La révolution bourgeoise en Transylvanie

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La révolution bourgeoise en Transylvanie
La situation conflictuelle et la menace d’une guerre civile étaient étroitement liées à la crise structurale de l’Empire et au retard que subissait la révolution bourgeoise. Certes, des symptômes de crise se faisaient également jour en Hongrie. A Buda, le commandant général de l’armée avait fait tirer sur les manifestants; une partie non négligeable des officiers était hostile au gouvernement hongrois. Le ban de Croatie opposait une résistance ouverte, tandis que les Serbes déclenchaient une guerre civile dans le Sud, afin de devenir une province autonome de la Couronne. Mais, le 15 mai, une nouvelle révolution éclata à Vienne et cet événement vint conforter la position du gouvernement hongrois aux prises avec la résistance des partisans de la centralisation de l’Empire. Le premier ministre Batthyány réussit à désarmer ses adversaires et gagner le souverain à sa cause en s’attribuant la tâche de défendre «toute la 472Monarchie». Dans ce but, il appelle, dès le 19 mai, les Sicules sous les drapeaux afin de les engager sur le théâtre des opérations de la guerre civile qui sévit dans le Sud. Le 29 mai, le roi Ferdinand va jusqu’à promettre qu’il sera présent, début juin, à l’ouverture de l’Assemblée nationale représentative hongroise. Quant au commandant général de l’armée de Transylvanie, le roi le place, malgré l’avis contraire du gouvernement autrichien, sous l’autorité du palatin Etienne d’Autriche qui, en tant que gouverneur royal, coopérera avec le gouvernement hongrois jusqu’en septembre. Et comme le commandant général Puchner remplit lui-même le poste de commissaire royal à la Diète transylvaine, cet ordre tient lieu de consigne, à l’adresse de ce dernier, de ne point s’ingérer dans le travail législatif.
La persévérance des libéraux hongrois, le climat révolutionnaire qui règne à Kolozsvár, les conclusions tirées de la révolution viennoise et des développements de la situation de la politique extérieure tranchent vite la question de l’union des «deux patries hongroises». «Ou l’union ou la mort», telle est la devise de l’opinion hongroise sûre de la légitimité de son auto-défense. Sa détermination s’alimente de la conscience de procéder, par l’union, à une révolution pacifique. Mais les Hongrois sont tentés de voir dans les prétentions autres que hongroises l’œuvre d’«une main secrète» – en effet, ils sont trop enclins à entrevoir des rapports directs entre la radicalisation nationale des Roumains ou des Saxons et le retour en force des rêves de centralisation de l’Empire. Des rumeurs circulent et répandent la panique sur la prétendue volonté des conservateurs de faire de la Transylvanie leur Vendée.
A la Diète, la majorité des députés de la nation saxonne finit, au terme d’un débat passionné qui se prolonge tard dans la nuit, par accepter l’union. Les députés se montrent surtout attentifs aux arguments de Carl Gooss, député de Segesvár, qui croit découvrir dans les aspirations pangermaniques et dans l’évolution constitutionnelle bourgeoise les chances d’un développement positif. Enfin, le 30 mai, la Diète de Kolozsvár, qui compte également trois Roumains, vote dans l’enthousiasme et à l’unanimité la réunification des «deux patries sueurs».
L’article premier de la loi sur «l’unification de la Hongrie et de la Transylvanie» consacre l’égalité bourgeoise: «suite à la réunification, et de même que dans la Hongrie sueur, l’égalité en droit de tous les citoyens est proclamée, appliquée et reconnue en tant que principe éternel et immuable, pour tous les habitants de la patrie, sans distinction de nationalité, de langue et de religion – et les lois antérieures qui lui sont opposées sont déclarées nulles et non avenues.»* L’union garantissait les institutions constitutionnelles libérales mais, comme la loi électorale hongroise était inapplicable en Transylvanie, force était de voter à Kolozsvár une loi électorale distincte. En ce qui concerne la réglementation des conditions propres à la Transylvanie, elle relèvera de la compétence de la nouvelle Assemblée nationale unifiée. Aussi s’empresse-t-on de nommer une commission dite d’union afin qu’elle participe à l’élaboration des projets de loi ministériels.
