Le règne de Burebista

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Le règne de Burebista
Il nous reste ainsi à savoir quelles ont pu être les causes intrinsèques qui ont conduit à la construction de places fortes, signes d’une structuration très avancée de la société, à l’accumulation des richesses (en particulier de l’argent) et surtout au renforcement spectaculaire et inattendu de la puissance dace. Les très laconiques sources sur la société dace parlent de deux couches nettement distinctes, à la manière de castes: celle des «porteurs de toques» et celle des «chevelus». En effet, les aristocrates daces sont plus tard représentés coiffés de toques de feutre. La ségrégation d’une aristocratie peu nombreuse et des masses populaires assujetties donne ainsi une explication satisfaisante de la dualité des fonds archéologiques des Daces, dualité qui est unique dans tous les matériaux datant du début de l’âge du fer sur l’ensemble de la région danubienne: tandis que les sites situés sur l’emplacement des forteresses daces de jadis recèlent avant tout de superbes produits de céramique ainsi que des miroirs fabriqués par des Grecs et des pots de céramique peinte tournés, sortis d’ateliers locaux, ceux des habitats ouverts sont pour la plupart des objets en céramique très simples, voire grossiers, façonnés à la main et reproduisant les traditions de l’âge du fer, ainsi que quelques objets métalliques très rudimentaires.
Le fait même qu’une tribu – ou un groupe de tribus – parvienne rapidement à contrôler d’immenses territoires en utilisant comme alliés ou en soumettant 27plusieurs peuples qui lui sont étrangers aussi linguistiquement, n’est pas insolite dans l’histoire déjà plus ou moins connue des peuples danubiens et balkaniques des derniers siècles avant notre ère. Avant même que les Daces aient étendu leur domination sur les régions du cours inférieur et moyen du Danube, la Macédoine, tombée sous le joug romain, devait faire face aux incursions des Scordisques celtiques puis, vers le milieu du Ier siècle, aux assauts des Dardanes. Dès le milieu du IIIe siècle, le lieu d’établissement central des Scordisques se trouvait à l’emplacement de l’actuelle ville de Belgrade, tandis que les Dardanes étaient originaires du Sud de la Serbie et de la Macédoine actuelles. Lorsque les sources parlent des Scordisques comme des principaux ennemis de Rome, voire de ses uniques ennemis dans les Balkans, elles ne disent rien des Dardanes, ou bien elles se contentent de signaler que ceux-ci s’allièrent avec d’autres tribus thraces contre les Romains. Dès que la puissance des Scordisques, au tournant des IIe et Ier siècles avant notre ère, est brisée, ils ne sont plus guère mentionnés parmi les ennemis balkaniques de Rome. Au fur et à mesure que les Scordisques deviennent moins dangereux, les incursions des Dardanes ainsi que d’autres tribus thraces, naguère seulement auxiliaires des premiers, se font de plus en plus fréquentes. L’histoire politique du bassin carpatique des derniers siècles avant notre ère est également marquée par la domination d’une seule tribu ou groupe de tribus. Le Nord et l’Ouest étaient, à la fin du IIe siècle avant notre ère, contrôlés par un groupe de tribus celtiques, dirigé par celle des Boïes. La vallée de la Save appartenait aux Scordisques qui, jusqu’au début du Ier siècle avant notre ère, tinrent les tribus pannoniennes établies entre la Drave et la Save sous leur joug. L’hégémonie des Scordisques fut probablement brisée, dans cette région, à la suite d’une série de revers essuyés devant les Romains qui les attaquaient à partir de la Macédoine. Dans les années 60, les tribus pannoniennes accédèrent à l’indépendance; en effet, le plan stratégique du roi du Pont, Mithridate, qui se proposait d’attaquer l’Italie en traversant la péninsule balkanique et les Alpes, mentionne les Pannons (et non plus les Scordisques) comme possesseurs de cette région.
Ces peuples du bassin carpatique et des Balkans durent faire face, vers le milieu du Ier siècle avant notre ère, à l’expansion rapide et inattendue du royaume dace de Burebista. Les sources ne nous permettent pas d’établir avec certitude si Burebista fut effectivement le premier monarque dace suffisamment puissant pour soumettre à son autorité l’ensemble des tribus daces ou s’il put, dans ses efforts, s’appuyer sur les progrès de la centralisation entamée par ses prédécesseurs. Les chroniques font coïncider certains événements importants de son règne avec quelques dates capitales de l’histoire romaine: ainsi, par exemple, le pontife Decaineus, soutien et conseiller de Burebista, serait arrivé en Dacie au moment de l’avènement de Sulla (82 av. J.-C.), tandis que Burebista aurait été assassiné la même année que César (44 av. J.