Le constitutionnalisme des Ordres et le gouvernement central de Vienne

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Le constitutionnalisme des Ordres et le gouvernement central de Vienne
Dans la première moitié du XVIIIe siècle, les desseins politiques du gouvernement Habsbourg s’épuisaient à faire voter les impôts et à ouvrir la voie à la Contre-Réforme.
Quant à la Diète, organe principal de la représentation nobiliaire, elle n’avait pas de traditions valables remontant à l’époque de la Principauté indépendante où, en effet, les mouvements des Ordres ne pouvaient prendre de l’ampleur que momentanément, lors des changements de dynastie ou de Prince, et les privilèges qu’ils réussissaient à arracher, étaient régulièrement annulés avec le renforcement du pouvoir dynastique. Et, même aux Diètes, les initiatives vraiment importantes échouaient devant les Princes qui ne manquaient pas de faire accepter leur volonté à l’assemblée.
Or, à l’époque qui nous occupe, le fonctionnement de la Diète reste inchangé: le conseil princier y est remplacé par le Gubernium qui délègue le gouverneur, les conseillers et même des secrétaires; on y trouve toujours la Cour suprême de justice, les officiers de haut rang des comitats, les prélats catholiques, un certain nombre (55-110) de régalistes désignés par le souverain; enfin, les représentants élus des comitats et des villes des «nations» hongroise, sicule et saxonne. Le gouvernement pourrait simplement, si le principe de majorité était admis, faire valoir sa volonté par les voix majoritaires mais, tout comme avant 1690, celui-ci n’est toujours pas de règle. Par référence à la formule «Vota ponderantur sed non numerantur», on se conforme généralement à la position des personnes détentrices, selon le jugement du président de la Diète, d’une autorité. Le gouvernement a la possibilité de faire abstraction des décisions des Ordres qui ne lui conviennent pas, en faisant passer par des décrets les mesures rejetées par les Ordres. En fait, il ne prend en considération les revendications nobiliaires que lorsque cela lui semble politiquement inévitable.
Dans cette situation, on ne pouvait pas attendre grand-chose des Ordres. Jusqu’en 1750, la Diète est convoquée presque tous les ans (parfois même deux fois par an), mais l’on n’y aborde que les questions de routine: les impôts, l’entretien de l’armée, la désignation aux fonctions attenantes à la Diète, l’examen des procès. Il est très rare qu’une initiative plus intéressante puisse rompre la monotonie de ce programme habituel.
Une seule fois, en 1725, les Ordres proposent un programme de politique économique et, ce faisant, ils prennent une avance sur le gouvernement qui, lui, ne fait pas de projets à caractère aussi global. Il est vrai que le système 412protectionniste qu’ils proposent comme remède à la pénurie d’argent est inacceptable du point de vue de l’Empire.
Ce peu de chose qu’on entreprend avant 1750 pour régler la situation des serfs est dû également à des initiatives des Ordres. La première loi fixant la corvée servile en Transylvanie votée par la Diète remonte au début de 1714 et précise que le serf perpétuel doit fournir quatre journées de travail par semaine, tandis que le zsellér (serf sans tenure) en doit seulement trois. Un chiffre qui semble énorme mais qui a cependant diminué par rapport à la situation antérieure. Cette loi, toutefois, ne peut pas exercer ses effets car elle ne sera confirmée par Vienne qu’en 1742, époque où celle-ci optera pour une politique de protection des serfs vis-à-vis des Ordres.
D’une manière générale, le mouvement des Ordres se contente de mener une politique de redressement des torts: faire respecter la constitution des Ordres, se réserver le droit de remplir des charges.
Cependant, vers 1750, un changement significatif s’opère. Le gouvernement central se tourne avec une attention accrue vers les affaires de Transylvanie. Ayant perdu la Silésie, l’Empire, dont les dettes budgétaires ont beaucoup grossi durant la guerre de Succession d’Autriche, a grand besoin d’augmenter et de régler ses ressources. Sans adopter une politique économique conséquente pour la Transylvanie, le gouvernement Habsbourg y surveille cependant de plus près les impôts et les revenus du Trésor. Alors qu’auparavant le montant de l’impôt national était réparti entre les «nations» qui devaient se charger de sa perception selon leurs méthodes propres, le nouveau système d’imposition est déjà per capita. Chacun paye, suivant son état, une capitation, il est ensaite imposé selon ses biens et, dans certaines catégories de profession, selon ses revenus. Si l’on définit le régime absolutiste par la possibilité du souverain d’imposer ses sujets sans l’intermédiaire de sa noblesse, l’année 1754 marque une étape importante dans l’histoire de l’absolutisme des Habsbourg en Transylvanie. Le nouveau système d’imposition, également en vigueur pour les terres des contribuables, transgresse le principe nobiliare de «onus non inhaeret fundo».