Recueil des lois hongroises. Les lois de Transylvanie: 1540-1848. Publ. par SÁNDOR KOLOZSVÁRI–DEZSŐ MÁRKUS–KELEMEN ÓVÁRI, Budapest, 1900, 667-668.
Le 6 juin, la dernière Diète féodale de Transylvanie vote la loi sur l’émancipation des serfs mise au point par les libéraux et fixe au 18 juin la date de la cessation des redevances seigneuriales. Le gouverneur József Teleki fait publier, sans sanction royale, la loi à travers le pays, tout comme l’a fait le 473premier ministre hongrois en mars. Plus de 160 000 familles (la moitié de la population) sont ainsi dégrevées des prestations de travail. Or, comme les rapports féodaux devaient céder la place aux formes de propriété bourgeoises, il était indispensable de savoir qui recevrait des terres en propriété libre et en quelle quantité.
Il appartenait à l’Assemblée nationale de définir les proportions de la répartition des propriétés foncières, mais cette loi, soucieuse surtout de trouver un compromis, n’a pas précisé la démarcation entre terre allodiale et censière laissant ainsi planer l’incertitude sur ce qui resterait propriété des nobles et ce qui passerait en la possession des anciens censiers. Cependant, la loi stipulait que nul censier ne devrait, sans arrêt du tribunal, être limité dans la jouissance de la terre qu’il cultive. Et si la nature d’une terre exploitée par le fermier censier faisait l’objet de discussion, cette terre serait exempte de prestations jusqu’à ce que le tribunal ne se prononce à son sujet. Sur ce point, les intérêts paysans étaient davantage protégés que dans la loi de Pozsony, servant de modèle. C’est que, outre l’impératif d’équité sociale l’éventualité d’un lourd contentieux recommandait la modération. Dans le projet des libéraux, la paysannerie émancipée accéderait ainsi à une quantité de champs, prés et pâturages supérieure d’un tiers au registre terrier de Cziráky. On comprend combien, à la vue de ce rapide changement, la noblesse se complut dans le mythe de sa propre générosité.
La loi prescrivait l’indemnisation par l’Etat des seigneurs terriens c’est-àdire qu’elle épargnait aux paysans tant le rachat direct, en espèces, de leurs redevances, comme c’était le cas dans les provinces héréditaires autrichiennes, que l’abandon d’une partie de leur terre, comme cela se pratiquait en Prusse. La paysannerie transylvaine jouissait, en principe, de relatifs avantages en vue de l’engagement dans la voie du progrès bourgeois, sauf que les conditions et les possibilités de production marchande y étaient bien plus précaires qu’en Hongrie. D’autre part, la pression des grands propriétaires fonciers ne pouvait s’y exercer avec la brutalité coutumière de maintes régions de l’Est européen, pression qui aurait pu fortement aggraver en Transylvanie la condition paysanne (dans l’hypothèse où les dispositions de 1847 relatives au cens prendraient effet).
L’absence de normalisation des rapports de propriété restera, pendant de longues décennies encore, source de luttes et de conflits. Ceux qui n’avaient pas reçu de terre en propre demeuraient soumis à la prestation de travail. Et pourtant l’émancipation des serfs de Transylvanie marque une première étape importante dans l’abolition de la féodalité en Europe de l’Est. Dans l’Empire russe et dans les Principautés roumaines, il faudra attendre encore une quinzaine d’années pour rompre avec l’institution féodale du servage et encore sans y voir apparaître de fortes couches de petits et moyens paysans, comme ce fut le cas en Transylvanie justement grâce à la modération de la pression de la grande propriété. La couche des petits propriétaires paysans que l’on cite si souvent comme un phénomène positif du développement de la société roumaine de Transylvanie, devait son existence, pour une large part, à certaines mesures progressistes qui s’inscrivaient dans l’abolition du servage.
