Les lettres et les arts

Teljes szövegű keresés

Les lettres et les arts
Dans le long demi-siècle qui va de 1849 à la Première Guerre mondiale, le courant principal de la vie littéraire et artistique mène de la recherche des thèmes idéalisés véhiculant les aspirations nationales à l’affirmation graduelle des tendances dites modernes. Grâce aux progrès de la scolarisation, la littérature et les arts plastiques concernent aussi désormais, au-delà d’une mince couche de nobles et d’intellectuels, une bourgeoisie de plus en plus nombreuse et même les paysans cultivés, tout en présentant un clivage croissant entre le grand art et le divertissement de pacotille. Au lieu d’analyser ici les rapports complexes entre l’accueil fait à la culture par les diverses couches et le monde multiforme des lettres et des arts, contentons-nous d’un tableau de synthèse sur la vie littéraire et artistique.
Dans les premières décennies de l’époque étudiée, les belles-lettres roumaines sont rattachées à telle ou telle région restreinte ou encore à Pest-Buda, un des centres intellectuels de Roumains. Les prémices d’écrivains et de poètes voient le jour, outre les gazettes culturelles éphémères et des anthologies, publiées à partir de 1854 tant dans le Banat et le Bihar qu’à Pest, aussi dans la revue culturelle de Bariţ paraissant à Brassó: Foaie pentru mince, inimă şi literatură et plus encore dans Familia, fondée par Iosif Vulcan en 1865 à Pest et paraissant à partir de 1880 à Nagyvárad. Vulcan est le continuateur par excellence du programme culturel du réveil national: organisateur de la vie littéraire, rédacteur de journal, folkloriste, poète, nouvelliste et dramaturge à ses heures, auteur même d’un roman, il maintient d’excellents rapports avec la vie intellectuelle de Pest, est membre de la Société Kisfaludy, puis de l’Académie de Bucarest également. Il a le grand mérite de publier régulièrement des ceuvres traduites du hongrois et d’offrir les colonnes de sa gazette aux premières poésies de Mihail Eminescu, le plus grand poète classique roumain, mais non transylvain. Outre les journaux, des almanachs et des calendriers adressés au large public proposent des lectures de bon niveau à ceux qui savent lire.
Jusqu’à l’entrée en scène de la génération de fin du siècle, l’histoire de la littérature ne fait état en Transylvanie d’aucun auteur roumain de grande importance. La poésie d’Andrei Mureşanu avait atteint son apogée avant 1849 pour s’intégrer dans le tout de la littérature roumaine. Dans les vers de ses épigones transylvains, le passé historique reste longtemps le leitmotiv. Les écrivains, les gens de lettres et les journaux roumains de l’époque considèrent la découverte et la publication de la poésie populaire, et du folklore en général, comme une mission nationale. Le premier recueil de chansons populaires est publié en 1859 par Atanasie Marienescu.
La polémique hungaro-roumaine à propos de la poésie populaire est bien caractéristique de l’époque. Edité en 1863 par le poète et évêque unitarien János Kriza, le recueil de poésie populaire sicule Vadrózsák (Églantines) est 560pris à partie dans un journal de Budapest par Iulian Grozescu, par ailleurs excellent folkloriste, qui prétend que les ballades Kelemen Kőmüves et Anna Molnár sont de simples traductions de ballades populaires roumaines. La longue polémique, entrée dans l’histoire des lettres sous le nom de «Procès des Eglantines», éclaircit qu’il s’agit là de parallélismes remontant à des rapports interculturels très anciens et attire en même temps l’intérêt des Hongrois sur la poésie populaire roumaine. Une anthologie en langue hongroise en paraîtra en 1870 sous les auspices justement de Grozescu et de Vulcan dont nous venons de citer les noms. Les recherches sur le folklore doivent beaucoup au nouvelliste Ion Pop Reteganul, traducteur inspiré de maints ouvrages littéraires magyars qui a collecté plusieurs milliers de chansons et de légendes populaires, ainsi qu’aux professeurs Grigore Silaşi et Grigore Moldovan de Kolozsvár.
A la fin du XIXe siècle, le développement de la communauté roumaine de Transylvanie et de Hongrie et les progrès de l’intégration nationale portent leurs fruits, notamment littéraires. Fondateur du Tribuna de Nagyszeben, Ioan Slavici puise les thèmes de ses nouvelles et romans réalistes dans le monde rural roumain de Transylvanie, mais son activité d’homme de lettres le lie essentiellement à Bucarest. Collaborateur d’abord du Tribuna, le poète George Coşbuc, de Naszód, deviendra, de l’autre côté des Carpates, un rénovateur de la poésie roumaine, tout comme Ştefan Octaviais Iosif, de Brassó.
