La société transylvaine se préparant à la révolution bourgeoise

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La société transylvaine se préparant à la révolution bourgeoise
La vague des révolutions européennes atteint la Transylvanie pour ainsi dire dès l’arrivée du courrier de Vienne et de Pest.
La première manifestation majeure de cette effervescence est, le 3 mars, l’intervention de Lajos Kossuth à la Diète de Pozsony, pour revendiquer, pour toutes les provinces de la Monarchie, l’introduction de la constitutionnalité bourgeoise. Dix jours plus tard, le peuple de Vienne se soulève. Le souverain se sent contraint de promettre une Constitution et de laisser la constitutionnalité se manifester. Le 15 mars, la révolution triomphe à Pest-Buda: des dizaines de milliers de personnes y défilent sans que l’armée ose intervenir. Les chefs de file de la jeunesse radicale résument en 12 points le programme de la révolution, somme des efforts réformistes des vingt années qui viennent de s’écouler; le programme est formulé sur un ton incisif, afin que le monde entier sache ce que la nation hongroise demande. Entre-temps, la Diète transformée en une véritable Assemblée constituante, proclame la Hongrie royaume constitutionnel souverain. Le roi trouve, en la personne de Lajos Batthyány, un premier ministre énergique qui, dès le 23 mars, promulgue la 465loi sur l’affranchissement des serfs votée par la Diète, ce qui permet de prévenir toute velléité de retourner la paysannerie contre la transformation nationale bourgeoise. Le 11 avril, le souverain sanctionne les lois de Pozsony dont celle qui stipule «l’union totale de la Transylvanie, partie de la Couronne hongroise, et de la Hongrie, sous un même gouvernement». La réalisation de l’union dépendra, selon les termes de la loi, de la position que prendra la Diète transylvaine à convoquer.
Les libéraux hongrois de Transylvanie demandent, dès le 19 mars, le soutien et l’aide de la Diète. Le 20 mars, ils publient, avec les conservateurs, une Déclaration commune. Le lendemain, c’est la révolution à Kolozsvár, après celles de Vienne et de Pest. Le peuple de la ville, avec des étudiants à sa tête, manifeste dans l’enthousiasme et le conseil municipal adresse une requête au Gubernium. Les revendications ne portent pas seulement sur la convocation de la Diète et la réalisation de l’union, mais aussi sur des réformes visant la transformation radicale de la société: égalité devant la loi, émancipation des serfs, égalité des charges. Le peuple des villes descend manifester dans la rue. Les assemblées des comitats se réunissent et plus d’une d’entre elles deviennent de véritables assemblées du peuple. Elles adoptent les directives de Kolozsvár, et vont même plus loin en menaces, dans l’hypothèse que si la Diète n’était pas réunie, elles enverraient leurs députés à la Diète hongroise. Les instructions données aux députés sont de véritables programmes révolutionnaires. Telle municipalité, usant de son droit d’autonomie, décide la participation égale aux charges publiques. Entretemps, le gouverneur, József Teleki, convoque la Diète, sans l’aval du roi, pour le 31 mai.
La révolution européenne gagne l’opinion transylvaine et désarme les adversaires du progrès. Les conservateurs qui, naguère, tenaient encore le haut du pavé, disparaissent de la scène politique, certains d’entre eux, afin de sauver ce qui peut l’être, rejoignent les libéraux. Le chancelier Samu Jósika espère avec un optimisme contre-révolutionnaire qu’en déployant une propagande en faveur de l’autorité du souverain et de l’armée et en entretenant le mythe du «bon empereur» largement répandu en milieu rural, il sera capable d’éviter que ne se généralise le mécontentement paysan et d’obtenir que la noblesse, mue par ses intérêts de classe, soit solidaire de la politique conservatrice: il s’emploie donc à remettre à mars 1849 l’affranchissement des serfs. Il suggère au roi de nommer ban de Croatie ce Jellačić dont il connaissait la loyauté absolue à la Cour et qui, plus tard, prendra les armes contre le gouvernement hongrois. Cependant, après l’adoption de la loi sur l’union par la Diète de Pozsony, se rendant compte que l’évolution des rapports de force lui est défavorable, Jósika donne sa démission. La Transylvanie devient une province ingouvernable que ce soit avec les méthodes du conservatisme impérial ou du provincialisme régional, tant les mouvements nationaux et populaires s’y manifestent avec vigueur.
