Le rassemblement roumain de Gyulafehérvár

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Le rassemblement roumain de Gyulafehérvár
Pendant les négociations d’Arad, Maniu fit parvenir un mémorandum à Paris dans lequel il demandait, contrairement à la convention d’armistice de Belgrade, l’autorisation, pour l’armée roumaine, de progresser au-delà du Maros. Il demandait également au gouvernement roumain d’intervenir, tout en persuadant le roi Ferdinand que ses troupes trouveraient en Transylvanie une quantité suffisante de vivres, de vêtements et de chaussures et qu’elles ne rencontreraient pas de résistance. Ainsi l’intervention militaire fut décidée.
Dans une proclamation adressée le 20 novembre «aux peuples du monde», le Conseil National Roumain affirma sa volonté de vivre en Etat séparé et que «son gouvernement s’oppose à la force brutale de l’Etat oppressif avec les aspirations qui reviennent de droit à la nation roumaine». Conformément aux intentions du gouvernement roumain, le Conseil National publia, dans une nouvelle proclamation, un appel à un rassemblement national et publia également, à l’occasion de l’entrée de ses troupes en Transylvanie, la proclamation du chef d’état-major royal roumain. Le comité national somma, le 24 novembre, dans une circulaire confidentielle, les conseils des communes de «proclamer le rattachement sans conditions au royaume roumain, sous le règne de la dynastie actuelle».* Un modèle de la déclaration leur fut également envoyé, déclaration dont on demanda plusieurs exemplaires car la diplomatie roumaine en avait elle aussi besoin. «De cette manière, le plébiscite pourra 612probablement être évité», résumait la circulaire définissant le but de l’action.* Le gouvernement hongrois ne s’opposa pas à la convocation du rassemblement national roumain, il ordonna même aux Chemins de fer d’Etat de prévoir des trains spéciaux pour les Roumains qui désiraient se rendre à Gyulafehérvár.
Voir la circulaire polycopiée publiée au nom de l’ancien comité national: OL Nemzetiségi Ügyek Minisztériuma, 1918, vol. X, 242.
Voir encore LAJOS NAGY, A kisebbségek alkotmányjogi helyzete Romániában (La situation des minorités en Roumanie au point de vue du droit constitutionnel), Kolozsvár, 1944, 18-19.
Ce rassemblement fut source de bien des soucis pour les sociaux-démocrates roumains. La position de l’aile gauche était sans équivoque: «Nous nous unirons à la Roumanie mais nous devons faire dépendre cette union de certaines conditions. Elle devra être progressiste et chasser les tyrans. Il faut que le peuple roumain, libéré comme nous le sommes à présent, nous donne la main et que nous formions un grand pays libre et démocratique. Nous n’avons plus besoin des boyards ni du symbole de leur pouvoir (du roi).»* Même les socialistes de droite déclarèrent que «l’assemblée nationale devrait solennellement proclamer qu’elle maintiendrait l’autonomie de la Transylvanie libre tant que l’état actuel ne changera en Roumanie».* On aboutit finalement à un compromis: l’aile droite des socialistes renonça à l’agitation républicaine et le parti national accepta l’idée de l’union progressive et garantit la mise en place des réformes démocratiques. D’importants hommes politiques bourgeois se montraient eux aussi favorables à une Transylvanie autonome au sein de la Roumanie.
Adevěrul, 24 novembre 1918; TIRON ALBANI, Douăzeci de ani de la Unire (20 ans après l’Union), Oradea, 1938, 206.
Adevěrul, 1er décembre 1918.
Le 30 novembre, un comité plus restreint mais accordant les différentes aspirations, rédigea un nouveau projet de résolution qui ne parla plus de l’institution du royaume mais établit des principes démocratiques, tels que le suffrage universel et secret, la liberté de presse, de parole et de réunion ainsi que la réforme agraire et l’extension des droits politiques des ouvriers. Le point 3 de la résolution traitait des «minorités nationales» et prônait «une entière liberté nationale pour les peuples cohabitants. Chaque peuple a droit à sa propre éducation et à sa propre administration en sa langue maternelle et par des personnes choisies de ses rangs».* Cette formulation indiquait que les dirigeants roumains avait tiré la leçon de leurs exigences minoritaires antérieures et promirent aux Hongrois et aux Saxons de Transylvanie des droits plus étendus que ceux dont ils avaient eux-mêmes joui dans l’Etat dualiste.
