’autre part, l’Empereur Joseph promit à tous ceux qui retourneraient en Transylvanie un pardon total et la restitution sans faille de leurs biens à condition de jurer fidélité à la Maison de Habsbourg.
Parallèlement aux négociations qui furent entamées entre les deux généraux chargés de préparer le cessez-le-feu, puis le traité de paix, le comte János Pálffy, commandant en chef de l’Empereur en Hongrie, et le baron Sándor Károlyi, commandant en chef de Rákóczi, les membres hongrois et saxons du Conseil de Transylvanie prêtèrent de nouveau serment de fidélité à Rákóczi et affirmèrent qu’ils ne considéraient que les intérêts du peuple de la «douce Patrie» (décembre 1710). Voulant se ménager une liberté de mouvement dans ses relations internationales, Rákóczi se retira en Pologne avec ses principaux dirigeants, d’où il réussit à trouver le contact indirect avec Peterborough menant des pourparlers avec Eugène de Savoie à Vienne. Mais il ne parvint cependant pas à empêcher l’accord vivement sollicité par la Cour impériale. Au début de printemps 1711, Károlyi conclut un accord séparé avec Pálffy, céda la place forte d’Ecsed aux Impériaux et fit parvenir à Mihály Mikes, en 366Moldavie, le message du commandant en chef impérial. Tout cela provoqua la panique parmi les Transylvains. Vienne ayant renouvelé la paix avec les Ottomans alors même que la Porte déclarait la guerre à la Russie, les hommes politiques transylvains effrayés par l’idée d’une intervention turque envoyèrent quelques membres du Conseil princier à la réunion de Szatmár où on négociait déjà la paix à l’insu et sans l’autorisation de Rákóczi.
Afin de se concilier la bienveillance des médiateurs anglais et hollandais et pour pouvoir terminer la guerre de Hongrie avant l’annonce de la mort de l’Empereur Joseph Ier, survenue subitement le 17 avril 1711, Eugène de Savoie reprit plusieurs stipulations de Rákóczi avancées en faveur des Transylvains; il promit non seulement la restitution des biens de la noblesse transylvaine, mais fit aussi entrevoir une solution du problème confessionnel dans un esprit de tolérance.
Parmi les signataires du document de traité de paix conclu le 29 avril 1711, Mihály Barcsai et Mihály Teleki fils représentaient le Conseil princier de Transylvanie, István Hunyady et János Szász, bourgmestres respectivement de Nagybánya et de Felsőbánya, le signèrent au nom des villes. Leurs noms, tout comme ceux des colonels des armées transylvaines et de l’armée de Hongrie figuraient à titre privé sous le texte scellant le compromis, sans garantie aucune, entre la dynastie et les Ordres. Presque tous les Transylvains qui étaient partis pour la Moldavie, la Pologne ou dans le Royaume, retournèrent dans leur pays; en été 1711, Mihály Mikes aussi fit acte de fidélité devant le commandant impérial de Brassó. Peu de Transylvains rejoignirent dans son émigration le Prince ayant perdu son pays.
Une fois parvenu en France, Rákóczi fit encore des démarches pour obtenir que la Transylvanie soit inclue dans la paix européenne. Au moment des négociations de paix d’Utrecht, Rákóczi, attachant quelques espoirs aux promesses françaises, adressa un manifeste aux peuples d’Europe, dans lequel il affirma que «selon le droit humain les peuples opprimés doivent, en cas ultime, être secourus» par les puissances d’Europe, et il cita quantité d’exemples pour prouver que nombreux furent les petits pays qui avaient recouvré par des traités de paix leur indépendance «que certaines grandes puissances avaient arrachée sous différents prétextes – parfois par la simple conquête. Le cas de la Transylvanie, grosso modo, en relève, car elle doit posséder ces mêmes droits».*
Déduction des droits de la Principauté de Transylvanie (1713, Utrecht), in: A Rákóczi szabadságharc és Európa (La guerre d’indépendance de Rákóczi et l’Europe). Publ. par BÉLA KÖPECZI, Budapest, 1970, 385.

 

 

Arcanum Újságok
Arcanum Újságok

Kíváncsi, mit írtak az újságok erről a temáról az elmúlt 250 évben?

Megnézem

Arcanum logo

Az Arcanum Adatbázis Kiadó Magyarország vezető tartalomszolgáltatója, 1989. január elsején kezdte meg működését. A cég kulturális tartalmak nagy tömegű digitalizálásával, adatbázisokba rendezésével és publikálásával foglalkozik.

Rólunk Kapcsolat Sajtószoba

Languages







Arcanum Újságok

Arcanum Újságok
Kíváncsi, mit írtak az újságok erről a temáról az elmúlt 250 évben?

Megnézem