Des aspirations nationales roumaines font surface et prennent une ampleur inattendue. Elles se fixent comme but de s’assurer une base populaire et de définir une position visant l’unité nationale de tous les Romains. De jeunes intellectuels radicaux, juristes, avocats et clercs d’avoué entreprennent d’organiser le mouvement. Dans un premier temps, ils ne refusent pas le rattachement de la Transylvanie à la Hongrie, mais ils y posent des conditions. Ils revendiquent l’usage de la langue roumaine ainsi qu’une émancipation des serfs avantageuse pour la paysannerie roumaine. C’est à cette condition que les jeunes intellectuels roumains, Alexandra Papiu-Ilarian et Avram Iancu, signent 466le mémorandum des clercs d’avoué hongrois de Marosvásárhely, et Ioan Buteanu rédige une pétition dans cet esprit. En mars, Simion Bărnuţiu est le seul parmi les chefs de file du mouvement roumains à s’opposer formellement aux prétentions hongroises d’union de la Transylvanie à la Hongrie. Cet ex-professeur de philosophie qui – comme nous l’avons vu – fut chassé manu militari du lycée de Balázsfalva et qui commença, à l’âge de quarante ans, des études de droit à Nagyszeben, s’exprime en ces termes dans un manifeste resté manuscrit: «maudit soit à jamais le Roumain qui ose conclure n’importe quelle union tant que la nation roumaine ne sera pas reconnue au plan politique», car «sans nation, même la république n’est qu’une exécrable tyrannie».* Face à l’exclusivisme et au messianisme nationaux, George Bariţ tente d’esquisser un programme qui réponde aux besoins nationaux et sociaux: il entrevoit une possibilité de dénouement par la mise en place d’un système d’administration fondé sur l’autonomie des comitats, avec usage de la langue maternelle. Cependant, la bonne volonté de rechercher un compromis doit reculer devant la réalité de l’affrontement.
VICTOR CHERESTEŞIU, A balázsfalvi nemzeti gyűlés (Le rassemblement national à Balázsfalva), 15-17 mai 1848, Bukarest, 1967, 221-222.
La paysannerie, telle une puissante personnalité collective consciente de ses forces et de ses faiblesses, entre en scène. Les manifestations de la noblesse des comitats et de la bourgeoisie des villes ne manquent pas de lui ouvrir les yeux sur les grandes mutations du monde. L’émancipation des serfs en Hongrie produit un énorme effet. Dans les comitats occidentaux, on commence à refuser, en s’y référant, la corvée, ce en quoi les communes hongroises vont souvent en tête. En Transylvanie intérieure, des manifestes colportés de presbytère en presbytère par de jeunes Roumains ont un profond retentissement. Lorsque le pope refuse d’en faire la lecture publique, les villageois vont jusqu’à l’y contraindre, comme à Dràg, où l’on est forcé de rendre publique une proclamation émanant de Buda. Et les gens n’en retiennent pas l’idée originale, à savoir que l’union de la Transylvanie à la Hongrie impliquera l’émancipation immédiate des serfs, mais y voient bien plutôt une «lettre d’affranchissement» qui, selon l’interprétation d’une des personnes présentes, signifie que «le joug des Roumains est brisé, leur jour se lève, leur Paradis s’ouvre car nous ne servirons dorénavant nul maître».* Des croyances et des rêves bien ancrés dans le monde des serfs reprennent soudain vie. Les déclarations des assemblées de comitat qui laissent entrevoir l’émancipation des serfs sans la concrétiser n’a d’autre effet que de renforcer la méfiance à l’égard de la noblesse et la conviction que le «bon empereur» a, depuis longtemps, dépêché le décret ordonnant l’abolition du servage, mais que les nobles l’ont escamoté. On chuchote même que l’Empereur aurait alloué aux paysans la propriété allodiale. Le monde rural fait donc la grève et se prépare à des changements et à une sorte de «rédemption» collective. Messianisme et discipline politique se complètent fort bien. Et on oppose une résistance passive aux actions policières du Gubernium et des autorités des comitats: à la proclamation de la loi martiale, à l’érection de potences à l’entrée des villages, sans oublier les opérations de ratissage à l’encontre des jeunes meneurs et diffuseurs de proclamations.
OL EOKL Gubernium Transylvanicum in Politicis, 1848: 9012.
On croirait voir apparaître comme justiciers les héros des contes populaires, quand les paysans nomment Bărnuţiu «roi de Balázsfalva» et Iancu, le Prince. 467La même vénération quasi royale est accordée aussi à László Nopcsa, le comes conservateur démissionnaire qui, en affichant ses origines roumaines, avait tenté de noyauter le mouvement national roumain avant de le dénoncer à Vienne. Ceux qui inspirent de la peur aux nobles sont automatiquement auréolés par le peuple comme libérateurs.