Imbue de libéralisme, la politique hongroise des nationalités suit, dans un premier temps, en Transylvanie comme ailleurs, la trajectoire définie dès l’époque des réformes. Certes, une poignée de Roumains auraient souhaité en vain que la Diète fît un geste – qui tiendrait lieu de réparation historique – en reconnaissant la «quatrième nation roumaine» avant l’abolition même du système des «nations». Certains libéraux hongrois voulaient aller plus loin et 474le professeur du collège calviniste de Nagyenyed, Károly Szász a même esquissé un projet de loi qui stipulait: «La nation valaque, soumise par les vieilles lois de la Patrie à différentes restrictions et subordinations, est accueillie de plein gré, par les autres nations établies de Transylvanie, dans leur communauté fraternelle égale en droits et en obligations. Que le vieux nom de valaque de cette nation, lié à des souvenirs d’oppression et d’iniquités de toutes sortes, cède la place à l’appellation de Roumain».* Cependant, la majorité des Hongrois étaient à la fois trop précautionneux, et trop doctrinaires pour s’y rallier. Comme la question aurait concerné également les Roumains de Hongrie, ils ne voulaient pas prendre l’Assemblée nationale de Pest de vitesse. Ils se contentèrent d’une décision de la Diète selon laquelle étaient «annulées toutes les restrictions et sujétions ayant marqué, en vertu de lois votées jadis, la discrimination entre les différents peuples, notamment chez les Valaques, ainsi que pour les différentes religions de Transylvanie».* Un projet de loi fut préparé qui visait à déclarer la religion orthodoxe religion reçue. Mais tout cela ne produisit plus l’effet de détente qu’aurait produit le projet de loi original tel qu’il avait été conçu par Károly Szász. De surcroît, le souverain, qui avait fait entrevoir à la délégation roumaine de Balázsfalva la satisfaction légale des revendications roumaines comme une tâche incombant au gouvernement hongrois, pouvait une fois de plus se poser en défenseur des Roumains.
Publ. dans AMBRUS MISKOLCZY, Társadalmi és nemzeti kérdés az utolsó erdélyi rendi országgyűlésen (Les questions sociale et nationale à la dernière assemblée des Ordres de Transylvanie), Sz, 1979, n° 5,875.
Cité par MISKOLCZY, Op. cit., 881.
La plupart des libéraux hongrois, hommes d’Etat et politiques, tenaient à la primauté de la langue d’Etat dans la vie publique, persuadés que toute concession sur ce point aurait pour conséquence une rupture des digues et déboucherait sur une oppression nationale qui menacerait l’existence même de l’ethnie hongroise. Ils se fixaient comme idéal un Etat national homogène dans sa structure, au point que Wesselényi, angoissé par l’exacerbation des conflits intestins tant nationaux que sociaux, mais avant tout par la possibilité d’une tentative de contre-révolution autrichienne et par le comportement menaçant du Tsar, évoque, dans une lettre adressée le 18 juin à un ministre hongrois, l’éventualité de fonder un Etat national hongrois nouveau, d’une étendue plus modeste, mais homogène du point de vue ethnique ou plutôt de celui de sa conscience étatique. Présupposant des aspirations roumaines à l’union et à la sécession, il tient souhaitable un échange de populations au cours duquel les Hongrois habitant en milieu roumain «se substitueraient aux Roumains habitant plus près de la frontière du pays peuplé de Hongrois véritables et vice versa». Dans son optimisme libéral, il suppose que les Saxons verraient eux aussi leur nouvelle patrie dans la Hongrie ainsi créée. «Cette migration des peuples sans précédent certes, mais nullement impossible … serait à réaliser par des traités pacifiques dignes de l’esprit et de la culture de l’époque.»* Cette idée rationnelle, quoique irréalisable, prit naissance dans un climat de guerre civile mais qui allait se dénouer grâce à la consolidation des positions du gouvernement hongrois. Le 10 juin, le souverain donne son aval à la loi sur l’union votée par la Diète de Transylvanie. Il semble un moment que la Hongrie est sortie de la contrainte impériale et que les Hongrois de Transylvanie 475se sont défaits de cette situation d’otages dans laquelle ils étaient confinés par la menace de guerre civile.