Au début du XXe siècle, la capitale hongroise s’impose à nouveau comme foyer de la vie politique et spirituelle roumaine. La carrière du poète Octaviais Goga, originaire de la région de Nagyszeben, avait débuté à Budapest où il sera la personnalité marquante du journal littéraire Luceafărul fondé en 1902. C’est là que paraissent ses premiers recueils. Le cénacle de cette nouvelle revue se fait le propagateur d’un nouveau populisme d’inspiration nettement nationale et politique. C’est parmi eux que commence la carrière du remarquable nouvelliste Ioan Agîrbiceanu. Goga sera marqué pour la vie par la poésie hongroise et surtout par son amitié avec le plus grand poète hongrois de l’époque, Endre Ady, amitié qui sera brutalement rompue en 1914. Mais à cette époque, Luceafărul paraît déjà depuis longtemps (depuis 1906) à Nagyszeben. Goga s’y installe lui aussi pour mettre son talent exceptionnel au service du mouvement national roumain et rester, jusqu’à la fin de ses jours, un homme politique actif.
C’est dans un milieu nettement hongrois que s’épanouit l’œuvre du nouvelliste Liviu Rebreanu de Naszód qui, à ses débuts, s’était même essayé à écrire en hongrois, puis, abandonnant la carrière militaire, s’établit en 1908 en Roumanie et atteindra une rare perfection de romancier après la guerre mondiale. Bien différent est le chemin du poète et écrivain Emil Isac, fort attiré par les progressistes magyars du début du siècle, en particulier par la social-démocratie, et dont la poésie fait place au prolétariat; il restera solidaire de ses amis hongrois malgré la flambée nationaliste de la guerre mondiale. Le fait qu’il a pris la dernière photo valable du poète Endre Ady mourant, au moment de la débâcle de la Hongrie historique, a probablement valeur de symbole.
C’est également pour servir la cause nationale que les écrivains et poètes saxons se mirent à collecter la poésie populaire ou à exprimer, dans des poèmes, des nouvelles et des pièces de théâtre à thèmes historiques, leurs idées sur le réveil national. Poète réputé à l’époque, Viktor Kästner écrit ses vers en dialecte saxon et fait école. En revanche, Friedrich Wilhelm Schuster considère 561les Saxons comme partie organique de la grande culture allemande et cette conviction marque sa poésie. Michael Albert excella par ses poèmes didactiques plutôt traditionnels. Cependant la poésie politique tarit, chez les Saxons comme chez les autres, dans le dernier tiers du siècle. Les premières décennies de l’époque étudiée sont caractérisées par la nouvelle, le roman et le théâtre historique comme Die Bürger von Kronstadt de Traugott Teutsch (1865) qui évoque le XVIIe siècle, ou bien plus tard, son chef-d’œuvre, Schwarzburg (1882) qui présente les luttes intestines de la Transylvanie du XIVe siècle. Le message de la littérature saxonne demeure, après le Compromis, la lutte d’auto-défense héritée de l’époque précédente. Une expression en est, Johannes Honterus (1898) considéré comme la meilleure pièce de théâtre de Traugott Teutsch. Le récit historique dominera l’avant-scène (au sens figuré comme au sens concret) pendant toute cette époque. Les auteurs renouent sans cesse avec le thème de l’arrivée des Saxons dans le pays et avec leur histoire précoce ce qui montre combien l’intelligentsia tout entière est comme hantée par les problèmes vitaux de cette ethnie peu nombreuse.
Dans des mutations du tournant du siècle, sous l’effet des nouveaux courants artistiques, on voit s’épanouir une littérature plus moderne tournée vers le temps présent, dont les morceaux les plus connus sont les romans d’Oskar Wittstock et de cet Adolf Meschendörfer qui lance en 1907 la revue littéraire et artistique Die Karpathen; mais on observe aussi une production de vers et de prose consacrés à la vie rurale. Bien des ouvrages sont conçus dans le dialecte local. L’avancée de la langue dialectale contribue à l’intégration nationale et ne contraste nullement avec l’ancrage à la culture pan-allemande.