C’est auprès des couches laissées pour compte par le pouvoir central, que la politique de solidarité prônée par la noblesse libérale trouve le plus d’audience. Cela avant tout en Terre sicule, en particulier dans Háromszék où la société est relativement bien structurée, la production marchande plus développée et la division interne du travail mieux différenciée. Le besoin de faire valoir des intérêts opposés y incite curieusement à la solidarité. Le serf veut être l’égal du garde-frontières, et ce dernier du noble, propriétaire de terre. Ainsi le serf y prétend posséder, en tant qu’homme armé, la terre qu’il a cultivée jusqu’à ce jour, terre que le garde-frontières et le noble considèrent comme leur bien. Chacun tente de protéger son organisme féodal représentatif, à qui mieux mieux ou l’un contre l’autre ou encore en recherchant l’alliance de l’autre, tout cela dans l’espoir d’y trouver une tribune propre à défendre ses intérêts. Voilà comment la constitutionnalité féodale peut servir de cadre à des aspirations libérales et démocratiques. Un exemple: à la fin d’avril, quelques garde-frontières, guidés par deux jeunes avoués, refusent d’obéir à l’ordre du haut commandement de l’armée de se rendre à Brassó. Au lieu de suivre la consigne, ils prêtent serment au Gubernium, et envoient à la Diète les deux avoués comme députés d’une bourgade. Puis, fin mai, une assemblée populaire décrète, sur l’initiative des garde-frontières, l’abolition de la corvée.
De manière paradoxale, c’est le roi Ferdinand V qui est devenu le personnage-clé des situations conflictuelles qui se succèdent. De caractère incertain, ce souverain est proprement déchiré entre les suggestions du parti aulique cherchant à sauver l’absolutisme et celles du premier ministre hongrois qui tente de réconcilier les intérêts de toute la Monarchie avec ceux de la Hongrie.
Fin avril, le nouveau gouvernement autrichien mis en place par la révolution – gouvernement dont la compétence, selon les lois de Pozsony, ne s’étend pas à la Hongrie –, se prenant pour l’héritier des administrations viennoises de naguère, s’avise de prendre des mesures au détriment de l’indépendance de la Hongrie, et cela afin d’assurer le statut de grande puissance de l’Empire. Dans un premier temps, Vienne n’a pas d’idées précises, une partie des hommes d’Etat autrichiens sont favourables au compromis, tandis que les partisans d’une centralisation absolue ne reculent pas devant l’idée d’une «solution» armée. D’origine transylvaine, un général commandant de corps d’armée ne cache pas, dans une lettre envoyée en Transylvanie, que «le rétablissement de l’ordre commencera par la reprise de la Transylvanie afin de mettre entre deux feux la Hongrie insurgée», éventuellement avec «l’aide» des Roumains.* Quant aux ministres autrichiens qui envisagent une expansion dans les Balkans, ils tiennent au statut séparé de la Transylvanie car ainsi, «la nation roumaine de Transylvanie pourrait, le cas échéant, constituer le noyau que rejoindraient, sous la suprématie autrichienne, les principautés danubiennes».*
Lettre d’Ádám Récsey à János Bethlen, Bus, mai 1848, in: A szabadságharc története levelekben, ahogyan a kortársak látták (L’histoire de la guerre d’indépendance vue par les contemporains, dans leurs lettres). Publ. par IMRE DEÁK, Budapest, s.d., 77.
ÁRPÁD KÁROLYI, Az 1848-diki pozsonyi törvénycikkek az udvar előtt (Les articles de lois de 1848 devant la Cour), Budapest, 1936, 344.
468Les milieux dirigeants saxons sont d’abord véritablement paralysés par la révolution sans qu’ils aient à craindre des conflits majeurs à l’intérieur de leur société, les réformes plus ou moins importantes les ayant aplanis.
La question qui s’y pose avec acuité est celle de savoir s’il est possible de sauvegarder l’autonomie territoriale saxonne qui assurait une hégémonie territoriale régionale aux couches dirigeantes et une supériorité à la société saxonne par rapport à son environnement. D’où son élan libéral et démocratique contre la bureaucratie et son attachement aux institutions ancestrales et au passé national mythifié.