Lettre de Miklós Wesselényi à Gábor Klauzál, Kolozsvár, 18 juin 1848. MISKOLCZY, op. cit., 877-878.
L’administration transylvaine, y compris la justice, reste placée entre les mains du Gubernium. La chancellerie transylvaine de Vienne cesse d’exister, ses fonctions sont reprises par le gouvernement hongrois. En la personne de Miklós Vay, un commissaire royal est dépêché en Transylvanie. Avec modération et circonspection, il aplanit un nombre assez important de conflits locaux. Bien entendu, la normalisation globale des conditions de la Transylvanie incomberait en tout premier lieu à l’Assemblée nationale de Pest. Cependant, le gouvernement hongrois se fondait, en ce qui concerne les prétentions nationales roumaines, sur les conditions de la Hongrie qui, dans ce domaine, évoluait bien plus favorablement. En effet, les Roumains de Hongrie se refusaient à exiger le statut d’une nation politique à part et se contentaient de revendiquer l’usage de leur langue dans l’administration, à l’école et dans l’exercice du culte. Ce n’est que plus tard que le petit groupe de militants nationaux roumains, essentiellement composé de propriétaires terriens et de popes du Banat, s’imposera en tant que tendance pro-Habsbourg revendicatrice de l’autonomie territoriale. A l’autre pôle, il y a les nobles roumains de Máramaros qui, se déclarant «citoyens hongrois de langue roumaine», se montrent attachés à la constitutionnalité hongroise.
Les Roumains de Hongrie formulent avant tout l’exigence d’autonomie pour l’Eglise orthodoxe roumaine. Désireux de s’affranchir du carcan de la hiérarchie ecclésiastique à direction serbe, et se sentant menacés par les prétentions de cette nation (le programme national serbe de mai a jeté son dévolu sur d’importants territoires à population roumaine), ils recherchent le soutien du gouvernement hongrois, d’autant que la constitutionnalité bourgeoise fondée sur les lois de Pozsony semble, à maints égards, garantir le relèvement de leur peuple, y compris l’intelligentsia. En Hongrie, le mécontentement parmi les paysans roumains n’est pas aussi explosif qu’en Transylvanie. Le représentant des revendications roumaines, Eftimie Murgu qui avait été arrêté en 1845, sous accusation de «daco-roumanisme» et de subversion, et relâché de prison en mars 1848 à l’instigation des radicaux hongrois de Pest, convoque, pour la fin juin, avec l’assentiment du gouvernement hongrois, un rassemblement populaire à Lugos. Arguant des prétentions serbes, cette réunion demande la création d’une garde nationale roumaine, ainsi qu’une autonomie ecclésiastique, sans oublier l’usage de la langue roumaine dans l’administration. Ceux de Bihar, de la région de Kővár et du Banat, en revanche, donnent la priorité, au lieu d’objectifs lointains, à la recherche de moyens permettant de faire aboutir des exigences nationales directes et quotidiennes, et ils se conforment davantage à la politique du gouvernement hongrois. Ils se montrent partisans zélés de l’union de la Hongrie et de la Transylvanie, notamment pour favoriser le rapprochement des Roumains des divers territoires. C’est dans cet esprit que Bariţ se félicite à Brassó que «les nouvelles lois de Hongrie et de Transylvanie aient annulé toutes les lois d’oppression des ethnies roumaine et autres» et «permis l’accomplissement de tous les points de l’assemblée de Balázsfalva, à l’exception de la nationalité prise au sens strict du terme».*
Gazeta de Transilvania, 14/26 juin 1848, n° 48.