C’est finalement le mouvement constitutionnel des Ordres qui prépare le terrain à une conception globale de la politique économique. Au printemps de 1751, une commission de la Diète, présidée par László Teleki et comprenant, entre autres, le riche marchand de Szeben Samuel Dobosi, met au point un projet qui, à l’origine, devrait assurer l’augmentation des recettes, mais envisage finalement tout un programme de réformes économiques: établir des colons pour accroître la population; fabriquer du fromage; développer l’agriculture et la sériciculture: contrôler les prix des céréales; construire des silos; favoriser la culture des plantes industrielles; perfectionner les méthodes viticoles, le tout accompagné de certaines limitations apportées à l’importation des produits. Le projet Teleki-Dobosi veut en même temps faciliter l’accès à des corporations et faire venir des artisans de l’étranger. Les auteurs suggèrent la création de manufactures, notamment dans l’industrie textile, en premier lieu pour pouvoir s’imposer sur le marché des Principautés roumaines, mais aussi pour subvenir aux besoins des sept régiments cantonnés en Transylvanie. Ils voudraient supprimer la séparation douanière entre la Hongrie et la Transylvanie. Pour y parvenir, ils proposent la création d’une commission des fonds et du commerce (Commissio Commerciales) ainsi que la réparation des routes, la régularisation du crédit. Bref, ils veulent favoriser les méthodes d’innovation sans lesquelles les réformes structurelles venues d’en haut ne sont d’aucune utilité.
413Ce projet était d’avance condamné à l’échec. Ce qui en fut réalisé devait l’être quelques dizaines d’années plus tard par les initiatives de la politique économique des Habsbourg. A l’automne de 1751, la Diète transylvaine, à majorité conservatrice, rejeta elle-même le projet au nom du «réalisme» et en ironisant même sur les propositions justement les plus ambitieuses de la Commission. Après quoi, le Ministerialkonferenz se contenta de mettre en place une commission économique destinée à développer et à surveiller l’activité des manufactures en Transylvanie. La commission eut László Teleki pour président une nouvelle fois mais, faute de conditions favorables, elle ne put obtenir de résultat.
Dès les années 1760, la politique habsbourgeoise expérimenta en Transylvanie de nouvelles méthodes de gouvernement. Une dernière Diète est convoquée en automne 1761; au cours de celle-ci, le commandant-général Buccow se surpasse dans ses méthodes de chantage et de pression exercées sur les Ordres – dont l’activité lui semble, en effet, d’une inutilité totale. Son mémoire au souverain, daté des premiers jours de la Diète, soumet un projet détaillé de transformation du gouvernement du pays: faire démissionner le gouverneur; confier à lui-même (Buccow) le gouvernement civil; nommer au Gubernium des conseillers venant des provinces héréditaires; réviser les donations de propriétés et limiter à des titulaires concrets l’attribution des privilèges nobiliaires; enfin, mettre sur pied une garde des frontières transylvaines de 7 000 hommes. Le Staatsrat accepte poliment le projet, mais ne réagit pas. Pourtant, ce mémoire exercera une influence décisive sur la transformation qui se fait jour, au cours des années 1760, dans la structure du pouvoir. Au milieu de 1762, le commandant-général prend la direction du Gubernium. Après cette date et pendant près de dix ans, les commandantsgénéraux (après la mort de Buccow, András Hadik, puis O’Donel) restent à la tête du Gubernium, en tant que commissaires royaux. On intègre ainsi les directions civile et militaire, ressuscitant par là une pratique disparue depuis 1711.