La vie littéraire hongroise se concentre, dès avant 1848, incontestablement à Pest. Le romancier baron Miklós Jósika qui ne rentrera plus d’émigration après la chute de la guerre d’indépendance, restera attaché, dans ses romans et nouvelles, au passé transylvain. De même, Zsigmond Kemény vivra essentiellement à Pest, mais ses romans psychologiques développent des thèmes transylvains. De poète transylvain, Pál Gyulai, de la génération de 1848, devient, toujours à Pest, un prestigieux critique littéraire et un chef de file de la vie intellectuelle. Pendant longtemps Dániel Dózsa restera le seul écrivain et poète incontestablement transylvain; il puise d’ailleurs ses thèmes surtout dans le passé des Sicules.
Cependant, même après le Compromis, les tentatives se multiplient en vue d’organiser la vie littéraire et artistique régionale. L’écrivain-pasteur réformé Lajos Tolnai fonde en 1876 à Marosvásárhely la Société Zsigmond Kemény dont l’activité prometteuse a pourtant de la peine à démarrer et cessera presque complètement en 1884 dans un climat d’indifférence. Elu à sa présidence en 1896, le nouvelliste István Petelei, partisan zélé de la décentralisation, lui donnera un second souffle et l’on trouvera, avant la guerre, dans ses rangs Farkas Gyalui, Sándor Márki, Károly Szász et László Ravasz. En 1888 est fondée à Kolozsvár la Société Littéraire de Transylvanie, présidée longtemps par l’éminent orientaliste, le comte Géza Kun. Le noyau en est constitué par les hommes politiques József Sándor et Miklós Bartha, les hommes de science Kővári et Brassai et les écrivains Petelei et Elek Benedek. Sa revue littéraire Erdélyi Lapok (Gazette transylvaine) aura en 1912 pour rédacteur en chef le baron Miklós Bánffy.
Avant la Première guerre mondiale, la Transylvanie consomme près du tiers de la production de livres hongrois, sans parvenir à créer une culture régionale autonome.
562Dans l’état actuel de la recherche, l’historiographie n’a pas grand’chose à dire des arts plastiques. Les maîtres de grande notoriété: Miklós Barabás et Károly Szathmáry Pap quittent tôt la Transylvanie. Le jeune Bertalan Székely peint probablement, dès 1850 le portrait du gouverneur Schwarzenberg à Nagyszeben, mais c’est la Hongrie proprement dite qui l’élèvera au rang de maître de la peinture historique. Resté dans son pays natal, le Sicule Jenő Gyárfás (1857-1925) n’en a pas moins accédé à une réputation nationale; ses tableaux les moins connus à l’époque sont les plus réussis. (Ferenc Veress dont nous avons utilisé les photos dans le présent ouvrage, a joué un rôle d’importance internationale dans la création et les innovations techniques d’une nouvelle branche artistique, la photographie.) D’une manière générale, les travaux des artistes hongrois locaux sont pour le moment si peu connus que le plus que l’on puisse affirmer en toute certitude est qu’il n’y avait pas de régionalisme marquant dans toute l’époque étudiée.
Sur «la frontière de la Transylvanie» de l’époque, mais encore en deça, à Nagybánya, Simon Hollósy crée en 1896 sa célèbre école de peintres, en rupture avec l’académisme de type munichois; c’est un atelier de grand prestige de la peinture impressionniste hongroise qui éveille un vif intérêt même à l’étranger. Les pionniers connus de la peinture hongroise moderne Károly Ferenczy, István Réti, Béla Iványi Grünwald s’y étaient épanouis avant de remporter de grands succès aux expositions de Budapest.
Les beaux-arts saxons sont marqués après 1849 pour un certain temps par la prédominance d’Allemands non originaires de Transylvanie, comme Theodor Glatz, et Theodor B. Sockl. Puis, à partir de la décennie 80 une nouvelle génération sort des lycées. Elle fait parler d’elle après la première Exposition d’Art de Nagyszeben, de 1887. Certains de ses membres vont faire des études à Budapest, à Munich ou en Italie. Les plus connus sont Robert Wellmann (1866-1910), Karl Ziegler (1886-1945) et Fritz Schullerus (1866-1898); ce dernier peint de vastes tableaux historiques évoquant le passé saxon, dans la lignée académique. Arthur Coulin (1869-1912) est le fer de lance, en Terre saxonne, de l’art moderne qui façonnera le profil artistique de la revue Die Karpathen paraissant à partir de 1907. L’arrivée de la guerre sonnera le glas à la peinture réaliste en milieu saxon.