Cependant la constitutionnalité libérale se réalise d’une manière ambiguë. Lors de la promulgation de la loi électorale de Transylvanie, les législateurs 476de Kolozsvár, craignant la prépondérance roumaine, surélevèrent le cens dans les comitats, c’est un impôt annuel de 8 florins argent qui donnait droit à élir ou être élu, tandis que les anciens électeurs conservaient tous leur droit de vote. Même dans ces conditions, sur 73 élus transylvains, 14 auraient bien pu être Roumains, mais 6 seulement furent élus députés, essentiellement en raison de la survivance de coutumes et de loyautés électorales fortement enracinées. (Du territoire de la Hongrie proprement dite, 15 à 16 Roumains entrèrent à l’Assemblée nationale.) Aussi les intellectuels de l’ethnie roumaine, majoritaire en Transylvanie, se sentaient-ils à juste titre frustrés. Il est vrai que si le cens eût été fixé bas, les seigneurs terriens pourtant riches d’une longue pratique politique, auraient pu être évincés et ce, à une époque où le capital matériel et intellectuel était la base de toute participation au pouvoir politique. A court terme, le libéralisme ne put pas fournir les éléments d’un compromis acceptable pour tous, mais à long terme, il garantit le développement bourgeois de l’ethnie roumaine et lui permit ainsi de s’imposer, à terme, en interlocuteur égal.
Pour le moment, les chefs de file du mouvement national roumain espéraient que, la révolution ayant enfin éclaté en Valachie au mois de juin, le gouvernement provisoire de Bucarest obtiendrait du gouvernement hongrois la satisfaction plus conséquente des aspirations roumaines en Transylvanie. Le gouvernement hongrois n’avait-il pas intérêt, lui aussi, à rechercher l’alliance avec la Valachie, alliance dont un préalable serait la garantie des droits nationaux aux Roumains de Transylvanie? Voilà pourquoi Bariţ, déçu par la vie politique hongroise, avertit les lecteurs de son journal que «le sort de la nation roumaine se décide à Bucarest et à Jassy et non à Kolozsvár, ni à Balázsfalva, ni à Buda».* C’est dans cet esprit qu’il avait pris part (notamment en publiant divers discours exhortant à la lutte) à la préparation de la révolution en Valachie. Il avait même fait entrevoir une aide armée des Roumains de Transylvanie tout en examinant les conditions d’une «alliance naturelle» roumano-hongroise.
GEORGE BARIŢ, Terorismul străin in Moldavo-România (Le terrorisme étranger en Moldo-Roumanie), Gazeta de Transilvania, 27 mai /8 juin 1848, n° 43.
Les aspirations à une alliance roumano-hongroise puis à une confédération danubienne, qui avaient fait leur apparition dans les milieux de l’émigration polonaise de Paris, se développèrent parallèlement aux prétentions visant l’unité nationale et l’indépendance roumaines, et tantôt les renforcèrent, tantôt les contrecarrèrent. La vision d’un Etat roumain s’étendant «du Dniestr à la Tisza» s’était, en tant que désir, déjà implantée dans l’imagination de bien des Roumains, surtout en Valachie. Mais ce rêve n’a pu dépasser le stade des déclarations lyriques et des projets conspirateurs, car le fait d’en parler pouvait entraîner des complications internationales. Nesselrode, ministre russe des Affaires étrangères, se référait justement aux prétentions daco-roumaines pour justifier son dessein de faire occuper les Principautés danubiennes par l’armée. Le commandement militaire impérial de Transylvanie ne voyait pas non plus d’un oeil favorable les illusions daco-roumaines. Tout cela explique qu’à la réunion de Balázsfalva, Bărnuţiu se contenta d’exiger publiquement la seule unité nationale culturelle tout en précisant qu’une même nation peut fort bien vivre sous plusieurs gouvernements.