Organiser la garde-frontières s’avéra une tâche à nombreux écueils. Les effectifs devaient être levés parmi les Sicules et dans la région de Fogaras, de Königsboden et du comitat de Hunyad. L’appel sous les drapeaux des Sicules était justifié par un argument constitutionnel fourni par le Diplôme Léopoldien stipulant le service armé de cette «nation». On n’avait par contre nul besoin de justifier par une disposition constitutionnelle la création des régiments de gardes-frontières roumains. Le service de garde de la frontière n’était plus du tout cette obligation d’ancien type qu’avaient autrefois assumée les Sicules en échange de certains privilèges, plus ou moins consentis. Il s’agissait plutôt d’une version tardive (quoiqu’introduite déjà à une époque antérieure, en Hongrie méridionale) des troupes en cantonnement permanent, qui devait son existence, tout comme dans d’autres pays, aux conditions arriérées caractéristiques du Centre-Est européen. Son organisation s’ammorça en 1762 dans la région roumaine de Naszód et en Terre sicule. Une vieille controverse opposait les habitants de la région de Naszód à ceux de Beszterce, les seconds tenant les premiers pour serfs, alors que ceux-ci exigeaient pour eux-mêmes des droits identiques à ceux consentis aux Saxons. Buccow promit alors des libertés aux habitants de Naszód qui s’engageraient dans la garde. Dans un premier temps, des foules affluèrent pour se faire conscrire, et aussi se convertir à l’uniatisme, car celui-ci était indispensable pour être admis dans la garde-frontières. Les Sicules, bien que bon nombre d’entre eux aient accepté les armes transmises, signalant ainsi qu’ils étaient prêts à rejoindre la 414garde, posent cependant des conditions: ils veulent recouvrir leurs anciennes libertés, obtenir des garanties de ne pas être affectés hors de la Transylvanie et se voir restituer leurs anciennes lois. Le recrutement des Sicules est en partie fondé sur le volontariat, en partie sur la contrainte, si bien qu’au début de septembre 1762 une révolte éclate dans la région d’Udvarhelyszék: nombre de communes se refusent ou se dérobent à la conscription. Buccow se rend sur les lieux où on évite de justesse la confrontation sanglante. Dans les régions de Csík et de Gyergyószék, les résultats de l’enrôlement sont meilleurs, mais inférieurs à ce qu’on espérait. A Gyergyószék, le peuple appelé à s’engager dans la garde-frontières reprend ses anciennes revendications en les précisant et en les complétant: il veut être conduit par ses propres officiers et exige la présentation du décret impérial ordonnant la constitution de la garde-frontières. Puis, se lassant des tergiversations, il attaque le quartier de Buccow. Ce n’est que grâce à la présence d’un haut officier de l’administration sicule que le commandant-général est sauvé de la fureur des foules et on ne trouve finalement qu’une poignée d’hommes désireux de s’engager.
Cela n’est cependant qu’un des fronts sur lesquels se poursuit le «bellum omnium contra omnes», déclenché par l’organisation de la garde-frontières. D’autres fronts s’ouvrent également: la noblesse des «sièges a sicules ne cesse de se plaindre des abus des officiers recrutants; les Sicules enrôlés s’attaquent, à plusieurs endroits, à la noblesse, agressent ses demeures, s’en prennent aux personnes et même à des villages entiers qui se sont soustraits à la prise d’armes. Et, phénomène particulièrement désastreux, une partie des futurs gardes-frontières refusent de labourer leurs terres et vendent leurs bêtes pour acheter un cheval. De plus, les officiers chargés du recrutement enrôlent parfois également des serfs en les affranchissant par décision arbitraire. Un conflit aigu oppose le seigneur terrien et son serf déjà engagé ou désireux de le faire. Ceux parmi les hommes de condition libre qui ne se sont pas engagés, se voyant affligés de tâches pénibles par les officiers et exposés aux tracasseries des enrôlés, commencent, dès le début de 1763, à s’enfuir vers la Moldavie.
Dans la région de Naszód, les problèmes sont d’une autre nature, mais non moins graves: l’imposition de l’union avec le catholicisme par la force provoque une crise.
Dans cette situation, le gouvernement tente de revenir sur la voie du réalisme en ce qui concerne l’organisation de la garde-frontières. Par son ordonnance du 6 janvier 1763, l’impératrice décrète que seuls les volontaires doivent être enrôlés. A la fin de janvier, Buccow envoie dans les régions de Csík et Háromszék, afin d’y apaiser les esprits, une commission composée de civils et de militaires et dirigée par un aristocrate sicule, le général Antal Kálnoki. Le gouvernement central relève bientôt Buccow de son poste pour confier l’organisation de la garde-frontières à un nouvel homme, le lieutenant général József Siskovics.