La question du rattachement de la Transylvanie à la Hongrie divise les forces politiques et l’opinion saxonnes. Alors que, fin mars, Nagyszeben adresse à Vienne une déclaration de fidélité et que, fin avril le comes Franz von Salmen attaque de plus en plus l’union, à Brassó et à Segesvár on rédige des pétitions réclamant la libéralisation de la vie publique et l’hôtel de ville de Brassó pavoise avec le drapeau hongrois rouge-blanc-vert. La lutte âpre est comme transférée dans les journaux. La presse de Brassó qualifie d’«idée utopique» l’autonomie territoriale dont Nagyszeben serait le centre et cherche la solution dans un municipalisme (au sein d’une forme de gouvernement constitutionnel fondé sur les «institutions libres» qui incarnent le principe de la représentation populaire). Face à l’Empire autrichien, elle considère l’Allemagne libérale comme gage de l’avenir, espérant qu’une Hongrie libérale, alliée de celle-ci, favorisera, justement dans cette optique d’«alliance naturelle», le progrès national – allemand – des Saxons.
Également fiers de leur anti-unionisme, les jeunes radicaux et les conservateurs plus âgés entrent en scène début mai, lors de la visite à Nagyszeben du gouverneur József Teleki. Les journaux avaient gavé le public saxon de contre-vérités. Ainsi, quand le gouverneur affirmait que l’usage de la langue allemande dans l’administration était garanti, l’opinion en était informée autrement,: on attribuait à Teleki la volonté d’ériger le hongrois en langue officielle générale et obligatoire. En guise de réponse, la ville jusque-là pacifique se met à manifester en noir et jaune, avec à sa tête des militaires. Les anti-unionistes opposent à la constitutionnalité hongroise la Constitution autrichienne (entre-temps publiée à l’usage des pays héréditaires). Ils s’en inspirent même dans la rédaction du projet de Constitution de l’Universitas saxonne afin d’en faciliter l’intégration dans l’Empire «universel». Pour parer au mécontentement des Roumains de la Terre saxonne, l’Universitas fait à ceux-ci quelques concessions, et certains vont jusqu’à promettre la reconnaissance de la communauté roumaine en tant que quatrième «nation», cela afin de s’assurer l’alliance du mouvement national roumain.
Dans les comitats de Transylvanie, le mouvement paysan, qui intègre les agitations locales, rejoint le mouvement national roumain en voie d’épanouissement. Encouragé par l’effervescence générale, Aron Pumnul, professeur de philosophie à Balázsfalva, invite, dans un manifeste, les archiprêtres à venir le 30 avril à Balázsfalva, accompagnés d’une ou deux personnes par village. L’évêque a demandé l’autorisation Gubernium de tenir une assemblée de la nation. Le Gubernium a donné son aval pour le 15 mai. L’espoir de l’émancipation des serfs, d’un tournant salutaire de leur sort réunira à Balázsfalva quelque 30 à 40 milliers de paysans.
Les différentes tendances du mouvement national roumain et leurs maîtres à penser sentent le poids de leur responsabilité historique et pèsent et soupèsent possibilités et rapports de force: le comportement de chacun en dépend. Ceux qui se prononcent pour le rattachement de la Transylvanie à la Hongrie 469se trouvent isolés. Timotei Cipariu, l’érudit rédacteur de journal à Balázsfalva qui avait commencé sa série d’articles par l’exposé des avantages de l’union, la termine par l’analyse des désavantages de celle-ci, et quand il approuve un article de la Wiener Zeitung qui plaide pour l’adhésion des Principautés roumaines à la grande famille des peuples d’Autriche, il ne fait autre chose que s’adapter aux rapports de force. De son côté l’historien Nicolae Bălcescu, qui prépare la révolution en Valachie, dépêche le linguiste August Treboniu Laurian en Transylvanie avec la consigne de «ne pas rompre avec les Hongrois, de prendre fait et cause pour les droits des Roumains et de s’efforcer de faire comprendre aux Hongrois que c’est dans l’union avec les Roumains que réside le salut des deux nationalités».* Laurian, après avoir écrit un article favorable à l’union, glorifie, dans ses vers, les avantages de la quatrième «nation». Bariţ se soumet à la position commune. Quant au désir des jeunes radicaux de passer à l’action, il n’est que renforcé par la persécution dont ils sont l’objet de la part des autorités dans les comitats.
1852. Notes écrites sous la dictée de N. Balcesco sur les événements qui ont précédé la révolution de 1848. Biblioteca Academiei RSR, Bucureşti, Arhiva Ghica VI. 562-563.