Hostiles à l’orientation pro-autrichienne, les artisans de la révolution de 477Valachie cherchèrent à harmoniser les aspirations de liberté nationale roumaines et hongroises, et se rallièrent à l’idée de confédération danubienne préconisée par l’émigration polonaise de Paris. Ils entendaient faire de ce nouvel Etat fédéral, dont personne ne savait encore quelle serait sa composition, un chaînon de la politique européenne de refoulement de l’absolutisme tsariste.
Or, ce noble dessein échoua, non pas par l’attitude de telle ou telle personne, mais par l’absence de conditions objectives favorables. Le gouvernement hongrois n’a pu se permettre de s’associer à de telles entreprises, privées de tout soutien européen. En revanche, bien que les cadres formels de l’Empire lui aient laissé peu de marges d’action, il s’est montré disposé à conclure une alliance avec les Principautés danubiennes. Quant aux émissaires du gouvernement de Valachie, malgré la consigne de chercher la collaboration avec les Hongrois, ils n’ont guère fait d’efforts dans ce sens. Pour le moment, ceux qui donnent le ton dans la politique extérieure de la révolution de Valachie préfèrent lier les aspirations d’unité nationale roumaine à la future Allemagne. Ainsi, ce même A. S. Golescu qui propose l’émancipation des serfs de Hongrie comme modèle à suivre, recommande, dès le milieu de l’été, aux Transylvains de s’allier avec les Croates et les Saxons, instruments de la contre-révolution. Plusieurs de ses lettres interceptées en informent le gouvernement hongrois, ce qui, bien entendu, ne sera pas sans détériorer les rapports hungaroroumains. Cela dit, l’orientation allemande implique également la recherche d’un compromis. Ne verra-t-on pas bientôt l’intellectuel de Valachie, Ioan Maiorescu qui bombarde l’Assemblée nationale de Francfort de requêtes, réprouver l’alliance des Roumains de Transylvanie avec les forces contrerévolutionnaires?
Les faiblesses et les tergiversations de la politique hongroise envers les nationalités, ainsi que certains propos expansionnistes attirent l’antipathie des Roumains. Du côté hongrois, on cherche, avec la préoccupation primordiale d’assurer l’existence nationale moderne, une place pour le pays sur la carte des puissances européennes. On croit avoir trouvé cette place en prenant la succession de la monarchie des Habsbourg. Quand on entrevoit l’éventualité, pour les provinces héréditaires autrichiennes, de devenir parties intégrante d’une Allemagne unifiée, éventualité qui consoliderait l’indépendance de la Hongrie, les hommes d’Etat hongrois, comme nombre d’observateurs étrangers, ont la naïveté de croire que les Principautés danubiennes roumaines se rallieront, de bon gré, à la Couronne hongroise.
La naïveté et l’incohérence des prétentions en matière de politique extérieure tant roumaine que hongroise reflètent l’instabilité des rapports politiques internationaux en Europe. Du point de vue de l’alliance roumanohongroise, les faiblesses internes des deux révolutions ainsi que les menaces extérieures qui les guettaient, ont exercé un effet défavorable. Bien qu’elle n’ait pas à faire face à la question des nationalités, la révolution de Valachie ne parvient pas à réaliser l’émancipation des serfs. Fin septembre, les troupes turques puis russes investissent Bucarest et mettent fin à l’expérience révolutionnaire.
L’opinion progressiste hongroise, tout comme celle de Transylvanie, fut à juste titre, endeuillée par l’échec de la révolution de Valachie, car elle y perçut la fin d’une alliance potentielle, l’échec d’un compagnon de lutte révolutionnaire. D’autant que, entre-temps, la Hongrie elle-même vit surgir la menace de la contre-révolution et la Transylvanie celle de la guerre civile.

 

 

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