En décembre 1763, la population masculine qui refuse de s’engager dans la garde-frontières se retire dans les bois. Redoutant de voir la résistance prendre de l’ampleur, Siskovics, fort d’une troupe de 1300 hommes et de deux mortiers, lance, le 7 janvier 1764 à l’aube, un assaut contre Madéfalva, le lieu de rassemblement des résistants, et fait un carnage parmi le peuple, qui s’abstient de toute résistance, en faisant plusieurs centaines de victimes. La résistance des Sicules sera désormais brisée. Aussi le régiment de garde-frontières sicules sera-t-il mis en place en deux mois et demi. C’est avec un peu moins de violence, mais non sans effusion de sang, du moins dans la région de Naszód, que s’accomplit l’organisation de la garde-frontières des Roumains.
415La grande différence entre les attitudes des gardes-frontières sicules et roumains manifestées vis-à-vis de cette institution s’explique par la différence des conséquences sociales et culturelles qui en découlaient pour chacun des deux peuples. Les villages sicules qui avaient auparavant joui d’une autonomie et d’un certain nombre de libertés se virent imposer de graves restrictions par le commandement de la garde-frontières qui s’ingérait désormais dans le choix de leurs maires et dont l’accord était nécessaire pour l’achat et la vente de leurs biens ainsi que pour leurs mariages, ou qui pouvait leur interdire l’usage de la pipe, la danse ou la veillée funèbre. On intervint brutalement dans leur système agraire de la région frontalière; on mit des obstacles à leur scolarisation. L’unique moyen de se protéger fut pour eux de renforcer la cohésion des communautés rurales, les maires omettant tout simplement d’exécuter une grande partie des ordres.
La mise en place des régiments de garde-frontières roumains avait été marquée de moins d’abus, bien qu’il arrivât là aussi que des hobereaux roumains ou hongrois fussent contraints de rejoindre les gardes-frontières (comitat de Hunyad) ou que les boyards de Fogaras, refusant de s’engager, se vissent chassés de leurs maisons et de leurs biens. Mais c’est surtout la suite qui en fut fondamentalement différente. La création de cette organisation militaire entraîna des mesures très importantes en matière de scolarisation des Roumains de Transylvanie. Dans les «sièges de régiments» (Naszód, Orlát), on ouvre des écoles latines-allemandes, et mêmes des écoles élémentaires – du moins dans les villes de stationnement des escadrons du Il’ régiment roumain. La garde-frontières aura même contribué, en tant qu’institution, à la propagation de la conscience nationale roumaine fondée sur l’idée de la continuité: le Il’ régiment de gardes-frontières choisit pour inscription sur sa bannière: «Virtus romana rediviva».
La question cruciale, qui était la réglementation des redevances serviles, ne fut, en Transylvanie, abordée par le gouvernement central qu’à un moment où la mise en place d’une réglementation analogue nommée «urbarium» était déjà bien avancée en Hongrie. Après de longs préparatifs, et sur la base des propositions du Gubernium, le document de base de la première tentative de réglementation servile en Transylvanie, appelé Bizonyos Punctumok (Certains Points) vit le jour en automne 1769.
Certains Points ne constituent en fait qu’un recueil des anciennes lois, avec quelques additifs. On n’y trouve pas de disposition concrète concernant l’étendue des tenures, seulement des directives générales énonçant que le seigneur doit laisser à ses serfs, avec ou sans tenure, «des habitations appropriées et conformes à leur condition» et y ajouter également des champs et des prés «selon la nature de sa campagne». Il n’était donc point question de détermier sur la base d’études préalables et compte tenu des caractéristiques régionales et locales, des dimensions de la tenure servile, de la fixer en unités de superficie, comme cela avait été fait en Hongrie. Le document, énumérant les jouissances de droits du serf, établit que les forêts communales utilisées par les villages doivent rester en la possession de ceux-ci (le droit de propriété étant maintenu pour le seigneur). Quant à la prestation des corvées, on revient aux dispositions antérieures: le travail «à main» des serfs ne doit pas dépasser quatre journées par semaine, ou bien trois journées de «sommage», mais quatre en «copinage». On maintient l’obligation du serf de payer la dîme et la neuvième (là où celle-ci était pratiquée), et il est tenu de fournir des cadeaux pour la cuisine.
Certains Points n’apportèrent donc de réglementation valable ni pour la 416détermination de la taille des terres serviles, ni pour les prestations à fournir. Aussi, dans les décennies à venir, nous trouverons, dans les prestations serviles, la même diversité de formes, la même dépendance à l’égard de facteurs locaux, qui caractérisaient la société transylvaine depuis des siècles.

 

 

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