Le texte entier de la résolution: ION CLOPOŢEL, Revoluţia din 1918 şi unirea Ardealului cu România (La révolution de 1918 et l’union de la transylvanie avec la Roumanie), Cluj, 1926, 61 et L. NAGY, op. cit., 208-211.
Le 1er décembre 1918, les 1 228 délégués de la réunion de Gyulafehérvár consentirent à l’union sous cette réserve que «nos institutions spécifiques demandent le maintien d’une autonomie provisoire, ce qui ne change rien au principe de l’union sans conditions».* La réunion élit un Grand Conseil National constitué de 200 membres dont 30 sociaux-démocrates (à côté des évêques et d’éminents intellectuels, devenus automatiquement membres du conseil, ainsi que de riches bourgeois élus).
ALBANI, op. cit., 236.
Le grand rassemblement eut lieu sur le glacis de la forteresse où l’on fit connaître la résolution à un grand nombre de paysans ainsi qu’à des ouvriers en nombre plus réduit. L’assemblée – cent mille hommes selon la tradition 613roumaine – accueillit avec dévotion et enthousiasme la proclamation de la résolution. Le caractère progressif des principes était prometteur.
Le a décembre, le Grand Conseil National désigna les membres du Conseil Dirigeant (Consiliul Dirigent), dont deux socialistes, et envoya un télégramme d’hommages ainsi qu’une délégation à Bucarest afin de remettre solennellement la résolution qui proclamait l’union. Le 24 décembre, Bucarest inséra dans la loi que «les territoires mentionnés dans la résolution de la réunion tenue le 1er décembre 1918 à Gyulafehérvár s’unissaient à titre définitif au Royaume roumain»,* ne laissant que l’administration locale aux mains du Conseil Dirigeant. Trois membres du Conseil reçurent des postes au gouvernement de Bucarest.
Décret-loi n° 3631 de 1918. Monitorul Oficial, 13 décembre 1918.
Dans le camp des progressistes roumains, une rupture importante eut lieu en raison de la forme sous laquelle se réalisait l’unité roumaine. L’aile gauche de la bourgeoisie restera (pendant quelques années) extasiée de voir s’accomplir son rêve inespéré, la Grande-Roumanie. L’aile droite des sociaux-démocrates, elle, attendait qu’avec l’appui de l’union nationale, le mouvement ouvrier s’intégrât dans la vie politique roumaine. Par contre, l’aile gauche des socialistes se scindant petit à petit en centristes et communistes, désapprouvait d’emblée la coopération étroite entre la droite et les nationalistes. Les socialistes de gauche constituèrent «la fraction internationaliste des socialistes roumains», et menèrent une importante action de propagande en premier lieu sur les confins de la Plaine hongroise et parmi les ouvriers roumains des alentours de Budapest. Ils convoquèrent, pour le 31 décembre, à Budapest, le congrès «des socialistes internationalistes roumains d’Autriche, de Hongrie et de Transylvanie» qui «éleva sa voix contre la résolution proclamée à Gyulafehérvár sur le rattachement au Royaume roumain».* Le congrès revendiqua le droit de tous les Roumains de Hongrie, de Transylvanie et du Banat de pouvoir constituer un Etat indépendant sur la base d’un plébiscite ouvert à toutes les nationalités. Ce courant prolongeait la tradition internationaliste que les Roumains avaient adopté lors de leur collaboration avec les Hongrois prisonniers en Russie, au printemps de 1918, pendant les premiers mois du pouvoir soviétique. Minoritaires, les sociaux-démocrates roumains de droite organisèrent, en janvier 1919, à Szeben, un contre-congrès et en exclurent les participants au congrès de Budapest de l’aile gauche, notamment les représentants des ouvriers des grandes usines. Le congrès des sociaux-démocrates de droite déclara la constitution du parti social-démocrate de Transylvanie et du Banat.
Glasul Poporului, 2 février 1919.
La majorité du prolétariat syndiqué de la Transylvanie au sens élargi était constituée de Hongrois et d’Allemands. Ceux-ci considéraient que leur tâche historique consistait non pas à s’unir à la Roumanie mais à former une société démocratique et socialement progressiste.

 

 

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