Un artiste original est János Máttis Teutsch (1884-1960), jadis à la tête de la peinture moderne en Transylvanie, revendiqué par les historiens des arts tant hongrois que saxons. De toute sa vie, il était ballotté entre les honneurs et l’oubli. Fils de père sicule, il grandit dans une famille saxonne. A l’école d’industrie du bois de Brassó, il se fait remarquer par son talent de sculpteur sur bois. Il poursuit des études à Budapest et à Munich et commence sa carrière comme sculpteur dans le style académique. En peinture, il commence par des portraits et des paysages conventionnels. Dans une nouvelle phase de son art, pendant la guerre, Lajos Kassák découvre en lui un des premiers représentants de l’expressionnisme et de l’art abstrait en Hongrie. Avec quelques interruptions, Máttis Teutsch vit comme professeur à Brassó, sa ville natale.
Parmi les artistes roumains vivant sur le territoire de l’Etat hongrois, certains déploient leur activité au-delà des frontières, comme Constantin Lecca (1810-1887), d’autres travaillent tant en Hongrie qu’en Roumanie, comme Mişu Pop (1827-1892) issu d’une famille de peintres d’icônes, qui fait des tableaux d’église et des portraits dans le style viennois; il perpétue la presque totalité des personnalités marquantes de la génération roumaine de 1848. Parmi les peintres roumains du Banat, les plus importants sont Nicolae Popescu (1835-1877) chez qui l’on découvre l’influence des Viennois, Constantin 563Daniel (1789-1873) de Temesvár, auteur de plusieurs tableaux historiques, ainsi que le peintre d’église et portraitiste Ioan Zaicu (1868-1914).
Dans la génération 1900, mentionnons Octaviais Smighelschi (1866-1912), ami intime du Saxon Coulin: ils partagent la tâche de peindre les murs de l’église orthodoxe de Nagyszeben, et font ensemble un voyage d’études en Italie grâce à la bourse Fraknói. Peintre d’église dans la tradition byzantine, Smighelschi est connu de ses contemporains comme portraitiste et paysagiste aussi.
En sculpture, les Transylvains en restent aux bustes et aux statuettes. Lorsque commence, vers la fin du siècle, l’érection de grandes statues de bronze sur les places publiques, les commandes sont passées généralement à des artistes extérieurs à la Transylvanie. La statue du général Bem à Marosvásárhely fut exécutée en 1889 par un artiste de Budapest et celle de Honterus à Brassó est confiée en 1898 à un artiste berlinois; celle de l’évêque et historien Georg Daniel Teutsch est moulée à Nagyszeben en 1899, par un sculpteur de Stuttgart. La statue équestre du roi Mathias à Kolozsvár (1902) et la statue de Wesselényi à Zilah sont également dues à un artiste hongrois de la capitale.
En architecture, les styles courants prédominent ici aussi. Cet art suit la mode de Budapest, du néogothique à l’Art Nouveau, les courants modernes inondent les paysages urbains traditionnels. Mais le nouveau siècle apporte des touches nouvelles. De même qu’en musique Bartók et Kodály cherchent en Transylvanie les couches profondes du folkore musical magyar, de même en architecture, une branche à part jaillit de l’Art Nouveau. Ede Thoroczkai Wigand, Dezső Zrumeczky et le plus connu de tous, Károly Kós, puisent leurs formes dans l’architecture hongroise de Kalotaszeg et de la Terre sicule pour créer un style architectural «populiste» qui, en Transylvanie, donnera naissance à un certain nombre de bâtiments privés et publics et qui a aussi ses adeptes en Hongrie. Plusieurs de leurs œuvres restent, jusqu’à nos jours, des témoignages d’une architecture typiquement transylvaine.
Les tendances littéraires et artistiques nouvelles qui, vers 1900, émergent en tant que négation du courant dit populaire national, s’affirment en force dans la périphérie de la Transylvanie historique, dans la zone d’interférence culturelle s’étendant de Nagybánya à Temesvár dont les tendances profondes n’ont pas encore été étudiées. C’est surtout Nagyvárad qui condense, dans sa vie intellectuelle, face à la littérature conventionnelle et officielle, les ambitions radicales bourgeoises (et socialistes) dont Endre Ady s’érige en symbole, déjà aux yeux de ses contemporains.

 

 

Arcanum Újságok
Arcanum Újságok

Kíváncsi, mit írtak az újságok erről a temáról az elmúlt 250 évben?

Megnézem

Arcanum logo

Az Arcanum Adatbázis Kiadó Magyarország vezető tartalomszolgáltatója, 1989. január elsején kezdte meg működését. A cég kulturális tartalmak nagy tömegű digitalizálásával, adatbázisokba rendezésével és publikálásával foglalkozik.

Rólunk Kapcsolat Sajtószoba

Languages







Arcanum Újságok

Arcanum Újságok
Kíváncsi, mit írtak az újságok erről a temáról az elmúlt 250 évben?

Megnézem