-C.). Ce rapprochement artificiel ne nous permet guère plus que de situer le règne de Burebista avant le milieu du Ier siècle avant notre ère. Selon la Geographica de Strabon (notre source essentielle pour l’étude de cette période), la réalisation de ses grandes conquêtes n’occupa que quelques années de son règne, long peut-être de quatre décennies. D’après une inscription de Dionysopolis (Balčik, Bulgarie)*, Burebista était «le premier et le plus grand roi de Thrace» vers 2848 avant notre ère. Cette même inscription mentionne également un roi gète, auprès du père duquel la ville de Dionysopolis avait délégué une ambassade, que celui-ci reçut à Argedava. Le caractère fragmentaire du texte ne nous permet pas d’établir si ce roi d’Argedava était ou non le père de Burebista; il reste également à savoir si la ville d’Argedava est la même qu’Archidava (Varadia), sur la frontière est du Banat. Si tel était le cas, il faudrait présumer que le roi qui avait reçu l’ambassade des Grecs à Argedava était bien le père de Burebista. Cette hypothèse est par ailleurs infirmée par le fait que l’influence de Burebista, dans la première moitié de son règne, ne s’étendait sans doute pas encore jusqu’aux villes grecques de la mer Noire. Le plan téméraire du roi du Pont Mithridate, qui date des années 60, ne mentionne les Daces ni comme ennemis ni comme alliés, ce qui porte à croire qu’ils ne contrôlaient alors ni le Bas-Danube ni les bords de la mer Noire. Tout cela nous amène à conclure que toutes les conquêtes durent être réalisées effectivement en l’espace de quelques années, au milieu du premier siècle avant notre ère. Burebista devait employer la première étape, plus longue, de son règne à forger l’unité des tribus daces et, en même temps, à fonder et consolider le royaume dace. Dans ces opérations très sanglantes Burebista était secondé par son conseiller, le pontife Decaineus, investi de «pouvoirs quasi royaux».
G. MIKHAÏLOV, Inscriptiones Graecae in Bulgaria repertae I, Sophia, 19702, n° 13 = Á. DOBÓ, Inscriptiones… n° 837.
S’étant acquitté de la tâche difficile de réaliser l’unité politique des tribus daces, Burebista prit rapidement possession de vastes territoires. L’ordre de ses conquêtes est l’objet de controverses, puisque les sources se contentent de signaler ses progrès. Or, Burebista étendit la puissance dace dans trois directions. Au sud-est, il avança jusqu’à la mer Noire, s’emparant des villes grecques situées entre le delta du Danube et les Monts du Balkan, raison pour laquelle il avait précédemment dû assujettir les tribus gètes installées sur le Bas-Danube, et aussi, vraisemblablement, les Bastarnes établis au nord de ceux-ci, sur les versants extérieurs des Carpates. D’origine celtique ou germanique, le peuple des Bastarnes, dès le IIe siècle avant notre ère, fournit des troupes à l’armée des rois de Macédoine ainsi qu’à d’autres puissances étrangères, tandis qu’après la mort de Burebista, la communauté se mit au service, voire à la solde des Daces luttant contre les Romains.
Une deuxième poussée, déjà très dangereuse aux yeux des Romains, fut dirigée sur la Macédoine. Après avoir franchi le Danube, Burebista progressa jusqu’à la province romaine de Macédoine et aux côtes dalmates, elles aussi occupées par les légions, tout en dévastant la majeure partie de la péninsule balkanique. La nécessité de parer au danger dace fut, dans la politique étrangère romaine des dernières années de César, un impératif de tout premier ordre. Cependant, le seul résultat positif de ces conquêtes balkaniques fut que, après avoir été défaits par Burebista, les Scordisques s’allièrent aux Daces. Au sortir des guerres qui suivirent, les Daces s’implantèrent durablement au sud du Danube, sur le territoire de la future Serbie. Enfin, l’expansion dace se dirigea également contre les voisins celtes de l’Ouest. La fédération de tribus dominée par les Boïes comptait dans ses rangs, dans la première moitié du Ier siècle avant notre ère, aussi les tribus celtiques de la Transylvanie septentrionale. Burebista s’employa vraisemblablement, tout d’abord, à briser la résistance des Taurisques et des Anartes, et se heurta ainsi au groupe de tribus celtiques commandé par les Boïes qui contrôlaient la totalité de la partie nord du bassin carpatique. Le conflit éclata au moment où les Daces, franchissant le Maros, commencèrent à avancer vers la région habitée par les Boïes (la Transdanubie et l’Ouest de la Slovaquie actuelle). La victoire de Burebista sur les Celtes entraîna non seulement la dislocation de la fédération de tribus 29dominée par les Boïes, mais aussi l’établissement des Daces dans la partie méridionale de l’actuelle Slovaquie. Cela est attesté, outre la diffusion des produits de céramique façonnés à la main caractéristiques des Daces, par la «dacisation» progressive, au IIe siècle après notre ère, des noms de personnes des Celtes installés en Slovaquie du Sud.
Cette mutation des rapports de pouvoir dans les régions du Moyen et du Bas-Danube était d’autant plus inquiétante pour les Romains qu’elle était le fait d’un peuple naguère peu connu et établi à l’écart de leur sphère d’influence, mais qui était devenu, avec une rapidité étonnante, un élément de tout premier ordre sur les frontières de l’Illyricum (c’est-à-dire des côtes dalmates) et de la Macédoine. La destruction de la puissance dace figurait ainsi parmi les desseins majeurs de la politique étrangère de Jules César. Il avait l’intention de l’attaquer à partir de la Macédoine, probablement en 44 ou en 43 avant notre ère, mais il en fut empêché par les conspirateurs de l’an 44. A peu près à la même époque, Burebista tomba lui aussi victime d’un attentat politique. Le complot – qui, au dire de nos sources, était plutôt une révolte – fut vraisemblablement ourdi par certains groupes particularistes de la noblesse dace, puisque l’unité politique des tribus daces n’avait pu se réaliser que par l’éviction de la plupart des chefs de tribus jusque-là indépendants. On ne peut bien entendu pas exclure que les maîtres de Rome n’aient pas trempé dans l’assassinat de Burebista; plusieurs de ses successeurs entretinrent des relations avec Octave, puis avec Antoine.

 

 

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