Bărnuţiu s’impose avant tout comme l’idéologue des aspirations roumaines les plus radicales: il a, dès avril, prévu l’affrontement entre les milieux dirigeants autrichiens de l’Empire et le gouvernement hongrois. Le 14 mai, à l’église de Balázsfalva, il tient un discours sur l’autodétermination des peuples, l’égalité des nations et les rapports harmonieux qui doivent s’établir entre elles. Cependant, cette sublime profession de foi destinée à éveiller les consciences trahit aussi la volonté de susciter l’extrême méfiance, ce dont témoigne, entre autres, la petite phrase qui dit que «chaque bouchée prise sur la table de la liberté hongroise est empoisonnée». Son évocation de l’exemple de la Suisse contrebalance mal son argumentation qu’il oppose aux prétendues visées dominatrices hongroises sur les Principautés danubiennes. Il dit, en effet, que la Transylvanie, «notre patrie, est une forteresse que la nature a cernée de hauts murs sans lesquels les Hongrois des champs de Pannonie sont, tels des lièvres, exposés aux attaques de l’ennemi» et, «si l’union ne se réalise pas, les liens entre Hongrois de Transylvanie et de Pannonie se rompront et les Hongrois transylvains, par la nature des choses, finiront par disparaître».*
1848 la Români. O istorie în date şi mărturii 1848 et la Roumanie. (Une histoire en données et témoignages), Publ. par CORNELIA BODEA, Bucureşti, 1982, 463.
Si donc le mouvement hongrois entend assurer son hégémonie en tablant sur sa supériorité sociale, le roumain y prétend en arguant de la supériorité numérique de son peuple. Les deux parties tentent de compenser leurs propres faiblesses internes – de nature différente – en s’assurant à la hâte des positions politiques, au risque de menacer cette harmonie des nations que chacune affichait comme objectif lointain.
Dans cette atmosphère surchauffée, les rapports individuels se définissaient selon la position de chacun envers sa nation. C’était Bărnuţiu qui, à propos de l’avenir de la nation, promettait le plus, tout en affirmant que le plus grand mal consistait à ne pas se subordonner à la nation, à la volonté nationale. Or, une partie non négligeable de l’intelligentsia roumaine, qui craignait que l’émancipation des serfs et le système libéral à la hongroise n’assurent pas suffisamment de marge d’action au mouvement national roumain, reconnaissait de plus en plus en tant que chef de file Bărnuţiu dont la logique, dans la situation donnée, lui semblait péremptoire. Mais le choix personnel y jouait également et on pouvait donner diverses interprétations aux idées. Ainsi, face à ceux qui, sous 470prétexte «d’avoir assez souffert», prétendent à l’hégémonie, Avram Iancu, dans son idéalisme du «printemps des nations», aimerait voir la Transylvanie se transformer en un «foederatus status» respectant l’égalité des langues nationales. Les dirigeants se sentent obligés de prendre en considération les normes de la coexistence des nations: le 15 mai, premier jour du rassemblement national, quand on fait prêter aux foules le serment d’être fidèles à l’Empereur et à la nation roumaine, on leur fait également promettre de respecter «toutes les nations de Transylvanie».
Conformément aux propos de Bărnuţiu, on proclame la revendication d’autodétermination nationale et la nation roumaine est déclarée partie intégrante de la Transylvanie. C’est au prorata de l’ethnie que devra être décidé le nombre des Roumains envoyés à l’Assemblée nationale et dans les fonctions électives. On revendique l’émancipation des serfs, l’égalité devant l’impôt et – pour la première fois dans l’histoire des aspirations nationales roumaines – l’abolition du régime douanier entre la Transylvanie et les Principautés roumaines. Enfin, le dernier point invite les «nations cohabitantes» à ne pas aborder la question de l’union, «avant que la nation roumaine ne devienne une nation constitutionnelle et organisée, jouissant du droit consultatif et délibératif à l’assemblée législative».*
CHERESTEŞIU, op. cit., 491.
On attend du souverain qu’il entérine l’indépendance roumaine. Certes, une délégation est également envoyée à Kolozsvár, mais avec la seule mission d’informer la Diète de la pétition de Balázsfalva. Comme si toute négociation mettait la liberté d’action et la légitimité de l’autodétermination roumaines en danger.
Les intellectuels ont fini par convaincre le peuple des villages des avantages de l’administration roumaine, sans doute avec des arguments du genre de ceux qu’on peut lire dans la proclamation libellée à l’issue de leur assemblée: «que des élus roumains assument des fonctions dans toutes les branches de l’administration, à qui les Roumains puissent présenter leurs doléances, au lieu d’être réduits à les adresser à des étrangers qui les haïssent et refusent de leur rendre justice».* Les objectifs fixés dans les revendications nationales sont souvent repris dans des prises de position de groupements paysans plus ou moins importants: «nous voulons une nation, c’est-à-dire des seigneurs roumains et la langue roumaine».* Et cela s’accompagne parfois d’intolérance religieuse et nationale, puisque même le poète Andrei Mureşanu parle dans son poème d’«oppresseurs païens» qui «n’ont ni Dieu ni loi».*
Ibid. 510.
AL. PAPID-ILARIAN, Istoria Românilor din Dacia Superioră (L’histoire des Roumains en Dacie Supérieure), Sibiu, 1942, 36.
NICOLEA POPEA, Memorialul Archiepiscopului şi Metropolitului Andrei baron de Şaguna (Le mémorandum de l’archevêque et métropolite baron A. de S.), I, Sibiu, 1889, 80.
Après l’assemblée de Balázsfalva, les Roumains répondant à l’appel des leaders intellectuels (et à l’instigation des Saxons), tentent, en plusieurs endroits, de s’armer. Certes tous n’ont pas en vue la révolte armée qu’a préconisée, à la mi-avril, Ioan Axente, compagnon de la première heure de Bărnuţiu à Balázsfalva. L’atmosphère de «printemps des nations» survit chez les Roumains qui s’arment dans le dessein de montrer à l’Europe qu’ils sont «mûrs» pour l’existence nationale. C’est que, comme l’écrit, depuis Nagyszeben, Buteanu, co-auteur de la pétition de Kolozsvár (fin mars), «l’empire d’Autriche s’est considérablement affaibli et est, semble-t-il, en voie de démantèlement 471total. Les Français à Paris, les Allemands à Francfort tiennent leur congrès national: c’est là qu’il sera statué sur l’avenir des empires européens» de même que sur celui des Roumains et, si les congressistes prennent connaissance de notre mouvement, ils ne manqueront pas de «nous faire bénéficier de la douce liberté». Et, comme les prétentions panslaves misant sur le pouvoir du Tsar menacent aussi bien les Roumains que les Hongrois, si les Magyars étaient des «gens braves, ils nous serreraient la main en frères et ils nous reconnaîtraient en tant que nation politique».* Cela au même moment que Bărnuţiu, dans son projet de manifeste, accuse «les trois nations légales» de susciter une guerre civile en refusant de reconnaître les revendications de Balázsfalva.
Lettre d’Ioan Buteanu à Simion Balint, Nagyszeben, 27 mai 1848. OL Gub. Trans. in Pol. 1848:7327.
Que devant cette situation les conflits entre seigneurs terriens hongrois et serfs roumains aient revêtu un caractère national ne fait que multiplier les éventuelles frictions. Les chefs de la communauté roumaine voient, dans les événements de Mihálcfalva de début juin, une menace pour l’existence de l’ensemble de leur nation: des garde-frontières sicules (dépêchés par le Haut Commandement militaire de Nagyszeben pour y maintenir l’ordre), s’y sont servis de leurs armes contre les paysans roumains qui, après avoir occupé le pâturage seigneurial, les empêchaient de pénétrer dans le village, et l’accrochage a fait une dizaine de morts. En guise de réponse, Iancu entend armer la population des Monts métalliques: «Si la Diète de Kolozsvár n’accorde pas le rachat gratuit des redevances seigneuriales, à l’égal de la Diète hongroise qui l’a voté pour les paysans de Hongrie, nous l’obtiendrons par la force».* Sous l’effet de la révolte armée serbe et croate, Papiu se met à organiser les habitants du plateau de Transylvanie. Il en résulte l’interdiction, par le Gubernium, du Comité national roumain élu à l’assemblée de Balázsfalva. Le Gubernium se propose d’écrouer plusieurs meneurs, mais n’y parvient pas. On l’a vu: dans un premier temps, tout le monde se dotait d’armes uniquement pour se défendre (des gardes nationales communes, plurinationales se sont créées, dont les Roumains se détacheront bientôt), mais les armes et les passions ont, tragiquement, fini par se lever entre frères ennemis.
Témoignage dans le protocole de la commission d’enquête du Gubernium présidée par Kozma. Ibid. 1848:9012.

 

 

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